Prédication sur Mc 9,15-29 (24) / 2Tim 4,6-7 /

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi !

Tourner la dernière page du calendrier pour en ouvrir un nouveau… c’est quand même un tournant dans notre vie, qui mérite feux d’artifice et champagne ; vous ne trouvez pas ?

Paul écrit depuis sa prison à Timothée : 6 Car pour moi, me voici déjà offert en libation, et le moment de mon départ approche. 7 J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. Paul, en considérant son parcours de vie, est reconnaissant d’avoir gardé la foi, au vu du nombre de difficultés traversées. Il est aussi conscient que sa mort approche et il s’agit d’une mort violente. Il a vécu sa vie comme une offrande faite à Dieu et aux Eglises. Il compare la foi à un combat, une course. Paul est au tournant final de sa vie. Et ce, sans champagne ni feu d’artifice, juste avec cette gratitude d’avoir gardé la foi.

Quant à nous, la page qui se tourne nous ouvre sur la nouvelle année. Pourrons-nous dans une année dire comme Paul : j’ai gardé la foi ?

Le verset choisi pour présider à l’année 2020 nous invite à méditer sur cette question. Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Prière d’un homme qui semble avoir épuisé ses ressources spirituelles et psychiques. Appel de la dernière chance lancé par un père souffrant de voir son fils tourmenté par un mal mystérieux. Prière d’un homme qui a tout essayé et probablement tout prié, en vain. Prière d’un homme dont l’espérance est menacée de s’éteindre, dont la foi semble avoir été siphonnée par une attente trop longue.

 Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi !

Quelle belle confession de foi ! Belle parce que si réaliste, si honnête, si vraie. Je crois, mais j’ai de la peine à croire, alors aide-moi. Je crois, mais je ne suis pas sûr si je tiendrai le coup jusqu’au boutJe crois, mais il y a tant de question dans ma tête, il y a tant de déception dans mes souvenirs, il y a tant de crainte face à l’avenir… aide-moi.

Belle confession d’un homme qui sait sa foi fragile et menacée. Tout le contraire de ceux qui se croient arrivés dans la foi… de ceux qui trouvent dans leur foi un air de supériorité.

Ce verset nous appelle à entrer dans la nouvelle année et à la traverser en l’adoptant comme prière. Seigneur, viens au secours de mon manque de foi, préserve-moi de perdre la foi, préserve-moi de manquer de foi.

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Le mot foi en grec peut aussi se traduire par fidélité, vous le savez. Donc… viens au secours de mon obéissance si aléatoire à ta parole, aide-moi à te rester fidèle. Même dans un monde qui change si vite et s’éloigne de toi.

Cette prière révèle que pour cet homme la foi n’est pas un savoir, elle n’est pas une adhésion à des principes théologiques, philosophiques ou éthiques. Elle n’est pas adhésion à des idées. La foi est confiance en quelqu’un, confiance en Christ Jésus, mort et ressuscité, vivant de toute éternité et présent à tes côtés. Attentifs à tes prières. La foi est une confiance qui peut grandir, diminuer, parfois mourir. La foi est ce lien vivant avec Jésus qui nous porte et nous oriente. La foi s’agrippe au Christ comme à Celui qui seul peut nous sauver du néant et du nihilisme.

Chacun et chacune d’entre nous aura besoin de l’aide de Christ pour garder la foi durant l’année à venir. Nous vivrons peut-être des épreuves. Nous aurons parfois l’impression d’être oublié par Dieu – impression issue de notre fausse image de Dieu, ou de notre sentiment d’indignité. Et à coup sûr nous sommes dans un monde qui change à une vitesse vertigineuse qui nous fait perdre nos repères traditionnels. Les événements mondiaux nous effraierons peut-être. Les discours opposés au judéo-christianisme donneront encore plus de voie dans les médias.

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Et Jésus répond à la prière de cet homme. Il est des prières auxquelles Jésus répond à coup sûr, celle-ci en fait partie. Une autre c’est : donne-moi ton Saint Esprit.

 Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Cette prière est la seule réponse raisonnable face à ce qui pourrait nous emmener sur la pente de la peur, de l’incrédulité ou du cynisme. Vous remarquez que Jésus n’entre pas en discussion avec la foule, ni avec les théologiens, ni avec ses disciples mis en échec. Il s’occupe de ce père qui lui présente sa foi en souffrance.

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Jésus répond à cette prière. Il l’anticipe parfois, comme lorsqu’il entrevoit que Pierre va le renier et qu’il lui dit : J‘ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas, et toi, quand tu seras revenu à moi affermis tes frères (Luc 22,32).

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi !

Isaac de Ninive écrit : Qu’est-ce que la prière ? Un intellect libre de tout ce qui est terrestre et un cœur aux regards entièrement braqués sur l’objet de l’espérance. S’écarter de ça c’est imiter l’homme qui répand dans son sillon des semences mêlées[1].

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Prière sublime où brille le désire ultime d’une âme consciente de sa versatilité. Désire de vivre accordée au rythme et au pouls de son Créateur, malgré les oppositions que lui présente les circonstances.

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Prière courageuse d’une âme lucide quant à ses propres défaillances. Comme le dit Martini, prière d’une âme qui n’a pas peur de sa peur, mais la présente humblement au Seigneur, et tire avantage de son impuissance en en faisant l’objet d’une prière confiante[2].

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Prière tremblante d’une âme qui choisit de faire fi des appels au découragements venu de ses doutes et de la foule des tentateurs.

Je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Prière lumineuse d’une âme qui mise tout encore une fois sur son Seigneur, sûr de Son Amour et de Son Accueil.

D’autres l’ont prié avant nous. Comme un inconnu nommé Franz Jägerstätter, petit paysan autrichien emprisonné pour avoir refusé de prêter serment à Hitler et qui écrit dans sa dernière lettre avant de mourir : Aucune souffrance extérieure et aucune persécution ne peuvent briser la résistance intérieure de celui dans lequel le Christ vit et agit (…) Le slogan « il ne faut rien exagérer » est toujours propre à ceux qui ne sont pas guidés par l’amour du Christ, mais par l’amour-propre.

Alors, chers frères et sœurs en Christ, compagnons sur le chemin à la suite de Jésus… puisse la prière de cet humble père au prise avec la rudesse de sa vie être la nôtre : Seigneur Jésus, je crois ! Viens au secours de mon manque de foi ! Ainsi pourrons-nous finir le bout de vie qui nous reste à parcourir avec les mêmes mots que Paul : J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi. Je suis resté fidèle à mon Seigneur qui n’a pas cru exagérer en donnant sa vie pour moi.

Amen.

 

[1] Isaac de Ninive, in Petite philocalie de la prière du cœur, Seuil, 1999, p.81

[2] Carlo Martini, Méditations sur l’évangile de Marc, St.Augustin, 2000, p.59.