Gn 2,1-3 ; Ex 20, 1, 8-11 ; Mc 2,23-28
Après 6 jours de création, Dieu instaure un 7ème jour consacré au repos. Il est déclaré saint c’est-à-dire « séparé », un cran au-dessus des 6 autres jours. Il donne sens aux 6 premiers.
- Sabbat et les 10 commandements
Le 7e jour est le fondement et la justification du 4e commandement qui nous invite à faire shabbat (le plus long et le plus précis).Dieu institue un temps de repos. Shabbat signifie en hébreu « cesser, arrêter de travailler ». En tant qu’image de Dieu nous imitons Dieu en arrêtant notre travail de création pour entrer dans la perspective du repos. Respecter le sabbat est un acte radical et difficile car cela modifie le cœur de notre spiritualité, de notre style de vie.
Les 10 commandements sont donnés à Moïse après la libération d’Egypte. Les hébreux y étaient considérés comme des outils de production et ils n’ont jamais connu ni observé un rythme alterné de travail et de repos. Vivre signifiait exécuter des tâches jour après jour. Ce commandement est l’un des signes de la libération du peuple par Dieu. En refusant de travailler 7/7 nous disons 3 choses :
1° nous posons un acte de protestation face à l’idolâtrie du travail et à la logique du tout-économique. Or le propre du sabbat c’est d’être un temps où rien de mesurable n’est accompli. Et selon les standards du monde moderne c’est inefficace, inutile et improductif. Aristote voyait le repos comme un besoin mais dans une perspective de rentabilité. Or justement Dieu veut nous libérer du devoir d’efficacité. Le sabbat ne sert pas uniquement à reprendre des forces. Ce jour a une valeur en tant que tel. Le sabbat appartient au domaine de l’offrande, du don, de la gratuité. Il nous rappelle que le but de l’humain n’est pas de produire tout le temps, de gagner et de dépenser de l’argent mais de vivre. Dans le sabbat nous ne sommes plus dans le faire mais dans l’être.
La 2° chose qui découle de cela : le sabbat nous rappelle que nous n’avons donc rien à prouver. Notre valeur et notre dignité ne résident pas dans ce que nous possédons ni dans ce que nous faisons. L’Homme ne se réduit pas à son activité et il ne sera jamais seulement un ouvrier ou un professeur mais avant tout un être unique et l’image de Dieu. L’humain est digne de considération même lorsqu’il ne travaille pas et qu’il ne produit rien. Notre valeur est donnée par Dieu. Nous sommes aimés pour qui nous sommes, inconditionnellement en dehors de nos qualités, succès, compétences parce que nous sommes ses enfants.
3° Si le repos est lié au récit de la création c’est pour nous rappeler que se reposer, prendre un temps durant lequel on ne produit pas, c’est s’arrêter pour recevoir le monde comme un don de Dieu, un monde que nous n’avons pas formé nous-mêmes mais dont nous jouissons. Comprenons que ce monde ne s’arrête pas quand nous arrêtons de travailler ! Son existence et son maintien nous sont offerts en présents, par grâce. Accepter de s’arrêter, c’est reconnaitre que Dieu règne, il œuvre et se débrouille très bien pour gérer le monde et celui-ci continuera de fonctionner et ne s’effondrera pas même si nous cessons nos activités ! Le sabbat est donc une invitation à rester tranquille, à faire confiance et d’arrêter de nous inquiéter au sujet du lendemain. Dieu pourvoit et prend soin de nous quand nous lui obéissons en nous arrêtant pour respecter le sabbat !
Illustration : Au dix-neuvième siècle 2 caravanes sont parties le même jour de la côte est des États-Unis pour rejoindre le Pacifique. La première caravane a décidé de s’arrêter un jour par semaine pour se reposer alors que la 2nde qui voulait arriver le plus vite possible a décidé de ne pas s’arrêter. Au bout d’une semaine la 2nde caravane avait un jour d’avance sur la première, une semaine plus tard son avance était de 2 jours puis elle a culminé à 3 jours les 2 semaines qui ont suivi. À partir de la semaine d’après l’avance a commencé à décroître. Au bout de 8 semaines de marche la première caravane a doublé celle qui ne s’était jamais arrêtée. Elle ne se sont plus revues.
2. Quelques principes du sabbat
Le sabbat sert à ralentir et à nous mettre au rythme de Dieu et lorsque nous sommes plus occupés que Dieu nous le demande nous nous faisons violence. Et cela rend plus difficile la capacité d’aimer les autres. Thomas Merton écrit (je cite) : « Il existe une forme subtile de violence contemporaine : l’activisme et le surmenage. La précipitation et la tension de la vie moderne sont la forme peut-être la plus commune de sa violence intérieure. Se laisser emporter par une multitude d’intérêts contradictoires, se laisser submergé par trop d’exigences, s’adonner à trop de projets, vouloir aider tout le monde pour tout, c’est se laisser vaincre par la violence. La frénésie de l’activiste détruit la racine de sagesse intérieure qui rend ces efforts efficaces. » (fin de citation)
Un jour avec et pour Dieu : Interrompre notre activité c’est nous resituer par rapport au fondement de notre existence. Or le sabbat réaffirme que Dieu est le centre, le commencement et la source de toute vie. Oui, ce jour mis à part est une façon de nous souvenir que nous avons été créés pour être avec Dieu. Le sabbat est toujours consacré au seigneur. C’est donc un temps pour réfléchir à l’amour de Dieu, le louer, écouter sa parole, être en silence devant lui. Le sabbat est un avant-goût de la glorieuse fête éternelle qui nous attend dans le ciel où nous goûterons à la grandeur, la beauté et la gloire de Dieu. Tout sabbat implique de garder Dieu au centre de celui-ci.
A l’écourte de la Parole. Comme nous avons été créés à son image nous trouvons en lui un interlocuteur et le 7éme jour est le temps privilégié du dialogue entre l’homme et Dieu. Pendant la création Dieu a mis de l’ordre dans le chaos par la parole. Le sabbat sert donc à se mettre à l’écoute de cette parole qui met de l’ordre dans l’informe, du sens dans l’absurde, qui accueille notre être et comble notre solitude. En faisant halte nous pouvons examiner notre semaine et relire notre histoire.
Pour le dire autrement le sabbat est une prise de distance par rapport à l’agitation du quotidien pour regarder, écouter, se souvenir. Prendre de la distance par rapport à sa vie, son agitation, son travail et ses occupations pour les féconder et leur donner du sens. A mettre de la réflexion dans son action et son comportement. Tout comme un enfant a besoin de repères pour mesurer sa croissance à l’aide d’une toise le sabbat est une toise qui permet à chacun de mesurer la croissance de son être.
Se reposer. Mettre une journée à part pour se reposer n’est pas un luxe/option mais essentiel à notre vie de disciple. Se reposer c’est respecter notre humanité et l’image de Dieu en nous. Nous pouvons accomplir tout ce qui nous fait plaisir et nous régénère et privilégier tout ce qui garde notre esprit hors de la pensée même du travail (éviter tout ce qui pourrait nous remettre en condition de travail = personnes, PC, natel). Ce n’est pas non plus un temps pour organiser notre semaine, nettoyer la maison, et accomplir toutes tâches qui prennent de l’énergie et causent du souci. Mais c’est un temps pour fréquenter d’autres personnes, faire une sieste, de l’exercice, lire, regarder un film, jouer, etc.
Il vit que c’était très bon… en hébreu la phrase communique un sens de joie, d’émerveillement, de jeu. À l’occasion du sabbat nous pouvons prendre le temps de regarder, observer, contempler, apprécier et trouver du plaisir dans la création. Ralentir pour prêter davantage attention aux gens et nous réjouir à leur sujet. Il s’agit d’aller plus lentement pour pouvoir apprécier ce qui nous entoure et des personnes que nous croisons.
Jésus a dit que nous ne sommes pas au service du sabbat mais que le sabbat est à notre service ! C’est un cadeau de Dieu. Peut-être que tu ne peux pas faire autrement que travailler le dimanche. Ce n’est pas un problème. Ne tombons pas dans le légalisme. La clé consiste donc à trouver un rythme régulier pour respecter le sabbat tous les 7 jours. Cela requiert peut-être des changements dans nos habitudes. Cela doit d’abord être un jour sans obligations. Un jour pendant lequel nous cherchons à remplacer les choses suivantes par le repos : travail ; épuisement physique ; précipitation ; tâches multiples ; compétitivité ; souci ; prise de décision ; course à faire ; technologies (ordinateur et réseaux sociaux). On ne peut pas tout faire en même temps mais choisir 1-2 de ces choses à mesure que nous développons notre mise en pratique du sabbat
Conclusion : Le sabbat n’est pas qu’une simple pause dans le travail où on récupère physiquement mais une pratique spirituelle profonde qui touche à notre relation avec Dieu, notre conception du temps, notre rapport au travail et notre compréhension de la vie humaine.
S’arrêter est une façon de confesser que l’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole qui sortira de la bouche de Dieu. Six jours pour s’occuper du pain et un jour pour se nourrir de la parole. En s’arrêtant le 7e jour l’humain pose un acte qui affirme ce qu’il confesse. Il manifeste la réalité de sa liberté. Nous pouvons dire que nous sommes libres et non pas esclave de notre travail seulement si nous nous arrêtons régulièrement. Si ce n’est pas le cas notre discours est contradictoire.
Pascal disait : « j’ai découvert que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre ». Nous aurons sans cesse quelque chose à faire ou à finir. Nous mourrons avec des projets inachevés ! Mais nous devons accepter nos limites. Dieu est Dieu et je reste sa créature. N’attendons pas d’être malade pour nous forcer au repos. Le sabbat est un pilier de la foi et de la liberté. C’est la raison pour laquelle les juifs en ont fait un signe le plus manifeste de la fidélité de Dieu. En 2025 puissions-nous vivre des sabbats qui soient des signes de son amour et de sa fidélité.
[1] Midrash : le 7e jour a été créé « la tranquillité ; la sérénité la paix et le repos ».