Bulle, 9-08-20 – Matthieu 7,1-6

Chers amis, vous le savez, nous vivons dans une culture dite postmoderne. La culture postmoderne a ceci de spécifique c’est qu’elle prône la tolérance au-dessus de toute chose et elle pense que tous les choix se valent. Tous doivent être respectés et acceptés de la même façon. Nous nageons dans l’ère du relativisme qui abolit la frontière entre ce que nous pensions juste ou faux, bon ou mauvais. Il n’y a plus l’idée de vérité absolue. Du coup que Jésus soit le chemin, la vérité et la vie parait même suspect et intolérant. Puisqu’il n’y a plus de vérité objective possible, toutes les réponses sont tolérées, peu importe si elles sont contradictoires. Le relativisme inclut l’idée que « la vérité est ce qui est vrai pour moi ». Est-ce que tout se vaut ? C’est une bonne question…

Du coup, à chaque fois que nous osons remettre en question, interroger certaines pratiques, croyances, styles de vie, opinions, à chaque fois qu’on relève un péché ou questionne un choix éthique surtout en matière de sexualité, beaucoup de personnes chrétiennes ou non reprennent ce verset de Jésus « ne jugez pas » ! Si nous sommes en désaccord avec ces croyances, on nous jettera à la figure « Qui êtes-vous pour juger ? Dieu seul peut juger, Dieu seul est parfait ». On nous accusera d’être légaliste et sans amour. A cause de cette vision du monde qui prévaut dans la société nous en sommes venus à ne plus rien dire pour ne plus être perçus comme des personnes étroites d’esprit et intolérante. Le problème c’est que cet état d’esprit a parfois contaminé l’Eglise…

Que signifie vraiment « juger quelqu’un » ? Dieu nous demande-t-il de renoncer à toute forme de jugement ? Je ne crois pas ! Le mot grec pour « juger » a plusieurs significations. Il n’a pas la même connotation selon le contexte. En Jean 7 Jésus nous demande de ne pas juger selon l’apparence mais de juger selon la justice. Voyons 2 connotations principales.

A/ Juger implique l’idée de condamner ce qui est interdit. Exemple : « je condamne ton acte, c’est nul, tu es un minable, comment as-tu osé ? ». Nous avons affaire ici à un verdict facile et sans amour que nous portons les uns sur les autres. Nous jouons ici le jeu de l’accusateur (de l’ennemi). Nous ne séparons pas le choix de la personne de la personne elle-même. Mais n’oublions pas que lorsque nous pointons du doigt quelqu’un il s’avère qu’il y en a 3 qui pointent vers nous : je suis donc 3 fois accusé de ce dont j’accuse l’autre.

La personne est en droit de me dire « ne me juge pas ». En effet qui sommes-nous pour dire cela ? Nous ne savons pas ce que les gens ont vécu, ce qu’ils ont souffert par le passé et qui fait qu’ils peuvent avoir tel ou tel comportement désagréable. Nous ne connaissons pas les tenants et les aboutissants d’une décision personnelle de quelqu’un. Juger est une prérogative qui appartient à Dieu seul. Lui seul connait les intentions et les motivations profondes de chacun. Dieu seul connait nos cœurs. Dieu seul peut exercer un jugement parfait car Lui seul connait tous les faits. Nous serons donc jugés avec la même dureté et la même intransigeance…ou avec la même charité dont nous aurons fait preuve.

B/ Le verbe juger implique aussi l’idée de séparer, distinguer, peser…Mais aussi jauger, évaluer (ex. J’ai jugé qu’il valait mieux s’abstenir de prendre la route). Opérer un bon discernement, un jugement critique. 1 Jn 4,1 dit que nous devons tester tout esprit et Paul demande de tester toute chose et retenir ce qui est bon (1 Th 5,21). Dans le Sermon sur la montagne Jésus dit que nous jugerons les gens à leurs fruits et aussi que les disciples devront se garder des faux prophètes autant que des chiens ou des pourceaux. Tout cela implique un jugement critique, très clairement. Il faut jauger, évaluer ce qui est bon ou pas.

Paul évoque un cas d’inceste en 1 Co 5. Pensez-vous qu’il va dire « Oh, soyons tolérant, c’est sa vie, ses choix, qui suis-je pour juger ? » Pas vraiment ! En Mt 18, Jésus demande d’aller trouver un frère qui a commis une faute pour qu’il change de chemin. En Ga 6,1 : « si qqun est pris en faute, ramenez-le dans le droit chemin. Mais faites preuve de douceur à son égard ».

Sous prétexte de ne pas juger nous avons renoncé à tout reproche, refusé de discerner entre la vérité et l’erreur, le bien et le mal. Si la Bible appelle péchés certaines choses et abominations d’autres ce n’est pas pour rien. Reprocher ne signifie pas juger mais évaluer le réel de ce que les gens vivent. Et si nécessaire de les exhorter à changer. Par le reproche, nous avons le meilleur de la personne à l’esprit. On reproche dans le but d’aider chacun à se rapprocher de Dieu.

Jésus nous interdit de condamner car condamner est contraire à la loi de l’amour. Mais il nous invite à exercer notre jugement critique. Dans l’histoire de la paille et de la poutre Jésus ne dit pas qu’il ne faut pas enlever la paille. Il dit clairement qu’on peut l’enlever. On peut dire à quelqu’un « là, mon ami(e) il y a un problème ». Comprenons qu’un corps étranger dans l’œil est une source de souffrance et un danger. Le laisser dans l’œil sans rien tenter pour l’ôter ne relèverait pas de l’amour fraternel.

Jean chrysostome (Père de l’Eglise du 4ème) a écrit : « reprends-le non comme un ennemi ou comme un adversaire exigeant réparation, mais tel un médecin apportant des remèdes » Ce frère a besoin de l’amour qui secourt et rétablit. La correction fraternelle avec compassion et vérité est une bénédiction. C’est pourquoi la solution ne sera jamais dans la condamnation ou l’exclusion mais dans un chemin de libération et de guérison !

Jésus agissait avec compassion et attention.  Jauger, corriger c’est aussi aimer, encourager, édifier, libérer, aider. Aider chacun à vivre dans la vérité et s’accrocher à cette vérité qui libère. Paul encourage les chrétiens à dire la vérité dans l’amour quand quelqu’un est manifestement dans l’erreur.  Nous avons besoin de connaitre la vérité pour être libre dit Jésus (Jn 8,36). Nous sommes parfois conduits à aller vers les personnes pour leur montrer avec amour qu’il y a des choses, des attitudes, des comportements qui peuvent ne pas plaire au Seigneur et qui surtout les empêchent de porter le fruit de l’obéissance ! Or nous sommes invités à plaire au Seigneur et à porter du fruit.

Mais ! Jésus est très clair aussi. Il n’est pas possible d’enlever une paille tout en ignorant notre poutre ! Jésus vise ici les pharisiens qui aiment s’autojustifier parce qu’ils respectent la loi et se donnent le droit de juger les autres qui ne sont pas comme eux. Ils sont hypercritiques. Ils sont animés par un esprit critique qui cherche toujours la plus petite faute dans les moindres choses. Ils pointent sans cesse les défauts, les problèmes, les insuffisances des autres. Ils ne cherchent qu’à dénigrer, écraser, ils prennent plaisir à dénicher les points faibles et manquent de générosité face à leurs erreurs.

Comment prétendre enlever une toute petite chose presque invisible dans l’œil de l’autre alors que nous sommes aveuglés par une énorme poutre ? C’est seulement avec une acuité spirituelle retrouvée que le chrétien peut aider son frère. Jésus ne condamne pas la correction en elle-même, mais la correction qu’on ne s’applique pas d’abord à soi-même. Pour Jésus la critique ne va pas sans autocritique.

Ne soyons pas au-dessus des autres et rapides à juger ceux qui seraient dans le péché car nous pourrions tomber dans l’orgueil. Ne pensons pas qu’il y a des péchés plus graves que d’autres et que nous serions plus dignes que d’autres.  Avant d’aller ôter la sciure nous devons nous examiner et reconnaitre nos propres manquements avant de voir ceux des autres. L’hypocrisie consiste à dénoncer un problème quand nous-même nous luttons avec un problème similaire ou différent mais pas plus glorieux !

Le meilleur moyen de ne pas tomber dans un esprit critique est de faire son auto-critique. Nous devrions nous appliquer à nous-mêmes des normes au moins aussi strictes que celles que nous appliquons aux autres. Si nous ne sommes pas capables de gérer notre propre péché nous avons perdu la capacité et le droit de dénoncer le péché chez autrui.

Enfin que dit Jésus avec cette histoire de chiens et de pourceaux ? Dans ce contexte de ne pas juger, il évoque ceux qui ne font pas la différence entre les choses saintes et celles qui ne le sont pas. Certaines personnes exprimeront de la sollicitude envers ceux qui l’auront aidé à se libérer d’une paille. Mais il y a aussi des personnes chez qui la dénonciation du péché ne provoque par la reconnaissance mais même de la colère. En Pr 9,8 « ne reprends pas un sceptique sinon il te haïra ; mais si tu reprends un sage il t’en aimera ». C’est mépriser l’Evangile que de le laisser être trainé dans la boue par ceux qui n’en reconnaissent pas la valeur.

Conclusion : jauger, reprocher, discerner et condamner sont 2 choses différentes. Nous devons le faire dans l’amour avec le meilleur de la personne à l’esprit dans le but de nous entraider et de nous encourager à plaire au seigneur, de marcher dans l’obéissance et donc de porter du fruit.

Le risque est de tomber soit dans le légalisme moralisateur soit dans le sentimentalisme. Le légaliste pense qu’il y a des hommes tellement plus pécheurs que nous et qu’ils n’ont pas le droit de s’asseoir sur le même banc que nous pour prier Dieu. Le sentimentaliste promeut un amour douceâtre loin de toute vérité et lucidité qui en réalité empêche d’appeler problème ce qui est problématique et maintient de fait le pécheur dans son péché.  C’est oublier la raison pour laquelle Jésus est mort pour nous sur la croix.

Comprenons que le projet de Dieu est un projet de salut et de guérison pour tous et non pas de condamnation. La solution ne sera donc jamais dans la condamnation ou l’exclusion mais dans un chemin de libération et de guérison ! Guérison non seulement pour la personne mais à travers elle aussi pour l’ensemble du corps du Christ. Amen

Pour aller plus loin : Pourquoi sommes-nous jugeant ? A ton avis en quoi la guérison d’une personne a-t-elle un impact sur l’ensemble du corps du Christ ? As-tu déjà été jaugé et si oui comment l’as-tu pris et cela t’a-t-il aidé ? Y avait-il de l’amour ? Quand t’es-tu examiné toi-même et fait ton auto-critique ?

Prière

Seigneur, dans le silence de ce jour naissant,
je viens te demander la paix, la sagesse et la force.
Je veux regarder aujourd’hui le monde
avec des yeux tout remplis d’amour,
être patient-e, compréhensif-ve et doux-ce.
Voir au-delà des apparences tes enfants
comme tu les vois toi-même,
et ainsi ne voir que le bien en chacun.
Ferme mes oreilles à toute calomnie,
garde ma langue de toute malveillance,
que seules les pensées qui bénissent
demeurent dans mon esprit,
Que je sois si bienveillant et si joyeux
que tous ceux qui m’approchent sentent ta présence.
Revêts-moi de ta bonté, Seigneur,
et qu’au long de ce jour, je te révèle.  Amen.

Inscrivez-vous à notre bulletin d'information

Vous recevrez par mail les informations utiles et importantes de notre paroisse, ainsi que des messages de la part de nos pasteurs (prières, méditations, ...)

Votre inscription nous est bien parvenue. A bientôt !