
Prédication sur Mat 9,1-9 et Jer 31.1-9 et 1Jn 3.20
Vive la liberté retrouvée – aller au-delà du reproche à soi.
Bien-aimés du Christ.
Voici l’été et le temps des vacances pour certains… Un temps où l’on part parfois ailleurs pour changer d’air… Pour certains, un temps au parfum de liberté. Un temps où l’on prend distance du travail et de ses contraintes. Je vous propose pour les cultes à venir une balade sous le titre Vive la liberté retrouvée en suivant 4 sentiers, lesquels nous réserveront des détours surprenant. Le sentier de ce jour : un pardon reçu. J’aimerais parcourir ce sentier tel qu’il se présente dans ce récit de Matthieu 9, en m’arrêtant à certains endroits.
Un homme paralysé est amené à Jésus pour qu’il le guérisse. En grec, un paralytique c’est littéralement un homme qui est relâché, délié, dissout : il ne tient pas debout car il ressemble à un pantin désarticulé. Et ici, il est couché sur un lit. En fait couché traduit le verbe laisser tomber, jeter, éparpiller. Si tu lâches le pantin, il tombe et s’étale n’importe comment. Cet homme est comme en petits morceaux[1]. Il est éparpillé sur ce lit.
Nous aussi nous pouvons nous sentir parfois comme en mille morceaux. Fatigués. Perdus. Désorientés. Privés de notre liberté ou de nos rêves, de notre autonomie. Habité par une douleur au fond de l’âme qui pèse sur le corps. Parfois on peut se sentir comme un pantin désarticulé, composé de différentes parties (les différentes parties de notre vie) ne tenant pas ensemble, ne pouvant pas ou plus se tenir debout.
Cet homme vient à Jésus, portés par des anonymes. Jésus le relève et le renvoie chez lui. Ce détail a toute son importance.
Cet homme vient à Jésus pour retrouver la mobilité. Et Jésus répond à son attente par Courage, mon enfant, tes péchés, tes errements, tes erreurs te sont pardonnés. Il vient avec une demande implicite, et Jésus répond à côté. Je m’approche de Dieu pour un truc concret, il me parle de pardon. C’est agaçant. Mais… je l’ai dit, un sentier réserve des surprises.
Il cherchait la guérison de sa paralysie, Jésus lui pardonne ses fautes. Je vois dans cette parole de Jésus une immense tendresse : Mon enfant, courage. Par elle, Jésus établit un lien entre lui et cet homme, il le reconnait comme une personne pour qui il a de la compassion, de l’affection, de l’amour.
Cette parole va plus loin : elle reconnaît avec douceur la souffrance qu’il y a derrière la paralysie. Tu sais, c’est comme quand tu parles de ton problème et que la personne qui t’écoute redit la chose avec ses mots à elle, qui disent mieux que tes mots à toi ce qui te fait mal. Jésus perçoit les vrais besoins de cet homme: besoin de courage et pardon.
Cet homme est découragé par ses péchés. Le mot a une telle connotation moralisante qu’il faut revenir à l’original: en grec et en hébreu il s’agit de rater la cible, de se tromper, de s’égarer, d’errer, de manquer le chemin, de manquer la marque, et aussi de ne pas recevoir ce qui nous revient, notre part d’héritage. Comme s’il ne se sentait pas bien dans sa vie.
Je me demande si cet homme vit dans le reproche ou l’accusation de s’être égaré, d’avoir raté l’occasion, d’avoir échoué, de s’être trompé. De ne pas avoir fait ce qu’il aurait fallu faire. De ne pas avoir été ce qu’il aurait fallu être. Ça peut nous arriver aussi. Il se sent peut-être coupable de la situation dans laquelle il s’est mise, dans laquelle il a mis sa famille, ses proches. Il se sent brisé en morceau, indigne. Il n’arrive plus à soutenir le regard des autres. À l’époque la maladie est vue comme une malédiction divine. Il souffre du regard des autres, de celui de Dieu ressenti comme accusateur. Cet homme doit se reprocher de faire ou d’avoir fait souffrir sa famille, les siens. Qu’a-t-il bien pu faire ? Nous ne le savons pas. Mais le regard accusateur qu’il porte sur lui-même et qu’il pense que les autres et Dieu posent sur lui fait qu’il ne se sent pas chez lui dans la vie, qu’il est peut-être sur la défensive en permanence. Et Jésus, avec infiniment de tendresse le rejoint dans sa souffrance. Cette souffrance visible de ses amis qui le portent à Jésus. Cette souffrance qui fait de lui un homme paralysé, comme sans présence, dissout, comme on pourrait traduire paraluô.
Mon enfant, courage ! C’est pardonné. Pardonner, en grec, renvoyer, laisser aller. Mon enfant, ce qui t’enferme, ce dont tu t’accuses, ce que les autres te reprochent, tu n’y es plus lié, tu en est libre. Et pour que tu le vives, je te le dis : lève-toi, prends ton lit et rentre chez toi. Saisis cette liberté retrouvée et rentre chez les tiens, pour une vie nouvelle dans une liberté nouvelle dans des relations renouvelées avec les tiens.
Encore fallait-il qu’il se lève.
Jésus aimerait que nous accueillions son regard posé sur nous, son pardon-libération. Il nous voit déjà debout. Il nous voit déjà restauré. Son amour ne veut pas que nous restions comme un pantin désarticulé gisant à terre, il nous veut debout. Mais accueillir son pardon-libération et donc se pardonner à soi-même suppose aussi reconnaître et accepter la réalité de qui nous sommes et de notre histoire, accepter notre part de responsabilité, et reconnaître notre non-responsabilité. Accepter ce qui a été. Non comme une fatalité. Mais comme n’étant pas obstacle à l’amour que Dieu a pour nous. Il faut parfois faire vacance, prendre du recul pour parcourir ce sentier
Dans le récit, il y a 2 éléments qui favorisent le rétablissement de cet homme.
Le 1er c’est qu’il y a une communauté de foi autour de lui. Ils l’amenaient à Jésus avec foi. Cela doit nous interpeler à 2 titres : d’abord notre rôle dans la vie des autres. Quel est-il ? Sommes-nous de ceux qui pousse sous l’eau celui qui se noie? Sommes-nous animés par cette miséricorde et cette foi qui croit pour l’autre, avec l’autre en une liberté nouvelle pour le frère, la sœur en morceau, qui crie sa douleur ? Sommes-nous de ceux qui vont prier, porter, encourager, consoler ? Le verbe présenter est à l’imparfait, ce qui dénote une action répétée, habituel, et non pas une action ponctuelle. Ce n’est d’ailleurs peut-être pas la 1ère fois qu’ils amènent leur ami à Jésus.
Et si je suis le paralytique, est-ce que je fais appel à la communauté de foi ? Est-ce que je crois à ce petit cercle de personne qui posent un regard bienveillant et non-accusateur sur moi ? Est-ce que je valorise ce cercle ? Est-ce que je vois ou est-ce que je n’arrive pas à le voir ? Gens bienveillants autour de ns…
Le 2e élément. Ils lui présentaient un paralytique. Le verbe grec traduit par présenter[2] est aussi utilisé pour présenter une offrande à Dieu. C’est comme pour dire : dans tout ce qui peut être lourd, dur, douloureux, raté, peux-tu encore te présenter à Dieu comme une offrande ? C-à-d venir à lui en disant : Tu vois ce qu’il en est de ma vie… malgré tout je m’offre à toi parce que je crois que tu vas faire qqch de moi, que tu n’en as pas fini avec moi. Je viens avec mes paralysies m’offrir à toi. Et je te remercie pour ces proches qui croient en moi et me valorisent ; je te remercie pour ceux et celles qui ne me tiennent pas rigueur de n’avoir pas été ou fait ce que j’aurais dû ou pu.
Non, Dieu n’en a pas fini avec nous. On a tant d’exemples : Abraham, Jacob, Moïse, David, Pierre, Paul sont autant de personnes qui à un moment donné de leur vie se sont trompé, ont commis des erreurs, ont mis parfois leurs proches en difficultés et recevant le pardon-libération de Dieu se sont relevés pour des destinées uniques. Si tu te sens sous le feu de reproches, les tiens ou ceux des autres, Jésus te dis : courage mon enfant, tes erreurs sont pardonnées, lève-toi pour un nouveau départ. Ecoute… Entends-tu ces paroles de l’Eternel ? Il te dit : 3 Je t’aime d’un amour éternel; c’est pourquoi je te conserve ma bienveillance. 4 Je te rebâtirai, et tu seras rebâtie (…) ! Tu auras encore tes tambourins pour parure et tu sortiras au milieu des danses de ceux qui s’égaient. 5 Tu planteras encore des vignes sur les montagnes; les planteurs planteront et récolteront. (Jer 31,3-5). Paroles dignes d’être reçues par toi si tu te sens privé de liberté pour n’avoir pas été ou fait ce qu’il aurait fallu, ou pour ne pas être comme tu aurais aimé être. Amen.
[1] Lytta Basset, Culpabilité, paralysie du cœur, Labor et Fides, Genève, 2014, p.19.
[2] Mat 2,11 Ils entrèrent dans la maison, virent le petit enfant avec Marie, sa mère, se prosternèrent et l’adorèrent ; ils ouvrirent ensuite leurs trésors, et lui offrirent/présentèrent en présent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Mat 8,4 Puis Jésus lui dit : Garde–toi d’en parler à personne mais va te montrer au sacrificateur, et présente l’offrande que Moïse a prescrite afin que cela leur serve de témoignage.