Prédication sur Mat 5,6 / Phil 2,4-9 / Ps 15,1-3.

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice.

Il y a un mois environ, nous votions sur 2 initiatives liées à la justice : celle qui visait une rémunération juste des petits producteurs et celle sur la souveraineté alimentaire, visant une agriculture suisse de qualité. Alors que ces initiatives avaient toute la sympathie de la population en août, elles ont été finalement rejetées. Il faut dire que les opposants ont répété à qui mieux-mieux qu’elles entraîneraient un renchérissement de nos commissions. Cet épisode de l’actualité a montré que l’envie d’un monde plus juste s’arrête, chez la majorité des Suisses, à l’intérêt immédiat de leur porte-monnaie. Ou dit autrement, Mamon a plus de poids que Justice. Régulièrement, on nous prend par l’amour du porte-monnaie pour nous expliquer que moins de justice, en fait, c’est mieux pour tous. Les béatitudes et en particulier cette 4e n’a pas perdu de son actualité : Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.

Serions-nous, en fait, plutôt affamés ou assoiffés de notre avantage immédiat ? Sommes-nous plutôt regardant pour ce qui nous touche nous directement et pas les autres ? De quoi sommes-nous affamés et assoiffés ? Voulons-nous vraiment un monde plus juste ? Et quelle prix sommes-nous prêt à payer pour ? Jésus que le Nouveau Testament appelle Le Juste[1] et que nous disons être notre Seigneur et Maître a payé de sa vie sa soif de justice.

Vous me direz : Nous ne sommes pas Jésus. C’est vrai. Mais Jésus nous appelle à être ses disciples, c’est-à-dire ses suiveurs, ceux qui se mettent à son écoute pour ensuite poursuivre sa mission, en étant des petits christs. Qu’est-ce qui nous empêche de nous lever pour la justice? Je crois qu’il y a plusieurs choses qui peuvent nous empêcher de vivre réellement notre faim de plus de justice. En effet, cette faim ne peut pas ne pas nous habiter si nous sommes chrétiens et si le Saint Esprit nous habite.

  • la peur. Avec raison, d’ailleurs. Ceux qui luttent pour plus de justice y laissent régulièrement leur vie. Mais rassurons-nous : voter avec un souci de justice ou faire ses commissions avec un souci d’équité ne nous coûtera pas la vie. Du moins… pas actuellement.
  • l’impression que de toute façon nous ne pourrons jamais faire la différence… que c’est peine perdu… que notre engagement c’est juste une goutte d’eau sur une plaque bouillante. Peut-être. Pourtant parfois ça marche. L’histoire de Martin Luther King et son combat pour l’abrogation de la ségrégation raciale américaine nous le montre; l’histoire du label Max Havelaar dont tous riait en le qualifiant d’idéaliste à ses débuts en est aussi la preuve.
  • le conformisme. Suivre le mouvement général et essayer de s’en sortir le mieux possible soi-même. Tant pis pour les autres ou pour le reste. Tant pis pour la prochaine génération.

Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés. De quelle justice Jésus nous parle-t-il ?

Le mot apparaît 6x dans le Sermon sur la Montagne. Jésus nous dit que notre désir de justice doit être supérieur à juste vouloir obéir aux lois, aux règlements, aux habitudes du moment, à ce qui est considéré comme les bonnes mœurs. Jésus nous dit que pratiquer ce qui est juste ce n’est pas simplement ne pas tuer, mais ne pas insulter son prochain, ne pas le discréditer. Il nous dit que pratiquer ce qui est juste ce n’est pas simplement ne pas trahir son conjoint, c’est ne pas regarder un / une autre avec convoitise. Il nous dit que la justice c’est ne pas hésiter à répondre aux attentes d’autrui en allant au-delà de ce qui est demandé. Et cerise sur la gâteau: la justice qu’il attend de nous, c’est rendre le bien pour le mal[2]. On peut résumer cela en 3 points :

  • Etre affamé de justice c’est avoir une attitude qui considère mon prochain comme au moins aussi important que moi. Enzo Bianchi dit que l’injustice est le résultat d’un manque de responsabilité et d’amour envers notre prochain[3]. Ce prochain qui peut être proche, mon conjoint, mon parent ou qui peut être nettement plus loin, par ex. justement le petit producteur que je peux contribuer à faire vivre en achetant équitable, à défaut d’être allé voter. Ou plus loin encore : la génération de mes petits-enfants qui devra vivre sur cette terre et de ses ressources.
  • Etre affamé de justice c’est avoir une attitude et un comportement qui n’expose pas l’autre au mal, ou dit autrement, qui n’entraîne pas l’autre à pécher[4]. Mes options de vie peuvent avoir comme conséquences d’exposer mon prochain au mal. Pour Jésus, être juste ce n’est pas simplement faire mon devoir et être droit. C’est veiller que mon droit n’expose pas l’autre à la tentation du mal. On peut demander au Seigneur de nous montrer si dans nos options de vie, nous exposons des plus ou moins proches à mal agir.
  • Etre affamé de justice, c’est-à-dire avoir envie vraiment de vivre de manière juste, c’est s’engager dans ses relations avec le prochain et avec Dieu sans esprit de calcul, et, si c’est sans esprit de calcul, ça ne peut être qu’avec amour. Je vais traiter l’autre avec amour. Je vais essayer. On n’arrive pas tjs. Ma foi, je vais la vivre avec amour. C’est ce qui fait que je peux alors considérer l’autre comme plus important que moi-même. C’est ce qui fait que je recherche la présence de Dieu – parce que je l’aime et non parce que je dois, parce qu’on m’a dit que c’est bien, etc.

Etre affamé de justice c’est ne pas se mentir à soi-même et ne pas abuser les autres[5].

Face à toute cette foule rassemblée avec lui sur la montagne, foule de gens nécessiteux et souvent objets d’injustice, Jésus en appelle à ses disciples : Levez-vous, eh oh, c’est le moment… pour plus de justice. Je vous rappelle que heureux en grec vient d’un mot araméen pouvant être traduit par debout, en marche[6].

Avant l’été, j’avais fait quelques prédications sur la nécessité pour l’Eglise de retrouver un élan prophétique[7]. Des chrétiens qui se lèvent pour plus de justice ne manqueront pas d’être prophétiques. Et ils seront rassasiés en plus, nous dit Jésus. Le mot grec nous laisse entendre que ce rassasiement n’est que provisoire, comme quand on a bien mangé. Ce rassasiement relève plus de ce qui nourrit que de ce qui remplit. Ce qui réjouit et rend heureux. Je crois que nous tous avons déjà fait l’expérience d’être rendu heureux pour avoir faire du bien à quelqu’un. Et nous connaissons sans doute des gens autour de nous qui rayonne de servir les autres. Etre rassasié ça n’est toujours que provisoire… c’est recevoir la force, la motivation, la paix et surtout une  joie mystérieuse, pour continuer. Jésus disait d’ailleurs que sa nourriture était de faire la volonté de son Père

De quoi ai-je vraiment faim et soif ? Est-ce juste ma propre survie ou est-ce d’édifier le Règne de Dieu dans ce monde en travaillant à relever l’autre ? Jésus est notre modèle. Il a vécu cette béatitude. Il n’a pas fait ce qu’il a fait parce qu’il devait, ni à cause du regard des autres, ni même pour se donner bonne conscience. Il a fait ce qu’il a fait par amour pour chacun et chacune de ceux qu’il a  croisé/e, par amour pour Dieu son Père, par amour pour nous tous. Si nous n’avons pas cette disposition intérieure, peut-être pourrions-nous la demander au Seigneur St.Esprit afin qu’il la réveille en nous ?

Amen.

 

[1] Actes 3:14  Mais vous, vous avez chargé le Saint et le Juste ; vous avez réclamé la grâce d’un assassin,

Actes 22:12   Il y avait là un certain Ananie, homme dévot selon la Loi et jouissant du bon témoignage de tous les Juifs de la ville ; 13  il vint me trouver et, une fois près de moi, me dit : « Saoul, mon frère, recouvre la vue. » Et moi, au même instant, je pus le voir. 14  Il dit alors : « Le Dieu de nos pères  t’a prédestiné à connaître sa volonté, à voir le Juste et à entendre la voix sortie de sa bouche ; 15  car pour lui tu dois être témoin devant tous les hommes de ce que tu as vu et entendu.

1 Jean 2:1  Petits enfants, je vous écris ceci pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu’un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste.

[2] Voir Mt 5,17-48

[3] Enzo Bianchi, Chemins d’humanité. Les Béatitudes, p.77.

[4] Mt 5,32.

[5] Mt 5,33-37.

[6] Voir traduction Chouraqui.

[7] Avant les votations du 23 sept. PPP a encouragé à voter pour les initiatives alimentaires. La FEPS a estimé ne pas devoir se solidariser avec PPP.

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