Prédication Philippe Fonjallaz (directeur Portes Ouvertes) – 28 avril 2024

Textes : Daniel 3,14-29 ; Ephésiens 6:11-18 ; Luc 10:1 + 9-11 + 16-20

Nous venons de lire l’histoire extraordinaire des 3 amis de Daniel, certainement bien connue de la plupart d’entre nous. Elle peut être lue comme une histoire typique de l’ancien testament, avec ses scènes épiques et ses interventions de Dieu prodigieuses. Mais sans forcément arriver à faire de lien avec nous.

Avant ce passage, on lit que Nabuchodonosor a fait ériger une statue d’or gigantesque. Selon un commentaire dont j’ai pris connaissance, le roi a fait ériger cette statue pour faire vénérer la toute-puissance de l’empire babylonien, personnifiée par la divinité suprême de la nation, le dieu Bel (ou Baal que nous connaissons bien dans la Bible). La signification de ce nom était « Seigneur » ou « Maître ». On peut aussi penser qu’au travers de cette statue, c’est sa propre personne que Nabuchodonosor faisait adorer. Sa puissance pouvait lui être montée à la tête.

Ce qu’on constate clairement dans ce passage, c’est que le roi Nabuchodonosor ne peut souffrir que des personnes n’obéissent pas à ses ordres et refusent d’adorer les dieux qu’il a imposés à son peuple. Dans notre monde moderne, on parlerait d’absence de liberté de religion.

Apprenant que des hommes refusent de se plier à la religion ou idolâtrie qu’il impose, est-ce qu’il voit un risque que ces dissidents puissent, d’une manière ou d’une autre, influencer d’autres personnes et remettre en cause son autorité ? Ou sa fierté est-elle touchée ? Shadrak, Méshak et Abed-Nego ont de l’autorité dans le royaume. Il ne faudrait pas que leur (mauvais) exemple fasse des émules.

Personne n’a le droit de voir les choses différemment et de refuser de se prosterner devant cette statue. Cela me fait penser spontanément à ce qu’il se passe en Corée du Nord où tout citoyen doit saluer en s’inclinant les portraits ou les statues de la famille Kim, faute de quoi il sera considéré comme un traître.

Shadrak, Méshak et Abed-Nego, même confrontés au roi lui-même restent fermes dans leur décision de ne pas céder. Leur foi en Dieu est suffisamment sûre et affermie pour qu’ils refusent d’y renoncer.

Cette affirmation de foi n’est pas une bravade, liée à la certitude que Dieu peut les sauver. En effet ils disent : « Si le Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise où brûle un feu ardent, ainsi que de tes mains, ô roi, qu’il nous délivre ! Mais même s’il ne le fait pas, sache bien, ô roi, que nous n’adorerons pas tes dieux ».

C’est une foi liée à la certitude que Dieu est le Dieu vivant, le seul qui mérite leur adoration. Les menaces dont ils sont l’objet ne changent rien à leur conviction et ils ne renieraient Dieu pour rien au monde.

La conséquence, c’est que cela fait redoubler, ou plutôt multiplie par 7, la colère de Nabuchodonosor contre les 3 amis. Il ordonne de chauffer la fournaise « sept fois plus que d’habitude », au point que même les soldats qui jettent Shadrak, Méshak et Abed-Nego dans la fournaise périssent.

Cette situation se passe par exemple dans la société hindoue, où le fait de ne pas vouloir sacrifier aux centaines ou milliers de dieux de l’hindouisme et de se mettre ainsi en marge de la communauté est considéré souvent comme une trahison à la nation. Elle provoque une haine sauvage, une fournaise chauffée à blanc.

Est-ce que pour le roi c’est un simple combat d’ego ? Ou il y a-t-il plus ? Un combat spirituel ?

Je crois effectivement qu’un combat spirituel se joue. Une opposition frontale entre Dieu et des puissances occultes.

Les idoles ne sont jamais anodines. Elles ont une puissance, une charge spirituelle. Dans certaines religions cela met les êtres humains dans des carcans, dans des prisons, dans de la désespérance (ex. hindouisme avec la réincarnation, qui est prise à la légère par beaucoup ici, alors que cela est une vraie malédiction, condamné à se réincarner éternellement, à moins d’atteindre le nirvana, qui signifie d’ailleurs « libération »).

Les 3 amis sont donc jetés dans le feu et alors il se produit quelque chose d’extraordinaire : il ne subissent aucune brûlure. Bien plus un 4ème homme est présent qui « a l’aspect d’un fils des dieux » nous dit la Bible. Nabuchodonosor l’identifie lui-même comme un ange de Dieu.

Selon moi, ce 4ème homme peut être vu comme une préfiguration de Jésus, le Sauveur qui se tient aux côtés de nous lorsque nous passons par la fournaise, l’épreuve, les tourments, etc.

L’intervention de Dieu révèle Sa puissance.

L’histoire est alors totalement retournée, puisque Nabuchodonosor décrète que tout homme – de quelque peuple, nation ou langue qu’ils soit – qui parlera d’une manière irrespectueuse du Dieu de Shadrak, de Méshak et d’Abed-Nego sera mis en pièces et sa maison sera détruite.

Nabuchodonosor n’a visiblement pas tout compris de qui est Dieu. Mais au moins il a discerné qu’il y a un Dieu vivant, qui agit, très différent des statues-idoles.

Quel enseignement en tirer ?

J’ai ressorti trois enseignements, deux liés à notre propre vie, le troisième à ce que nous apprend l’Eglise persécutée

Le premier enseignement que je tire de cette histoire, c’est la foi ferme et inébranlable que les 3 amis de Daniel ont en Dieu. Cela m’interpelle.

Face à ce type de récit, vous avez certainement les mêmes questions que moi : comment est-ce que je réagirais dans une situation similaire, appelé à faire un choix qui irait jusqu’à engager ma propre vie ? Est-ce que j’aurais une foi suffisamment forte et un amour suffisamment grand pour Dieu, au point de préférer lui rester fidèle que de le renier ?

Ces questions sont en grande partie théoriques dans notre contexte. Mais d’autres chrétiens doivent y répondre concrètement, confrontés à la persécution. J’y reviendrai.

La nature de notre relation avec Dieu impacte la réponse que nous pouvons donner lorsque notre foi est en jeu. Par forcément face à la fournaise, mais aussi lorsque nous sommes par exemple en situation de devoir témoigner de notre foi, de « défendre » notre foi.

Afin que notre relation avec Dieu ait cette proximité de confiance et de conviction, il faut être préparés et équipés. Et notre relation avec Dieu doit être suffisamment approfondie et « enflammée » pour que nous restions attachés à Dieu et que nous ne nous éloignons pas de lui lorsque les circonstances sont contraires.

Je crois que les 3 amis de Daniel s’étaient bâtis une foi et une confiance en Dieu suffisamment fortes pour qu’ils puissent résister au roi lui-même, convaincus que de rester fidèles à Dieu avait une valeur plus élevée que de céder à ce roi terrestre et idolâtre.

Il aurait été plus simple de se prosterner devant la statue d’or et ainsi avoir la paix, plutôt que de prendre position de façon aussi résolue. Mais ils ne sont pas prêts à faire de compromis à cause de leur relation et de leur amour pour le Dieu vivant.

Le deuxième enseignement que j’aimerais aborder est de savoir comment nous pouvons être suffisamment équipés pour ne pas tout jeter par la fenêtre lorsque la tempête déferle ? Comment être capable de faire face lorsque le combat spirituel fait rage autour ou en nous ?

Le passage d’Ephésiens 6 nous donne quelques pistes :

Tout d’abord, comme je l’ai déjà mentionné, Paul insiste sur le fait que nous n’avons pas à lutter contre des êtres de chair et de sang, mais contre les Puissances, les Autorités, les Pouvoirs de ce monde des ténèbres, contre les esprits du mal dans le monde céleste.

Nous avons tendance à oublier ou mettre de côté dans nos églises le fait que notre foi en Dieu implique un combat spirituel, faisant face au diable. C’est pas très à la mode.

Pourtant Jésus lui-même l’a expérimenté, tenté par Satan, confronté aux esprits mauvais et aux démons qu’il a chassés. Souvenez-vous de ces esprits qui allaient même jusqu’à dialoguer avec Jésus, reconnaissant qu’il est le fils de Dieu et le suppliant de les jeter dans un troupeau de porcs (Marc 5).

J’affirme ici que ce n’est pas uniquement une théorie ou une image, mais une réalité dans notre monde, même si elle est invisible. Nous avons besoin du discernement de Dieu pour le comprendre.

J’aimerais vous donner un court témoignage, que j’ai volontairement compressé pour les besoins de cette prédication.

Un peu avant que je commence mon ministère à Portes Ouvertes, mon épouse a souffert pendant des mois de douleurs physiques permanentes que les médecins ne savaient pas comment résoudre, ce qui l’a amenée au découragement et au bord de la dépression.

Guidée par Dieu, elle a pu avoir un entretien de relation d’aide avec le pasteur Gilles Boucomont, un pasteur réformé français que certains connaissent peut-être, qui était de passage à Yverdon. Celui-ci, après l’avoir écoutée attentivement, lui a posé une question qui a tout changé : que fait votre mari ?

Alors elle a expliqué que j’allais commencer à travailler pour Portes Ouvertes. Et là, la pièce est tombée. Gilles Boucomont a alors commandé que nous mettions en place un groupe de couverture spirituelle pour nous soutenir. Il s’agissait de s’équiper d’une armure. Sa vision était très claire : nous faisions face à de la résistance en raison du ministère que j’allais commencer en faveur des chrétiens persécutés. Et c’est depuis ce moment-là que des directions claires ont été trouvée pour soigner mon épouse et que sa santé s’est progressivement améliorée.

Paul nous exhorte à la même chose : « revêtez-vous de l’armure de Dieu afin de pouvoir tenir ferme contre toutes les ruses du diable », « endossez l’armure que Dieu donne afin de pouvoir résister au mauvais jour et tenir jusqu’au bout ».

Cette armure est détaillée par Paul : la ceinture de la vérité, la cuirasse de la droiture, les chaussures de la disponibilité à servir l’Evangile de paix, le bouclier de la foi qui permet d’éteindre toutes les flèches enflammées du diable, le casque du salut, l’épée de l’Esprit, soit la Parole de Dieu. Ce passage parle aussi de vigilance et de constance.

Nous avons tendance à oublier que nous devons être vigilants dans notre marche avec Dieu. L’ennemi de notre foi sait comment manœuvrer et trouver les points faibles dans notre vie pour semer le doute, nous décourager ou nous éloigner de Dieu.

<< Référence à la marche du peuple d’Israël dans le désert >>

Mais Dieu nous donne aussi les moyens de résister et de rester ferme dans la foi. Notre responsabilité est de construire, soigner et développer notre relation avec Dieu afin de nous revêtir de cette armure pour « résister au mauvais jour ».

J’aimerais exprimer ici qu’il ne s’agit pas de donner trop de place dans nos pensées aux puissances spirituelles et à Satan. Mais de faire preuve de vigilance !

Car nous devons le proclamer encore et encore : Jésus est vainqueur, sur la mort même. Dieu règne sur l’univers et la terre est remplie de sa Gloire, même si pour un peu de temps le combat fait encore rage.

L’épisode de la fournaise le démontre avec force : Jésus lui-même nous rejoint dans les temps les plus difficiles et il est assez puissant pour nous délivrer. Et si nous sommes bien équipés, nous devrions pouvoir même dire comme Shadrak, Méshak et Abed-Nego : « même s’il ne le fait pas, sache bien ô roi, que nous resterons fidèle à notre Dieu (pour paraphraser le texte). Il est possible d’affirmer cela à cause de l’espérance que Dieu nous donne que nous sommes ses enfants pour l’Eternité.

Une autre raison qui doit nous pousser à regarder au Dieu de victoire, c’est le passage de Luc 10. Dans ce passage, Jésus, après les avoir équipés spirituellement, envoie 72 disciples deux par deux pour annoncer la Bonne Nouvelle.

Ils reviennent plein de joie, car ils ont vu la puissance de Dieu à l’œuvre. Ils disent : « Seigneur, même les démons se soumettent à nous quand nous leur donnons des ordres en ton nom ! ». A quoi Jésus répond : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair. »

Et il enchaîne avec un enseignement qui me paraît central pour nous, afin de ne pas mettre notre priorité au mauvais endroit : « Toutefois, ce qui doit vous réjouir, ce n’est pas de voir que les esprits mauvais vous sont soumis, mais de savoir que vos noms sont inscrits dans le ciel. »

Voilà ce qui doit nous motiver à tenir ferme, à être lucides, à construire une foi solide et rester attachés à Dieu.

Le troisième enseignement est lié à l’Eglise persécutée et plus particulièrement à nos frères et sœurs en Inde.

D’abord une bonne nouvelle : l’Eglise en Inde est en croissance !

Dieu agit de façon miraculeuse. Nous recevons de nombreux témoignages de guérisons miraculeuses qui amènent des femmes et des hommes à se convertir à Jésus. C’est un des chemins que Dieu choisi pour se révéler dans ce pays. Il manifeste ainsi qu’il est vivant, face aux milliers de dieux vénérés par les hindous.

Les actions extraordinaires que Dieu accomplit et le fait que beaucoup découvrent Jésus comme Sauveur et Seigneur, c’est (je choisis ce terme à dessein) le NIRVANA (la libération de la servitude des castes et du cycle de la réincarnation). Il y a tout à coup une Espérance nouvelle, une découverte d’un Dieu de relations, d’amour qui m’appelle son enfant. C’est tellement autre chose que les contraintes d’une religion dans laquelle des milliers de dieux attendent avant tout des rites et des sacrifices.

C’est dans ce contexte que le combat spirituel prend place. 

Au travers du témoignage de Kavita et Narendran, paru dans notre dernier magazine que vous avez trouvé à votre place, vous reconnaîtrez certainement une part d’analogie avec l’histoire de la fournaise ardente.

Kavita et Narendran se sont convertis à Jésus suite aux actions miraculeuses accomplies par Dieu dans leur famille. Après s’être formé comme pasteur, Narendran et sa femme ont commencé à annoncer la bonne nouvelle de Jésus Christ dans un petit village. Dieu fait des miracles dans les vies de villageois, guérissant par exemple un homme d’un cancer. Plusieurs se convertissent et ils fondent une Eglise qui grandit rapidement.

C’est alors que l’opposition se déclenche. Avant même cela, Narendran avait reçu la conviction qu’il devait prier pour la protection de sa famille. En fait se revêtir de l’armure de Dieu selon Ephésiens 6.

La persécution se développe et devient de plus en plus violente, une foule allant jusqu’à les battre violemment. Sous la menace, beaucoup renoncent à venir à l’église.

Ce couple pastoral aurait alors pu décider de céder aux menaces, de renoncer à son ministère, voir comme d’autres renoncer même à continuer à vivre sa foi publiquement.

Mais ils ont au contraire décidé de continuer à servir dans ce même village, malgré les difficultés incessantes. Ils font confiance que le Seigneur est avec eux et les guide : « Je suis certain que Dieu ne nous laissera pas seuls et que rien ne pourra nous séparer de son amour. »

Est-ce que tenir tête à la persécution est déraisonnable ? Comme pour les 3 amis de Daniel, nous aurions envie de leur dire de faire profil bas, voir de renoncer à annoncer le Dieu vivant. Mais leur choix est de rester fermes dans le combat spirituel, dans leur conviction et dans une foi inébranlable.

« Si le Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise où brûle un feu ardent, ainsi que de tes mains, ô roi, qu’il nous délivre ! Mais même s’il ne le fait pas, sache bien, ô roi, que nous n’adorerons pas tes dieux. »

Conclusion

Après ces trois enseignements, je nous laisse avec ces questions :

  • Ma conviction que Dieu est le Dieu vivant et la qualité de ma relation avec lui sont-elles suffisamment fortes pour que je sois prêt à oser affirmer ma foi face aux autres, même si cela doit me coûter quelque chose ?
  • Est-ce que je suis revêtu de l’armure de Dieu et suffisamment équipé « afin de pouvoir résister au mauvais jour » ?
  • Au-delà des circonstances, est-ce que j’ai cette joie permanente dans mon cœur de savoir que mon nom est inscrit dans le ciel, avec toute l’espérance que cela procure ?

AMEN