Prédication sur Josué 1.1-9(2) (texte annexe : Tite 2,11-14)
Appelés à grandir dans la foi en assumant notre baptême.
Chers amis,
Quel est le but de tout être vivant venant au monde ? Vivre. Et que signifie vivre ? Vivre c’est grandir, grandir en copiant les autres, puis en faisant soi-même, et trouver sa propre destinée, son propre chemin. Entrée dans sa propre destinée c’est un défi, c’est devenir soi, c’est ne pas forcément faire comme les autres… c’est oser à un moment prendre ses propres responsabilités. Rester bébé toute sa vie, ça pourrait sembler confortable, dépendre de maman, se laisser faire, MAIS très peu passionnant. Et puis ce n’est pas ce que des parents souhaitent pour leur enfant.
Quel est le but dans la démarche de baptiser un petit enfant ? Serait-ce que le petit enfant reste ce petit bébé dans la foi ? N’est-ce pas aussi qu’il grandisse ? Et comment grandir s’il n’y a pas des modèles à copier, des grands autour de soi qui montrent ce que signifie vivre avec Jésus dans le quotidien, afin de pouvoir ensuite faire ses propres expérience et devenir un croyant adulte. C’est là votre rôle, parents, grands-parents, parrain et marraine.
Comme chrétien, chrétienne, notre destinée à tous est de grandir, de prendre nos responsabilités, d’entrer dans notre destinée et non pas de rester de croyants miniatures.
Josué vit le même défi. Jusqu’ici, il a suivi, il a appris, il a observé, il a aussi vécu des expériences fortes avec Dieu, mais il avait Moïse son mentor, son maître, son modèle que cela soit comme leader ou comme croyant. Il vivait dans l’ombre d’un autre, il vivait de la foi d’un autre – pour simplifier. C’est Moïse qui parlait avec Dieu, c’est Moïse qui écoutait Dieu, c’est Moïse qui prenait ensuite les décisions. Un peu comme beaucoup de personnes qui se reconnaissent chrétiennes, parce qu’elles ont été baptisées, qu’elles ont fait du catéchisme, etc. ; elles croient en Dieu… Mais ce sont des croyants qui vivent dans l’ombre de la foi de l’Eglise – c’est les autres qui écoutent Dieu, c’est les autres qui parlent à Dieu, c’est les autres qui essaient de vivre avec Dieu, etc. Comme des enfants qui vivent de la foi de leurs parents, qui en sont les spectateurs.
Ici, Dieu dit à Josué : Maintenant c’est à toi de jouer ; assume ta foi ; entre dans le pays que j’ai promis de te donner à toi et à ton peuple ; prend possession du pays. Et le Seigneur nous dit la même chose à notre niveau : Cesse de regarder la foi comme un objet extérieur à toi, mais prends en possession ; cesse de regarder l’expérience chrétienne du dehors, mais entres-y. Fais l’expérience toi-même. Ne vis pas dans l’ombre de ton baptême reçu il y a 20, 30 ou 40 ans… mais prends possession de la réalité de ton baptême. En terme plus concret : entre dans une vie avec Jésus Christ. Ça ne va pas de soi… même pour des personnes qu’on appelle des croyants pratiquants. Cela ne va pas de soi parce que cela nous demande d’assumer – comme disent les jeunes. Et assumer peut susciter des appréhensions : appréhensions face aux regards des autres : vais-je passer pour un illuminé, un fanatique, un original dans un monde où la règle c’est « à chacun sa croyance, à chacun sa foi, pour autant que ça reste privé » ; appréhensions parce que c’est nouveau… et que je ne sais pas trop comment faire pour vivre ma vie avec Jésus. Etc.
Arrêtons-nous un instant sur ce que Dieu dit à Josué et à nous aussi.
- Lève-toi, traverse le Jourdain. Lève-toi… c’est une décision que je prends. C’est une démarche personnelle. Cela faisait 40 ans que le peuple tournait en rond dans le désert. Dieu leur dit de quitter le désert et d’entrer dans le pays promis, terre fertile. C’est une manière de dire : Si tu n’entres pas dans ton baptême, tu restes dans le désert, là où il ne se passe rien, là où il ne pousse rien. Jésus, Dieu, ça reste une réalité abstraite. La foi, une vague idée. L’amour de Dieu pour toi, une théorie de l’Eglise. Prends la décision de quitter l’accoutumance d’une foi passive, comme dirait le pape François[1].
- Avance en direction du pays que je te donne. Le Nouveau Testament parlerait du Royaume de Dieu. La terre où Dieu règne. La dimension de vie où il est réel, relationnel, expérimental. Parce que Dieu nous aime, parce qu’il aime Lénorane[2], il voudrait que nous en soyons conscients… que cela nous touche… Il aimerait que nous vivions avec Lui, consciemment avec Lui. Pas dans l’optique bigote je fais ceci ou cela pour que Dieu soit content et me fiche la paix. Pas dans l’optique légaliste : je fais ceci ou cela par peur de l’enfer. Pas dans l’optique mercantile : je fais ceci ou cela pour que Dieu me bénisse. Mais parce que j’ai envie de mieux connaître, de plus expérimenter la réalité de son amour pour moi, de sa fidélité, de sa présence, de son action, de sa puissance, de sa guérison. J’ai envie de vivre dans le pays de sa présence parce que je sais combien c’est précieux. Déjà les 1ers chrétiens vivaient ce défi quand Jean leur écrit : 1 Voyez à quel point le Père nous a aimés ! Son amour est tel que nous sommes appelés enfants de Dieu, et c’est ce que nous sommes réellement. (…). 2 Nous sommes maintenant enfants de Dieu, mais ce que nous deviendrons n’est pas encore clairement révélé. Entrer dans notre baptême c’est devenir disciple comme disait mon collègue il y a 2 semaines.
- Fortifie-toi et prends courage. (…). Tu méditeras le livre de la Loi pour observer et mettre en pratique tout ce qui y est écrit, car c’est alors que tu mèneras à bien tes entreprises, et que tu réussiras. C’est vrai qu’il faut parfois du courage : quand quelqu’un nous aime pour de vrai, il arrive que ce quelqu’un nous montre aussi ce qui ne va pas chez nous. Et puis il y a toutes nos résistances intérieures, comme le doute, l’incrédulité, nos diverses craintes. Ce que le pape François appelle notre auto-référentialité[3]. Nous aurons l’occasion de nous attarder d’avantage sur Josué dans les semaines à venir.
Mais pour aujourd’hui, je m’arrêterai à ceci : y a-t-il un domaine de ma vie, une problématique dans ma vie, une difficulté où je ne vis pas encore la réalité de la présence et de l’action de Dieu ? Y a-t-il un domaine de ma vie, une difficulté, où je me dis : j’aimerais bien vivre la présence et l’agir de Dieu, l’affronter avec le Seigneur, mais je n’y crois pas trop… ça me semble hors d’atteinte, ça me semble juste bon pour les croyants privilégiés ?
Serais-je appelé à me lever et à franchir mon Jourdain, à décider d’affronter ce domaine en mettant en pratique ma confiance dans le fait que je suis enfant de Dieu, qu’il m’aime, qu’il est avec moi et va ouvrir un chemin pour moi et me faire avancer ? Y a-t-il un domaine de ma vie, un obstacle que j’aimerais franchir avec Lui ?
Si oui, le Seigneur nous dit à nous aussi : Je suis avec toi comme je l’ai été avec Moïse ; je ne te délaisserai pas, je ne t’abandonnerai pas. Mais toi, avance, fais le pas de laisser la réalité de ma présence agir en toi et autour de toi.
Amen.
[1] 137. L’accoutumance nous séduit et nous dit que chercher à changer quelque chose n’a pas de sens, que nous ne pouvons rien faire face à cette situation, qu’il en a toujours été ainsi et que nous avons survécu malgré cela. À cause de l’accoutumance, nous n’affrontons plus le mal et nous permettons que les choses « soient ce qu’elles sont », ou ce que certains ont décidé qu’elles soient. Mais laissons le Seigneur venir nous réveiller, nous secouer dans notre sommeil, nous libérer de l’inertie. Affrontons l’accoutumance, ouvrons bien les yeux et les oreilles, et surtout le cœur, pour nous laisser émouvoir par ce qui se passe autour de nous et par le cri de la Parole vivante et efficace du Ressuscité. GAUDETE ET EXSULTATE paragraphe 137.
[2] Prénom de la petite baptisée ce jour-ci.
[3] 136. Il faut, certes, ouvrir la porte du cœur à Jésus-Christ, car il frappe et appelle (cf. Ap 3, 20). Mais parfois, je me demande si, à cause de l’air irrespirable de notre auto-référentialité, Jésus n’était pas déjà en nous, frappant pour que nous le laissions sortir. Dans l’Évangile, nous voyons comment Jésus « cheminait à travers villes et villages, prêchant et annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu» (Le 8,1). De même, après la résurrection, quand les disciples sont allés partout, le Seigneur œuvrait avec eux (cf. Mc 16, 20). Voilà la dynamique qui jaillit de la vraie rencontre ! GAUDETE ET EXSULTATE paragraphe 136.