Prédication sur Matthieu 5,3

Heureux les pauvres en esprit car le Royaume des cieux est à eux.

Un jour, je demandais à une personne très éprouvée comment elle faisait pour garder la tête haute, où elle puisait son courage. Elle me répondit : J’invite Dieu dans tout ce que je vis, je prie, je prie quand je me lève afin qu’il vienne avec moi dans la journée, je prie quand je pars au travail afin qu’il aille devant moi, je prie au travail quand les collègues se font méchants, je prie que Dieu m’aide avec qui je rencontre, je prie pour mon conjoint, je prie avant les repas pour dire merci. Et puis à la fin, cette personne me dit : Vous les Suisses vous ne pouvez pas comprendre… vous avez tout… tout… tellement tout que vous n’avez pas besoin de compter sur Dieu. Je ne sais pas si c’était un jour où j’étais particulièrement sensible, mais ça m’est allé droit au cœur. Cette personne n’avait-elle pas raison ? Sa vie n’était pas facile, mais portée par le Seigneur. Cela m’a poussé à relire les béatitudes.

Heureux les pauvres, les mendiants en esprit car le Règne de Dieu est à eux. Dans cette phrase de Jésus, il y a la promesse du Règne de Dieu pour les pauvres en esprit. Ce règne que nous aimerions voir à l’œuvre dans notre vie. Ce règne nous est donné. Il n’est pas à conquérir. Il est donné à ceux et celles qui prennent le chemin proposé par Jésus dans les béatitudes. Et ce chemin ne correspond pas du tout aux principes de pensée et d’action qui dirigent ce monde. Il nous semble même contradictoire : pauvre et heureux… Pourtant, quand Jésus dit ses paroles à ses disciples, ces derniers ont sous les yeux toute une foule de gens qui ont apporté leur misère à Jésus et ont vu l’action du règne de Dieu dans leur vie.

Jésus dit que son Règne est pour ceux qui sont pauvres en esprit, c-à-d pour ceux qui se reconnaissent vulnérables, fragiles, faibles, incapables, incompétents, pas à la hauteur de, pas à même de…, qui savent ne rien posséder en propre, qui savent que la vie ne leur appartient pas. Comment savoir si je suis un mendiant d’esprit, un mendiant de pneuma (le mot grec pour esprit et souffle, souffle de vie, mot qui traduit aussi le mot hébreu nefesh vie, âme) ? Un mendiant connaît son manque. Il connaît son besoin. Un mendiant souffre de son manque, de ce qui ne va pas dans sa vie. Un mendiant sait ne pouvoir s’appuyer que sur la rencontre qu’il fera, même furtive, avec un donateur. S’appuyer sur cette rencontre. S’ouvrir à cette rencontre. Le mendiant a besoin de son donateur. C’est une question de subsistance / survie quotidienne. Ecoutant Jésus, écoutant certaines personnes qui vivent l’action du règne de Dieu dans leur détresse, dans leur besoin, dans leur vie quotidienne, je me demande si ce qui fait obstacle au Règne de Dieu n’est pas de s’ignorer pauvres et mendiant, de ne pas vouloir le voir. Chez nous, on a vite fait de cacher nos fragilités et manques derrière une façade d’activisme, derrière le bluff ou le rire jaune.

Heureux les pauvres, les mendiants en esprit car le Règne de Dieu est à eux. La promesse que Jésus fait ici est incroyable. Le Règne de Dieu appartient aux pauvres en esprit : le règne de Dieu, sa présence rayonnante, transformatrice, agissante.. Comme dit un commentaire : cette promesse ne peut se réaliser que si j’accepte de cesser de vivre dans le déni de ma pauvreté, de ma vulnérabilité, de ma fragilité et aussi le déni de ce qui m’emprisonne et me retient de connaître l’action du règne de Christ.  Cette promesse peut commencer à se réaliser quand je reconnais mon impuissance à tout contrôler, tout maîtriser, tout savoir, tout prévoir, tout comprendre. Mon impuissance à dominer mes propres égarements. Mon impuissance à dominer le mal qui est en moi et qui si souvent sort de moi dans mes attitudes, mes mots, mes paroles, mes regards, mes gestes, mes projets. Mon impuissance à dominer le péché.

Quand nous reconnaissons et admettons notre impuissance, nous abandonnons notre orgueil, nos inquiétudes, nos regrets, notre isolement, notre égoïsme, notre autosuffisance ; nous n’essayons plus de fuir, ni nous-mêmes, ni les autres[1] … Nous sommes alors ouvert à rencontrer notre bienfaiteur, notre Sauveur, notre Rédempteur, Christ Jésus qui va déployer son Règne dans notre vie, tantôt lui-même, tantôt par autrui.

Accueillir le Règne de Christ suppose une ouverture… à Celui que mon possible ne peut pas contenir, à Celui qui peut transcender mes propres ressources, à Celui qui peut faire mieux que mes projections sur l’avenir, à Celui qui peut agir là où je ne l’attends pas, et au travers de qui j’ai disqualifié comme mécréant. Accueillir le Règne de Christ suppose une ouverture consciente, voulue, choisie à celui qui fera mieux que ce que je ne saurais faire moi-même par moi-même, mais qui ne craindra pas de m’utiliser pour. Une ouverture consciente, choisie à Celui qui saura nous conduire là où il nous voudra tout en ne violant pas notre liberté.

Etre mendiant en esprit suppose que je sais combien je dépends du Seigneur. Mais aussi des autres. Et cette conscience se traduit par un élan de gratitude envers le Seigneur pour tout ce qu’il est, pour tout ce qu’il fait, pour tout ce qu’il donne… pour tout ce qu’il fera et donnera et sera encore. Recevoir notre vie et nos circonstances de sa main. Comme me disait cette personne : prier en se levant, en se mettant à table, en sortant de chez soi, avant de rencontrer les collègues, etc. Cette conscience se traduit aussi par un élan de gratitude envers les autres. Cette conscience se traduit dans notre prière où nous savons ne pas savoir comment prier et quoi demander, mais où nous nous en remettons au Seigneur. Cette conscience se traduit aussi par oser demander de l’aide aux autres, ou conseil.

Si nous sommes en manque du Règne de Dieu dans notre vie c’est peut-être que sans nous en rendre compte, nous n’osons pas faire face à nos manques, que nous les camouflons soigneusement derrière nos avoirs, derrière nos savoirs, derrière nos apparences respectables, derrière notre illusion de pouvoir nous en sortir seul.

Le règne de Dieu… Jésus l’a déployé sous nos yeux et il veut encore le déployer. Nous le voyons dans l’Evangile quand il va à la rencontre des autres, et quand il va à la rencontre de son Père. Nous le voyons dans la vie des personnes autour de nous qui se savent assez nécessiteuses de Lui pour Lui laisser un espace d’action. Et il nous est donné à nous aussi, il nous a été donné, devrais-je plutôt dire.

Amen.

 

 

[1] Doug Fields, John Baker et Megan Hutchison, Blessés par la vie. Guéris par Dieu, Penthaz 2012, p.36-39.

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