Méditations
Shadow

Le visage de Dieu.

J’ai fait connaissance avec le Dieu d’Abraham et mon identité juive à quatorze ans. Parce que nous étions juifs, le gouvernement hongrois nous a interdit l’école. J’ai reçu, alors, un formidable coup de poing d’interrogation. Je n’ai pas eu le temps de répondre : la survie prenait toute mon énergie et j’ai enfoui les interrogations dans une terre que je ne cesse de labourer.

Les nazis, eux, nous donnaient leurs réponses :  Les juifs sont des moins que rien.

J’ai partagé le destin de ces riens durant douze mois. J’ai rencontré des juives croyantes et non croyantes. J’ai entendu parler de Dieu, mais je ne voyais pas très clairement la différence entre le Dieu des nazis au nom duquel ils nous exterminaient et le Dieu des juifs que ceux-ci imploraient. Pendant que l’injustice me brûlait, eux, ils mouraient en priant un Dieu qui me semblait sourd.

Je n’ai rien compris à cette époque, mais leur ferveur et leur confiance en ce Dieu ont planté une interrogation en moi, malgré moi.

À dix-neuf ans, le visage d’une femme m’a interrogée. Longtemps je l’ai scruté avant de l’approcher. Ce visage était présence, accueil, compréhension, pudeur. Quand elle était là, les morsures que je cachais sous une épaisse chape de silence me faisaient moins mal.

La croix qu’elle portait autour du cou m’a beaucoup intriguée: elle a été à l’origine d’un dialogue qui m’a amenée à la lecture de l’Évangile et la découverte de Jésus. À travers le visage de cette femme, j’ai rencontré le visage de Dieu qui m’a appelée par mon nom.

J’ai cheminé longtemps avec des hauts et des bas. Je me suis sentie mal à l’aise dans l’Église. Je me suis demandé où était cet amour fraternel que proclamait l’Évangile. Je ressentais une contradiction avec ce que j’avais découvert dans l’Évangile que l’on m’avait offert. Je l’avais ouvert à une page au hasard et j’avais été touchée et émerveillée par la lecture de Matthieu 25 : J’avais faim et tu m’as donné à manger. J’avais soif et tu m’as donné à boire. J’étais nu et tu m’as vêtu. Je me suis dit en moi-même: Voilà quelqu’un que j’aimerais con­naître. Et Il n’a jamais cessé de m’accompagner depuis.

Grâce aux témoignages vrais de tous ceux avec qui j’ai cheminé, de tous ceux qui m’ont ouvert la porte de la Bible, grâce à la foi, aux doutes des jeunes que j’ai rencontrés, le Jésus de l’Évangile ne cesse de m’interroger, de me réserver des découvertes chaque jour.

Tiré de: Magda Hollander-Lafon, Quatre petits bouts de pain. Des ténèbres à la joie. Albin Michel 2012, p.103-105.

Magda nous interroge. Pour qui suis-je ou serai-je le visage de Dieu ? De quel visage l’Eglise est-elle le reflet ?

Etre le visage de Dieu pour l’autre peut avoir un impact immense, l’impact d’une destinée…