Prédication sur Mc 1,14-18 / 3,7-15 / Jean 14,15-20
A ma suite, auprès de moi, moi en vous et vous en moi.
Bien-aimés du Christ,
Depuis un certain nombre d’années, il y a un nouveau métier : influenceur. Se construire une personnalité sur internet suivie par des milliers de personnes et les influencer par le contenu proposé. Ainsi, Cristiano Ronaldo, le footballeur portugais serait suivi sur internet par 647 millions de followers, de gens qui le suivent et sont ses fans. Un influenceur a des influencés. C’est logique. Parfois, avant de devenir follower, on devient quelqu’un qui like, qui clique sur le pouce pointé vers le haut.
On parle de follower dans le jargon internet pour parler de gens qui suivent quelqu’un, qui sont abonnés à ses contenus. Du temps de Jésus on aurait traduit par disciple. Disciple apparaît 264x dans le Nouveau Testament[1]. Et ça ne désigne pas que les 12 les plus proches de Jésus.
Dans le Nouveau Testament, chrétiens est le surnom que l’on va donner aux disciples de Jésus à Antioche (Ac 11,26). Chrétien est le diminutif de Christ en grec et pourrait se traduire par petit-christ, christ-miniature. Serait-ce que les 2,5 milliards de chrétiens actuels sont disciples de Jésus ? Parce qu’alors, Jésus serait vraiment le plus grand des influenceurs. Et ça devrait se voir. Comme chrétiens, nous sommes appelés à devenir disciples de Jésus, à être des mini-christ. J’aimerais, ce matin, nous interroger sur quel genre d’influencés de Jésus nous sommes.
Les disciples de Jésus passent par plusieurs phases. Nombre d’entre eux débutent leur chemin de foi parce que Jésus a répondu à leurs besoins : ils ont trouvé auprès de lui conseil, vérité, guérison, paix intérieure, modèle de vie alternatif, etc. Regardons notre propre parcours, nous avons probablement aussi débuté ainsi – débuter par cette découverte : Dieu nous aime.
Lorsque je me penche sur les textes lus ce matin, je découvre 3 types d’influencés par Jésus. Sans doute nous y reconnaîtrons-nous.
Les 1ers disciples que Jésus appelle au bord du lac de Tibériade se mettent à le suivre parce qu’ils ont aussi entendu son message et vu des guérisons : Ça y est, c’est le moment, le règne de Dieu est là, changez de façon de penser et de vivre et croyez à cette bonne nouvelle (Mc 1,15). Il y a, chez ces hommes, comme une prise de conscience suscitée par Jésus. Pour eux, si Jésus a répondu à un besoin, c’est qu’il les appelle à autre chose, à plus. Dieu existe, il règne, il s’adresse à moi, il a une attente. C’est comme une révélation. Il veut donner une dimension nouvelle ma vie : pas juste pécher des poissons, mais que ma vie ait une couleur d’humanitude et un poids d’éternité. Il y a soudain un appel, une illumination qui fait autorité : Suivez-moi et je vous ferai devenir pécheurs d’hommes. Littéralement : Venez derrière moi… Suivre quelqu’un, c’est marcher derrière cette personne. C’est comme si Jésus disait à ces hommes : Venez et regardez comment je fais, écoutez ce que je dis, observez ma façon de vivre. Et ils se mettent en route. Le Règne de Dieu a fait irruption dans leur vie.
Le Règne de Dieu a-t-il déjà fait irruption dans ta vie et qu’a-t-il alors changé ? Peux-tu te souvenir de ce jour, ce temps où il a fait irruption ?
Je lisais le témoignage d’un chef d’entreprise, Bertrand Jellensperger. Il a fondé The Fork le réseau de restaurants affiliés à TripAdvisor, la plateforme informatique de conseils aux voyageurs. Il menait avec sa famille une vie dans le luxe aux USA. Puis, un jour, il entend l’histoire de la rencontre de Jésus avec Zachée. Il est pris aux tripes : il quitte alors son poste de travail et son train de vie doré, rentre en France et ouvre une chaine de restaurants mettant en avant la sobriété, avec une gouvernance respectueuse des employés. Comme il dit : il est toujours entrepreneurs, mais ses valeurs ont changé. Un récit biblique a fait surgir le Règne de Dieu dans sa vie.
Parfois, dans notre vie chrétienne, le Règne de Dieu fait irruption, il nous met en route à la suite de Jésus qui devient notre modèle, mais avec le temps le Règne de Dieu se dissipe. Tu deviens un chrétien qui obéit à des valeurs, qui obéit à des commandements, à une tradition, qui adopte peut-être la Bible comme règle absolue de vie. Jésus mon modèle, la Bible ma référence de vie à suivre au plus près. Cette façon de vivre la foi chrétienne court un risque : se limiter à des valeurs et des principes éthiques ou théologiques et oublier que la foi chrétienne c’est d’abord une personne : Jésus le Christ.
Une 2e étape c’est quand tu te rends compte que le vécu de l’étape précédente ne te suffit plus. C’est quand tu acceptes l’invitation de Jésus à être avec Lui, pas juste derrière Lui pour le suivre, mais avec Lui. Comme Marie qui s’assied à ses pieds pour être avec Lui. Etre avec quelqu’un c’est plus que de l’imiter. C’est entrer en amitié avec Lui. C’est avoir le souci de ne pas blesser l’amitié qui rend possible ce être avec. Etre avec c’est vouloir connaitre l’autre à l’intime de qui il est. C’est jouir des moments d’amitiés avec ce Jésus. Comme disait Jellensperger : Je ne peux pas chambouler mon existence avec, pour seules ressources, mes petits bras. Sans une vraie vie de prière, j’en suis incapable. Aujourd’hui, je commence toujours ma journée par consacrer 30 minutes au Seigneur, dès le réveil. Je lui demande d’habiter ma journée[2].
Ce être avec Jésus me conduira au-delà d’une obéissance formelle, au-delà d’une religiosité faite de valeurs éthiques. Cela m’introduit à une relation de cœur à cœur avec le Seigneur. Quelle place pour être avec Jésus dans ta vie de foi ? Je peux très bien prier chaque jour sans être avec Jésus, juste parce que ça fait partie des nouvelles habitudes mises en place dans l’étape précédente. Dans ce être avec Lui, Jésus me prépare à être son témoin. Il me prépare à l’accueillir en mon intime.
C’est la 3e étape dans notre suivre Jésus : le laisser vivre en nous par son St.Esprit. Comme disait un prédicateur[3], à ce moment-là, Jésus n’est plus un objet de connaissance ou de discours, il est en nous, il vit en nous, il est la réalité ultime en nous. Je suis uni à Lui. A ce moment-là, nous pouvons dire comme Paul : Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi. Car ma vie humaine, actuelle, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et a donné sa vie pour moi (Ga 2.20). Et comme Jésus n’est plus physiquement présent auprès de nous, être rempli du St.Esprit est le seul moyen d’avancer sur notre chemin de disciple. Mais c’est aussi le plus passionnant. Apprendre à discerner la présence de Jésus en nous, apprendre à écouter sa voix en nous. Apprendre à recevoir sa pensée en nous. Il nous invite à vivre une sorte de compagnonnage avec Lui. On l’a entendu plusieurs fois dans les témoignages donnés lors du culte de Pentecôte. T’es-tu déjà rendu compte qu’il vit en toi par son Esprit et demande juste à ce qu’on lui laisse la place pour qu’il grandisse ?
A nous de nous interroger : Où en sommes-nous dans notre vie chrétienne ? A quel style de chrétien correspondons-nous actuellement ? Jusqu’où Jésus est-il ton influenceur ? Suivre Jésus en restant derrière lui, en l’imitant ; être avec Lui, soucieux de ne pas le blesser ; le laisser vivre en nous de façon dynamique au quotidien ? J’avoue que je suis déjà passé plusieurs fois d’une phase à l’autre. Ce n’est pas linéaire.
Je laisse la conclusion à Flannery O’Connor, écrivaine américaine du 20e s. Elle dit : Je suppose qu’il en va de la conversion comme du mariage, on découvre, en l’acceptant, qu’il signifie le commencement, et non la fin, d’un combat dont l’amour est l’enjeu[4]. Oui notre conversion au Règne de Dieu n’est que le début d’un long chemin dont l’amour de Jésus pour nous et de nous pour Dieu est l’enjeu. Amen.
[1] Et suivre Jésus une soixantaine de fois.
[2] La Vie, Les essentiels, 25 avril 2024, n°4104, p.40
[3] Raniero Cantalamessa.
[4] La Vie, Les essentiels, 24 avril 2025, n°4156, p.45.