Prédication sur Ps 103(,3) et Ps 41,4

Dieu pardonne et guéris nos comportements méchants addictifs.

Bien-aimés du Christ,

Il y a 2 semaines, j’ai abordé le Psaume 103, avec la question de ce catéchumène : comment prier de façon à sentir la présence de Dieu ? Question qui me travaille car je ne suis pas sûr qu’on puisse provoquer le sentiment de la présence de Dieu. Par contre, j’avais dit que nous pouvons passer outre nos sentiments et prendre notre âme par la main pour aller vers le Seigneur le bénir, lui souhaiter du bien, et dire le bien que nous pensons de lui. Il y a 7 appels à bénir Dieu dans ce psaume.

J’aimerais poursuivre ce matin.

Je pense que, parfois, nous avons l’impression que Dieu nous est lointain car nous ne le connaissons pas réellement. Nous nous sommes fait une image de lui qui ne correspond pas à la réalité. Le manque de connaissance de Dieu nous attiédit, ça affadit notre envie de prier, de passer du temps avec Lui. La connaissance de Dieu s’acquiert dans l’expérience que nous avons avec Lui, et cette expérience débute parfois lorsque nous mettons nos pieds dans la trace faite par d’autres croyants, comme David ici dans le Ps 103. Comme le dit Rabbi Ouri : Je ne suis pas capable d’écrire un psaume comme David, mais je suis capable de les réciter[1]. La connaissance que nous avons de Dieu n’est jamais une histoire de théorie, c’est tjs le fruit d’une histoire d’amour, d’une histoire de grâce, d’une histoire de confiance que nous avec tissé avec Lui. Elle requiert disponibilité, silence, envie d’écouter et de Le rencontrer. La connaissance de Dieu nous conduit, non pas à avoir peur de lui, mais à craindre de l’offenser tant notre respect et notre attachement au Seigneur est grand. De même que nous n’avons pas envie de faire du mal à une personne que nous aimons. Comme dit Nouis, ceux qui ne craignent pas Dieu sont ceux pour qui sa compassion et son pardon ne veulent rien dire[2]. Nous connaissons Dieu quand nous avons fait l’expérience intime de son amour pour nous. C’est alors qu’il devient proche. Nous connaissons Dieu et le craignons quand nous avons fait l’expérience de son amour, de sa miséricorde[3] et que cela nous conduit à ne plus vouloir l’offenser. Comment !? Offenser ce Dieu qui m’aime au point de s’être donné à la Croix pour moi !…

C’est pourquoi, David nous invite à nous arrêter sur les bienfaits de Dieu. Mon âme bénis l’Eternel et n’oublie aucun de ses bienfaits. Puis il mentionne le 1er de tous : la Grâce de Dieu. C’est lui qui pardonne toutes tes iniquités, qui guérit toutes tes maladies. Sans son pardon, nous ne pourrions pas même nous adresser à Dieu, n’est-ce pas[4] ?… Creusons un peu.

L’autre jour, je peinais dans ma prière et il y a une discipline que je ne lâche pas même quand c’est difficile : je lis chaque matin un psaume. Ce matin-là, je lis le Ps 41 et ce verset retient mon attention : Éternel, fais–moi grâce ! Guéris mon âme, car j’ai péché contre toi (Ps 41,4). Ici, de nouveau, le psalmiste relie la grâce, le pardon avec la guérison. Jésus aussi relie la guérison du paralytique au pardon de ses péchés. Afin de ne pas prendre des raccourcis désastreux, j’ai fait lire le Psaume 103 dans la version Segond 1910 qui a le mérite de traduire avec grand soin ce verset 2 en parlant d’iniquité et non de faute, péché. Car le mot hébreu awon[5], c’est pas d’abord commettre une faute comme on se trompe, comme on fait une erreur, comme on serait maladroit. Awon c’est le mal que nous commettons non par mégarde, mais par perversité, par méchanceté. C’est le mal qui nous rend malade. C’est aussi le mal qui est le fruit d’un état maladif. Ce mot vient d’un verbe qui signifie tordre, plier, déformer. L’iniquité est le mal résultat d’une déformation en nous.

Si tu prends la peine de te situer honnêtement devant Dieu, sans la moindre condescendance avec toi-même, sans te chercher d’excuses, tu reconnaîtras que certains de tes travers remontent à loin dans ton histoire, dans ta vie. Ils constituent des addictions qui nous font souffrir. Des addictions comme le besoin de juger l’autre pour se rassurer ; comme le perfectionnisme, l’activisme et d’autres comportement liés à la peur. Il y a les addictions liées au besoin de dominer, d’avoir raison, de contrôler, etc. Il y a toutes les addictions liées aux substances ou à la sexualité. Tous ces comportements s’enracinent dans des mauvais plis que nous avons pris, des mauvais plis que nous avons pris pour faire face à des circonstances qui nous ont fait souffrir ou nous font encore souffrir.

Awon, l’iniquité c’est le mal que l’on fait et qui s’enracine dans un mal-être en nous. Ce n’est pas un mal accidentel.

Arrêtons-nous sur un exemple : le perfectionnisme s’enracine souvent dans une peur de se tromper, dans un besoin d’être parfait pour ne pas être rejeté ; avoir peur de se tromper, d’échouer cache une forme d’orgueil, vouloir être plus que ce que je suis réellement, plus que juste un humain limité. C’est aussi lié à la peur du rejet, laquelle s’enracine parfois très loin dans notre histoire de vie. Le perfectionnisme me conduit parfois à l’addiction du jugement : je passe les gens et leur façon de faire, de penser et ce qu’ils disent au crible de mon jugement et je me mets au-dessus d’eux et là… vive les dégâts.

Lorsque je me rends compte de mes faux-plis, de ces habitudes malsaines de comportement, je peux les apporter au Seigneur. Ces comportements sur lesquels je butte toujours à nouveau. Qui sont comme un trou dans lequel je retombe. Dieu m’y attends avec sa bonté et sa miséricorde.

Dieu m’y attend avec un amour qui me reçoit comme je suis, sans que j’ai besoin de lui cacher ce que je suis. Il me reçoit avec un amour qui non seulement fait grâce, mais qui veut guérir ma vie, qui veut la restaurer. Il m’attend avec un amour qui ne juge pas, qui ne me considère pas en tant que coupable, mais en tant que souffrant, malade.

Si seulement nous pouvions nous considérer mutuellement comme souffrants et malades plutôt que comme coupables. L’Eglise serait lieu de guérison. Comme Jacques (5,16) le dit : c’est en confessant nos faux-plis à un semblable, à une personne de confiance que la guérison se fait.

Quand tu commences à prier sérieusement : Seigneur, guéris mon âme car j’ai péché contre toiGuéris mon âme… Seigneur. Il te fait découvrir une nouvelle facette de son amour pour toi. Il te fait cadeau d’une nouvelle facette de sa paix. Plus tu avances sur ce chemin, plus tu as envie de ne pas le blesser en retour. Quand tu commences à lui parler de tes méchancetés, il t’accueille et il entre en dialogue avec toi.

C’est pour ça que le psaume dit que la bonté et la miséricorde de Dieu sont pour ceux qui le craignent. La bonté et la miséricorde de Dieu sont aussi pour ceux qui ne le craignent pas, mais ces derniers sont incapables de les recevoir, de les percevoir, de les voir. La bonté et la miséricorde de Dieu nourrissent en nous ce sentiment que nous éprouvons devant ce Dieu dont la grandeur nous dépasse, dont l’amour nous surprend, dont la patience nous bouleverse, et qui fait que nous nous sentons si petits devant Lui, si petits et si aimés.

Et alors le Seigneur commence à guérir ton âme… c’est un long, très long processus. On n’efface pas des faux plis d’un seul coup de fer à repasser. Il commence à guérir ton âme, il pardonne tes iniquités, il pardonne c’est-à-dire il commence un travail où il va te délivrer de tes perversités, car pardonner c’est aussi libérer.

Seigneur, tu es celui qui pardonne mes perversités… alors viens, guéris mon âme… car je ne veux plus pécher contre toi.

Amen.


[1] Martin Buber, Récits hassidiques, vol.2, éd. du Rocher, 1978, p.114.

[2] A. Nouis, La Bible, commentaire intégral, Olivétan, Lyon, 2023, vol 3. Commentaire sur le v.17.

[3] 9 fois, le psaume insiste sur la bonté et la miséricorde de Dieu.

[4] Parce que Dieu est Dieu, parce qu’il est saint, grand et parfait, qui suis-je pour m’approcher de lui ? Mais c’est qu’il m’a déjà fait grâce en donnant sa vie à la Croix. Comme le dit l’épître aux Hébreux (4,16), c’est du trône de la Grâce que je m’approche quand je prie

[5]  perversité, dépravation, iniquité, culpabilité ou châtiment de l’iniquité, vient d’une racine verbale signifiant plier, tordre, déformer ; (Hifil) agir d’une façon perverse ; commettre l’iniquité, faire le mal, pervertir