Prédication sur Mc 4,26-33 et Ps 127 et 121

Quand Dieu travaille à notre insu, en faveur de son projet de vie pour nous.

Bien-aimés du Christ Jésus,

Ce matin, j’avais envie de vous apporter un message d’encouragement. En effet, cela fait plus de 2 ans que les médias nous baignent de nouvelles anxiogènes et déprimantes. Il ne s’agit pas de mettre la tête dans le sable. Non, mais de lever le regard vers l’horizon des possibles de Dieu. Parce que nous aurions des raisons de nous demander : Vers quoi allons-nous avec cette guerre qui risque de produire une famine ? Comment Dieu voit-il tout cela ? S’importe-il ?  Et cela nous plombe.

Quand Jésus était en chemin, portant sa croix, puis cloué, suspendu à ses mains, il a aussi vécu le silence de Dieu. Job, également, fait face au silence de Dieu. Joseph durant sa captivité en Egypte aussi. Nombreux sont les personnages qui ont affronté quelque chose du silence de Dieu.

Par sa parabole, Jésus met en avant que l’action de la souveraineté de Dieu se manifeste aussi de façon silencieuse, mystérieuse et cachée. Dans la parabole précédente, celle du semeur et des différents terrains, Jésus mettait l’accent sur notre réceptivité au Règne de Dieu. Ici, il nous dit que ce Règne agit à notre insu, même sans nous, même pendant que nous dormons. Je me souviens de ces paroles d’un père jésuite qui me disait à Lyon : Dieu travaille en toi, même quand tu dors. M’en souvenir me fait du bien. L’action de Dieu, sa fidélité, son amour, sa puissance, son projet de vie se déploie même pendant que nous dormons, même pendant que tout semble dire le contraire. Il y a une action sous-terraine de Dieu dans notre vie. Une action qui poursuit son but : restaurer la vie. Une action cachée, mystérieuse. Mais, il est vrai, cette vérité demande à être reçu par la foi. On ne se rend compte souvent qu’après-coup de sa véracité.

Oui, Dieu travaille même à notre insu. Nous souvenir de cela peut nous aider. Nous souvenir de cela peut contribuer à notre paix. La paix, ce n’est pas de l’insouciance, ni de l’inconscience, ni de l’indifférence, ni même la fuite de l’autruche qui met la tête dans le sable. La paix que Dieu donne, c’est l’assurance profonde qu’il est présent et qu’il est à l’œuvre. En particulier, à l’œuvre en nous pour faire advenir l’homme et la femme qu’il nous appelle à être : son enfant, sa fille, son fils reflétant quelque chose de son amour. Il est à l’œuvre pour nous amener là où il veut, pour nous faire trouver la place qui est la nôtre. Il est à l’œuvre pour nous préparer à recevoir plus de grâces de lui. Pour être canaux de bénédiction.  Il est à l’œuvre pour faire de nous des êtres en croissance, pas en décomposition. Il est à l’œuvre pour nous repêcher.

Je vous donne des exemples.

Jacob. Dieu travaille pendant 20 ans sans que Jacob ne mentionne sa présence. Il travaille pendant 20 ans à lui permettre de revoir son frère Esaü dans la paix.

Moïse. Dieu œuvre 40 ans en lui pour faire de lui le libérateur, dont la douceur et l’humilité sont cité en exemple dans la Bible.

Paul. Il assiste au meurtre d’Etienne et l’approuve. Pourtant Dieu est déjà en train de travailler pour faire de lui l’apôtre qu’il deviendra.

Etty Hillesum. Les participants du GoûterDieu ont eu l’occasion de voir comment Dieu a travaillé en arrière-plan dans la vie de cette jeune femme jusqu’à la conduire à la découverte de Jésus alors qu’elle se sait promise à la déportation à Auschwitz. Dieu agit en elle au travers de ses questions sur le sens de la vie, au travers d’une thérapie avec un drôle d’accompagnateur. Dieu prend des chemins de traverses pour œuvrer dans sa vie. Elle témoigne de son action jusque sur une carte écrite depuis le wagon l’emmenant à l’est où elle raconte comment Dieu lui donne encore du réconfort par un psaume.

Léo. Il s’appelle Léo. Enrôlé dans la SS, il fait partie ceux qui vont briser irrémédiablement les doigts de Maïti Girtanner une jeune pianiste et résistante française, puis tenté de l’empoisonner – ce qui la laissera diminuée pour le reste de sa vie. Elle ne cesse de parler de Dieu à ses codétenues sans s’occuper de son gardien. 40 ans plus tard, en 1984, Léo se souvient de Maïti et cherche à tout prix à la retrouver pour savoir comment se mettre en ordre devant Dieu, avant de mourir. Elle lui dit de laisser l’amour de Dieu couler en lui. Il se réconcilie alors avec toute sa famille. Dieu fait un travail sous-terrain dans notre vie[1].

Dans le silence de samedi saint, Dieu travaillait dans le secret du tombeau de Jésus en vue de sa résurrection au matin de Pâques.

Je crois que Dieu œuvre en arrière-plan, comme certaines applications travaillent dans nos téléphones portables.

Ce que je dis de nos vies personnelles, je crois que c’est aussi vrai pour l’histoire des hommes.

On le voit dans l’histoire d’Israël. Dieu travaille même quand il semble se taire. Il travaille en arrière-plan même quand tout semble dire qu’il est absent, au vu des catastrophes de l’histoire. Israël est anéanti par Babylone, déporté et c’est l’occasion pour Israël de redécouvrir la force de sa foi, et de produire l’Ancien Testament, durant l’exile.

Durant la shoah, alors que certains travaillaient à l’éradication du peuple juif, Dieu était au travail dans le sous-terrain de l’histoire pour préparer la renaissance de l’Etat d’Israël. Pendant que l’Europe était déchirée par la guerre, Dieu travaillait dans le sous-terrain de l’histoire pour susciter des hommes et une conscience politique renouvelée qui allait aboutir à une volonté de voir une Europe unie et paisible. Et certains des initiants de l’Europe unie d’après-guerre étaient croyants.

Jésus nous dit dans cette parabole que le Règne de Dieu œuvre même quand ne le voyons pas ou ne nous en rendons pas compte. C’est une grâce, un cadeau que Dieu nous fait. Une grâce, donc quelque chose que nous pouvons simplement accueillir, mais ne jamais exiger.

Dieu travaille en arrière-plan de nos circonstances. Il n’envoie pas les circonstances difficiles, non. Il est amour. Et parce qu’il est amour, il a simplement une longueur d’avance sur nous et son action se faufile, sa souveraineté et sa volonté de vie trouvent leur chemin en arrière-plan pour faire advenir son règne malgré tout ; pour faire advenir sa volonté de paix, son projet de vie, malgré tout.

Dieu travaille en toi et pour toi, même quand tu dors. Son règne fait son chemin dans l’histoire des hommes même quand les circonstances semblent désespérantes.

Dieu travaille à son projet de vie pour toi et moi. Que cette grâce, ce cadeau nous remplisse de paix, de cette paix issue de l’assurance profonde qu’il est présent et qu’il est à l’œuvre, pour faire advenir son règne en nous.

Amen.

 

[1] Maïti Girtanner, Résistance et pardon, Vie chrétienne n°442, Paris, 2007.