Prédication sur Mt 13.1-9 et 2Tim 1.3-7 et Ga 5.22 et Jn 15.16
L’attente du semeur.
Bien-aimés du Christ,
Jade est une petite fille qui cherche à comprendre les mystères de la vie et de la chrétienne. Elle est le personnage principale d’un livre qu’on peut lire en famille Jade et les sacrés mystères de la vie. Elle raconte ceci : Dieu est tellement malin qu’il a mis un petit bout de lui dans le dedans de toi. Il y a des bribes de Dieu, des fragments d’éternité, des petits bouts de vérité, çà et là, ici et maintenant, partout et toujours. Tout est là et pourtant tout reste à faire (…). Il y a des choses, moi, qui me dépassent. Les gens, ils parlent tous de la paix et ils n’arrêtent pas de se faire la guerre. Plus ils ont tout pour être heureux, et moins ils sont heureux. C’est tout de même bizarre, non ? Un jour le frère Michel a terminé la messe en disant : Au lieu de songer à conquérir le monde, l’homme ferait mieux de songer à reconquérir sa souveraineté intérieure. Il faudrait que vous appreniez à remettre un peu d’ordre dans votre jardin secret[1].
Reconquérir sa souveraineté intérieure, mettre de l’ordre dans son jardin secret. Je me demande si ce n’est pas aussi ça que Jésus a voulu dire aux gens qui l’écoutaient ; si c’est pas aussi ce que Jésus a voulu dire par cette parabole.
Alors, si tu penses connaître cette parabole, il se peut que tu ne seras pas d’accord avec ce que je vais dire et que tu demanderas si je ne suis pas en train de déraper sérieusement. Si je dérape, tu me pardonneras car parfois tu dérapes certainement toi aussi. Quand j’ai lu cette parabole l’autre jour, je me suis dit : les auditeurs de Jésus ont entendu la parabole sans l’explication que Jésus en a donnée plus tard à ses disciples. C’est à partir de ce constat que j’ai médité la parabole. En ignorant l’explication de Jésus. Cela dit, je vous partage ce qui m’a interpelé dans ce texte.
Arrêtons-nous sur la figure du semeur. Il sème généreusement. Il semble ne pas regarder où il sème, mais ça c’est normal car à l’époque les champs ne sont pas aussi bien délimité qu’aujourd’hui[2]. Il sème généreusement. Pourquoi un paysan sème-t-il ? Quand il sème, il pense à quoi, il désire quoi, il rêve à quoi ? Quand il sème, il imagine toutes ces graines qui vont germer – comme quand le blé commence à sortir de terre en ligne verte claire. Il imagine ces graines qui vont pousser, grandir, fleurir et donner du fruit. Il imagine sa belle récolte. Il imagine que ces graines vont devenir quelque chose de beau, de grand, d’utile, de nourrissant. Le semeur est triste quand son champ ne donne rien, qu’il a travaillé pour rien.
Que sème-t-il ce semeur ? Comme Jésus enseigne la foule et qu’il lui demande de bien écouter, la foule doit se douter que le semeur c’est lui dans la parabole. Qu’a-t-il semé jusqu’ici ? Il a semé l’amour de Dieu en guérissant des gens. Il a semé l’amour de Dieu en montrant à des personnes qui se sentaient nulles et oubliées par Dieu qu’elles étaient importantes à ses yeux. Il a semé l’amour de Dieu en permettant à des personnes de retrouver leur place dans la vie.
Certains ont peut-être écouté en se disant que ces graines c’étaient simplement la vie, des dons ou talents reçus. La 1ère de ces graines c’est effectivement la vie.
Dieu a semé la vie en nous. Qu’est-ce qu’on en fait ? D’ailleurs, dans l’AT, il dira par Moïse : J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance (Dt 30,19).
Et à notre baptême, il sème en nous son amour et son désir d’être aimé de nous et de nous voir aimer les autres. Il sème son désir de nous voir être son enfant bien-aimé, selon le texte choisi par les parents de Victoria.
Il sème aussi en nous son Saint Esprit qui veut produire dans notre vie l’amour, la joie, la paix, la patience, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi (Ga 5,22).
Dieu ne sème pas tout ça dans notre vie pour que ça reste en stand-by, en mode pause. Il rêve que ça grandisse, que ça colore notre vie.
Mais que faisons-nous de cela ? Vous baptisez Victoria… vous semez l’amour de Dieu pour elle en elle… et Son désir de la voir l’aimer en retour. Et après… votre responsabilité est de veiller à ce que ça pousse, à ce qu’elle en prenne conscience. Et nous, dans notre vie chrétienne, permettons-nous au Saint Esprit de produire son fruit. Amour, joie, paix, patience, bienveillance, etc. Est-ce que nous pouvons regarder notre champ, notre vie et voir ces graines germer et grandir ?
Jésus nous dit que ce qu’il sème en nous est menacé de superficialité et d’étouffement. Maggie Jackson, chercheuse sur l’impact des nouvelles technologies sur la société, dit : Nous avons accès à 50 millions de sites web, plus de 2,5 millions de livres imprimés, à de nombreux technologies facilitante, mais nous alimentons une culture d’éparpillement social, de fragmentation intellectuelle et de détachement sensoriel. Quelque chose ne va pas dans ce monde et ce qui ne va pas c’est la perte de l’attention[3].
Je me suis demandé : qu’est-ce qu’il est advenu dans ma vie des graines semées par Dieu et par son Esprit Saint ? Et toi ? L’exhortation de Paul à Timothée s’adresserait-elle aussi à nous ? Exhortation à ranimer la flamme du don de Dieu que tu as reçu, la flamme du don de force, d’amour et de sagesse (2Tim 1,6-7).
Nous pourrions prendre chaque graine que le Saint Esprit a semé en nous, destinée à s’épanouir et nous demander, si sa croissance ou maturation laisse à désirer et qu’est-ce qui en est la cause.
Je pense que Maggie Jackson a raison : nous sommes malades de l’éparpillement, de la distraction, qui conduit à la superficialité, avec soi, avec Dieu, avec les autres.
Mais il n’y a pas que ça. La désespérance ambiante ou le découragement peuvent aussi être des éléments étouffant ce que le Saint Esprit veut faire dans nos vies. La peur aussi. L’amertume certainement aussi.
Qu’est-il advenu de la joie en toi ? De la paix, de la bienveillance, de la maîtrise de soi, de la douceur, de l’amour, etc. Demandons au Seigneur : Seigneur, quelle graine, quel don ai-je laissé s’éteindre en moi ? Qu’est-ce qui a étouffé ce projet de toi en moi ? Montre-moi et ravive ce don en moi. Aide-moi à reconquérir ma souveraineté intérieure plutôt que de me laisser aller au gré du moment. A chacun de vivre cette démarche pour soi.
A la clé de cette prière faite sérieusement et pas juste en passant entre 2 trucs, il y a une promesse. C’est que le Seigneur est un semeur invétéré. Il remet sans cesse l’ouvrage sur le métier. Il est là avec nous. Et son désir c’est une récolte abondante. Au-delà des attentes. A l’époque de Jésus, un épi produisait exceptionnellement 30 grains. Alors imaginez 60 ou 100… La parabole met l’accent sur la récolte dépassant toute attente.
N’est-il pas dit ailleurs que Dieu peut faire avec nous infiniment au-delà de ce que nous demandons[4] ? Lui en nous peut faire des miracles… en terme d’amour, de joie, de paix…
Dans Jn 15,16, Jésus regarde ses disciples et leur dit : Je vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Il est comme le semeur… Il nous a donné son amour et attend que ça produise quelque chose de bon, de beau, de grand et d’utile en nous. Que ça se multiplie.
Jade termine ainsi : Quand les fragments d’éternité sont mis en valeur et qu’ils sont rassemblés comme un puzzle, j’ai l’impression que ça pourrait bien être comme l’image du bon Dieu[5]. Imagine le champ de ta vie au couleur et au parfum du Dieu bon…
Amen.
[1] François Garagon, Jade et les sacrés mystères de la vie, éd. Monte Cristo, 1991, version collection J’ai lu, p.109-111.
[2] Joachim Jeremias, Les paraboles de Jésus, éd. Le Seuil, 1984, p.17-18. En plus, selon Jeremias, il semblerait qu’on semait et labourait ensuite pour enfouir les graines.
[3] Citée par Matt Woodley, The Gospel of Matthew – God with us, Inter Varsity Press, 2011, p.142. Voir pour plus : https://www.maggie-jackson.com/about.
[4] Ephésiens 3:20 Or, à celui qui, par la puissance qui agit en nous, peut faire infiniment au–delà de tout ce que nous demandons ou pensons, 21 à lui la gloire dans l’Église et en Christ–Jésus, dans toutes les générations, aux siècles des siècles. Amen.
[5] Garagnon (1991), p.116.
