Franz Jägerstätter, autrichien, agriculteur, père de 2 enfants, fait son école de recrue dans l’armée allemande en 1941, comme tout autrichien. Au terme de celle-ci, il refuse de prêter serment à Hitler et demande à servir dans les troupes sanitaires. Son refus de jurer fidélité à Hitler le conduit à la prison et à la décapitation le 9 avril 1943. La correspondance qu’il a entretenue entre autres avec son épouse a inspiré à Terrence Malick son dernier film Une vie cachée.
Jägerstätter croit qu’il est lâche de dire qu’il n’y a rien à faire pour résister à un courant de pensée qui étouffe toute opposition par l’intimidation. Voici un extrait d’une de ses lettres.
Aujourd’hui, il est fréquent d’entendre ce refrain : « Il n’y a rien à faire, si jamais quelqu’un ouvre la bouche, ça lui vaudra la prison ou la mort. » Voilà qui, à vrai dire, ne changera pas beaucoup la marche du monde. Mais nos missionnaires n’ont pas vraiment été mieux traités : il leur est souvent arrivé d’avoir pour tout salaire, en guise de succès, la prison et la mort. Je comprends d’ailleurs que de longs discours ne serviraient plus à grand-chose. Les paroles instruisent, dit-on, mais les exemples exaltent. Même en étant muet comme une statue, on peut faire beaucoup de bien. Ce qu’on veut justement, c’est voir des chrétiens qui parviennent encore à l’époque actuelle, en pleine obscurité, à garder une clairvoyance, une sérénité et une assurance supérieures, et qui, malgré toutes les menaces pesant sur la paix et sur notre joie, malgré l’égoïsme et la malveillance, conservent parfaitement leur paix intérieure, leur joie et leur serviabilité. Et qui, au lieu d’être comme le roseau vacillant, agité par la moindre brise, au lieu de se borner à regarder ce que font leurs camarades et leurs amis sur tel ou tel point, se demandent simplement : que nous enseignent le Christ et notre foi ? Si les poteaux indicateurs, mal fichés dans la terre, pouvaient être bougés ou renversés par le vent, un homme ne connaissant pas son chemin arriverait-il à s’orienter ?
Franz Jägerstätter, Lettres d’un objecteur de conscience, Bayard éditions, 2019, p.78-79.