Prédication sur Ac 12,1-17 (13-16) et Ex 2,1-8 bfc.

Les minus de la Bible – Rhode ou je prie avec foi, attentif à ce qui arrive.

Qui se souvient des fameux films à grand spectacle, comme Ben Hur et Les 10 commandements, films aux décors somptueux ? On se souvient de Charlton Heston qui y tient la vedette, mais qui se souvient du chef décorateur ? Comme je le disais il y a un mois, souvent les décorateurs font partie des noms écrits en tout petit dans le générique de fin. Les minus… sans lesquels, pourtant, le film n’aurait pas eu lieu.

Rhode fait partie, elle aussi, des minus du casting biblique : 3 versets parlent d’elle. Là aussi, Luc a estimé qu’il était important pour nous de connaître le nom de cette servante… Une servante… la bonne de service…  En plus le grec laisse entendre qu’elle était jeune. Est-elle juste servante, esclave, faisant partie du mobilier de cette famille ou est-elle aussi une chrétienne récente ? Est-elle là pour travailler ou aussi pour prier avec les autres ? Le texte n’en dit rien.

Mais ce petit bout de femme est touchant : elle entend frapper et nous dit le texte, elle s’approche pour écouter. Les autres prient pour la libération de Pierre tout en célébrant la fête de la Pâque, la fête de la libération des Hébreux d’Egypte. Ils commémorent la libération accomplie par Dieu. Et ils semblent ne pas entendre Pierre frapper à la porte. C’est Rhode qui entend un bruit et s’approche pour écouter. C’est elle qui se rend compte que la prière de l’Eglise est exaucée. C’est elle qui se rend compte que le décor de la scène, le décor de l’histoire vient de changer. Et les autres ont de la peine à la croire. En fait, Rhode fait partie des personnages minus de la Bible qui essaient de faire prendre conscience aux autres que le scénario de l’histoire du salut avance, que le Seigneur est en train d’agir et de surprendre. Rhode a une oreille tournée vers la prière des croyants et une oreille tournée vers la rue, vers le dehors ; une oreille tournée sur l’intérieur de la communauté croyante et une oreille tournée sur le monde extérieur et ses besoins.

La Bible contient d’autres personnages minus qui ont cette attitude : Myriam la sœur de Moïse : quand sa maman dépose sur le Nil le couffin contenant bébé Moïse… on pense bien que cette famille a prié avant, a confié Moïse au soin de Dieu ; Myriam a sans doute entendu ses parents prier… mais elle ne s’arrête pas là : elle va suivre le couffin emmené par le courant pour voir ce qui va arriver et va ainsi se rendre compte que Dieu fait avancer le scénario. Si elle n’avait pas suivi le couffin elle n’en aurait rien su et Moïse n’aurait pas retrouvé sa mère comme nourrice. Sans Rhode, Pierre serait resté dehors.

 

Rhode fait partie des minus qui ont un rôle fondamentale dans la Bible : ceux et celles qui pratiquent une sorte de double écoute, de double attention, attention sur la prière, attention sur le monde extérieur. Cette double vigilance, cet état de double attention encourage l’Eglise à accueillir l’action de Dieu en cours dans le monde, à participer à cette action, à s’y ouvrir. Et cette action s’exprime dans un besoin. C’est comme si Dieu répondait à la prière de son Eglise en suscitant un besoin dans le monde, adressé à l’Eglise.

Qu’est-ce qui peut faire obstacle à cette double attention dans notre vie ?

Il y a d’abord ce que j’appellerais une spiritualité alibi et paresseuse. Je prie pour les autres, pour les misères de ce monde… c’est ma part… Celle de Dieu c’est de faire son boulot et d’agir. Moi je prie, que Dieu réponde en faisant sa part. Je prie, le reste n’est plus mon problème. Je soigne ma communion avec Dieu, ma relation avec Lui, ma confiance en Lui, c’est déjà bien assez sans que je ne me soucie encore des misères de ce monde. C’est une sorte de spiritualité facile et autocentrée.

Prenons un exemple. Je demande à Dieu sa bénédiction sur mon enfant lors de son baptême, je lui demande de veiller sur mon enfant, où comme vous le disiez vous-mêmes, je veux ouvrir le chemin de la foi devant mon enfant. Le baptême c’est un acte de prière. C’est un acte de confiance. Mais après… qu’est-ce que j’en fais comme papa ou maman de l’enfant ? Serai-je attentif aux besoins spirituels de mon enfant, serai-je à l’écoute de ses questions ? Vais-je me préparer moi-même pour l’accompagner et répondre à ses questions ?

Notez que je peux étendre cet exemple à toute forme de prière que je fais pour quelqu’un d’autre : prier pour l’autre ne me dispense pas d’être attentif à Lui ou à elle. Peut-être même que si je prie pour un tel ou une telle, pour que Dieu intervienne dans sa vie… cela devrait me rendre plus attentif à lui ou elle.

Et il y a le fait d’une certaine incrédulité. Nous prions Que ton règne vienne, mais nous oublions que s’il vient, il vient là où il n’est pas encore. Sinon il n’a pas besoin de venir, il est déjà là. Nous appelons le règne de Dieu… mais croyons-nous qu’il vient… que le Seigneur réponde à nos prières ? Quand nous prions, avons-nous une oreille tendue sur les circonstances qui nous entourent pour être prêt à entendre l’arrivée de la réponse du Seigneur ? Pour discerner son action ?

Prenons un exemple actuel : les chrétiens de Corée du sud prient chaque semaine pour la réunification du pays. C’est une prière politique. Avez-vous remarqué avec quelle faculté d’adaptation le gouvernement sud-coréen a réagi à la demande de la Corée du nord de participer aux JO ? Demande qui s’est fait entendre quelques semaines avant les JO. Comme si la Corée du sud était attentive à qui frappe à sa porte, tout en n’étant pas dupe sur la capacité de manipulation du nord. Mais il y a eu une prise au sérieux de l’autre.

Lié à cela, il y a le fait que notre prière se désincarne : on attend tout de Dieu dans une autre sphère que notre réalité. Rhode participe à cette prière mais se prépare à recevoir l’exaucement, même si la voix de Pierre la surprend à un point qu’elle en oublie de lui ouvrir. Est-ce que nous prions sans nous préparer à recevoir l’exaucement ? Est-ce que nous prions en nous préparant à recevoir l’exaucement ? Nos Eglises peinent à connaître un renouveau. Mais serait-ce parce qu’elles ne sont pas prêtes pour l’accueillir ?

Concrètement, être attentif aux besoins qui se font entendre dans notre monde peut nous indiquer un chemin de renouveau pour l’Eglise. Avoir une oreille pour la détresse de proches dans nos familles peut nous indiquer que la porte est ouverte pour l’action de Dieu via notre compassion[1].

Rhode la minus s’inspire en réalité de Jésus lui-même. Jésus passait du temps dans la prière et avec ses disciples. Mais sa prière et sa communion avec les 12 n’était pas une fin en soi. C’était juste la base arrière pour son action dans le monde. C’était juste un moyen d’avoir le recul nécessaire pour apporter de manière adéquate la réponse du Règne de son Père au milieu des détresses de son monde. Ses oreilles étaient ouvertes sur la voix du Père et sur les appels du monde. Mon vécu chrétien ne peut pas se situer seulement au cœur de l’Eglise, il doit aussi me conduire à m’approcher de la porte pour écouter ce qui se passe dehors. Car si je prie que Ton Règne vienne, il y a fort à parier qu’il va venir, à ma porte… là dehors.

Amen.

 

[1] Il y a le fait d’être seulement centré, tourné sur le spirituel, sur l’Eglise. Vivre notre foi en tournant en rond entre chrétiens. Juste préoccupé par le renouveau de l’Eglise mais pas du tout intéressé à voir en quoi ce renouveau est lié à ce qui se passe à la porte de l’Eglise, et passe par le fait de s’engager pour la communauté locale.

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