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La Bible ne s’intéresse pas à l’immortalité!!!

La Bible s’intéresse peu à l’immortalité de l’âme. Elle en appelle à la résurrection des corps. S’il ne s’agissait que d’immortalité, nous n’aurions pas à sortir d’Égypte : le Livre des morts nous aurait suffi, avec sa pesée des esprits et son existence en apesanteur, débarrassée de toute enveloppe chamelle. S’il s’agit de ressusciter, en revanche, il faut accepter de mourir. La foi en la résurrection suppose la reconnaissance de notre mortalité sans détour, mais non sans destin, car ce lieu de la perte devient celui de l’offrande.

La Bible s’intéresse peu à la dignité des vertueux. Elle en appelle à la rédemption des pécheurs. S’il ne s’agissait que de vertu, nous aurions pu en rester à Aristote ou Cicéron. S’il s’agit de rédemption, en revanche, il faut accepter que notre orgueil se brise. La foi en la miséricorde suppose la reconnaissance de notre misère sans fard, mais non sans force, car le lieu du péché devient celui de la grâce, et d’une grâce contagieuse, où l’on pardonne à son tour dans la grande communauté des misérables.

Que nous reste-t-il alors? La charité nue. Celle des soignants et des suppliants. Celle des mourants et des vivants, plus vivants que jamais, parce qu’ils ont côtoyé l’abîme, parce qu’ils ont été privés même de donner leur dernier hommage au défunt et découvert le tombeau vide, parce qu’ils ont compris que tout était perdu qui n’était pas reçu et donné.

Fabrice Hadjadj, philosophe et écrivain, à Fribourg, in La Vie du 9 avril 2020.

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Posté le

23 avril 2020