Prédication sur Luc 24,13-48.

Jésus ressuscité ne veut pas que nos crises existentielles se transforment en catastrophe.

Chers amis en Christ,

Ne vous est-il jamais arrivé de vivre des événements qui ont secoué votre train-train, qui ont remis en question la normalité de votre existence et suite auxquels vous vous êtes dit : Il faut que quelque chose change dans ma vie. Nous vivons parfois des situations qui remettent en question le cours tranquille de notre vie, qui nous font réfléchir et nous amènent à envisager des changements. On se dit que ça ne peut pas continuer comme avant. Pourtant, vous aurez peut-être fait le constat que les changements envisagés ne se sont pas concrétisés. Ça ne peut pas continuer comme avant : on entend ça souvent dans cette crise du coronavirus.
La journaliste français et essayiste Edwy Plenel[1] dit que la catastrophe ne réside pas dans les événements qui nous secouent, mais dans le fait qu’après, tout continue comme avant.

Dans le récit biblique de Luc 24, les disciples vivent une crise existentielle: la mort de Jésus, puis sa résurrection. Pour eux aussi, la question se pose: retourner à leur vie d’avant ou non ?… Qu’ont-ils à nous dire ? Je discerne 3 éléments qui font avancer les disciples et qui peuvent nous faire avancer nous aussi dans nos crises.

Tout d’abord il y a le passage de ma crise dans la crise à la crise elle-même. Comment cela se fait-il ?
Les disciples d’Emmaüs en sont restés à la mort de Jésus. Ça les trouble. Ils ne comprennent pas. Ils avaient mis tout leur espoir en Jésus. Ils avaient investi leur vie sur Jésus. Ils avaient des projets pour Jésus. C’était clair pour eux : Jésus était le Sauveur. Tout ce qu’ils ont projetés sur Jésus s’est écroulé à sa mort. Jésus n’a pas correspondu à leurs espérances. Quand bien même ils ont pris le chemin de la déception et du découragement, ils reparlent ensemble des événements et essaient de comprendre l’incompréhensible. Besoin de parler, de mettre des mots sur ce qui est crise pour nous.
Puis, la rencontre avec ce Jésus qu’ils ne parviennent pas à reconnaître, le fait de lui raconter encore une fois leur déception, amorce une ouverture qui conduit à un changement, pour que la catastrophe ne soit pas catastrophe.
En effet, les disciples vont découvrir, comme disait quelqu’un[2], qu’ils  se sont laissés guidés par leurs propres espoirs, ils se sont laissés prendre par leurs propres projets, ils ont construit l’histoire à partir d’eux-mêmes. Raconter à cet inconnu, à ce Jésus qu’ils ne reconnaissent pas, leur permet de s’ouvrir à un autre regard sur leur vécu. Nous tourner vers Christ Jésus dans la prière pour lui parler de nos crises, de nos épreuves, et lui demander de nous donner son regard à Lui va nous décentrer de nous-mêmes. Nous remarquons ici 2 choses : Jésus n’est pas reconnaissable, il est un compagnon qui les rejoint sur leur chemin – comme nous aussi sommes environnés de compagnons de route, d’amis dans la foi, etc ; puis, Jésus éclaire avec l’Ecriture, c’est-à-dire la Bible le sens de ce qu’ils ont vécu – d’où pour nous la nécessité de fréquenter notre Bible. Voilà pour le 1er élément : demander au Seigneur son éclairage. Mais j’ajoute une chose essentielle dans ce cheminement : suis-je prêt à laisser le Seigneur utiliser un inconnu ou une personne que je ne crédite pas d’expertise pour illuminer mon regard ? Suis-je disposé à convertir mon regard ? Voilà qui permet de débuter une sortie de ma crise dans la crise pour la crise elle-même.

Deuxièmement, ce que j’appellerais le passage à l’aspect libérateur de la crise.
Les disciples d’Emmaüs vivent un retournement complet au moment où Jésus leur partage le pain, comme il l’a fait lors de son dernier repas, avant son arrestation, au moment de Pessah, la fête de la Pâque juive commémorant et actualisant le passage de la servitude en Egypte à la liberté.
Au moment où Jésus leur partage le pain, c’est comme si les disciples percutaient – comme on dit. C’est à ce moment-là que l’œuvre de Jésus descend en eux, dans leur profondeur et opère un changement, un retournement, une conversion, qui fait que plus rien ne sera comme avant. Ils découvrent qu’ils ne sont pas les jouets des circonstances. Ils découvrent qu’ils n’ont pas à subir les circonstances en se morfondant sur leurs espoirs déçus. Jésus va même leur dire et à travers eux nous dire à nous que nous devons vivre une conversion et un pardon de notre péché. Péché en grec et en hébreu signifie rater la cible, se tromper de cible. Ce n’est pas une question de moralité, mais une question d’orientation de vie. Pardon signifie littéralement se détacher de, en grec. Une conversion qui change l’orientation, la direction de notre vie, qui me fait lâcher une manière de voir pour une autre manière de voir, qui me fait passer d’une manière d’être à une autre manière d’être, d’un mode de vie à un autre. 

Face aux crises ou épreuves qui remettent en question le cours tranquille ou normale de notre existence et qui nous interrogent sur l’orientation de notre vie, Jésus nous appelle à faire un passage qui relève d’une conversion : passer d’une ancienne manière de fonctionner à une nouvelle. Toute crise ne nous interroge pas forcément sur l’orientation de notre vie – il faut aussi le dire.

Pour les 2 disciples d’Emmaüs c’est un passage de la plainte et du statut de victime des circonstances à une reprise en main de leur vie. Parce que Jésus a vaincu la mort, l’horizon de nouveaux possibles s’ouvrent devant eux. Il faut qu’ils le racontent à leurs amis et ils repartent illico presto à Jérusalem.
Passage d’un passé qui m’enferme à un présent qui me libère pour d’autres chemins.
Passage de la servitude à la liberté. De la servitude à l’égard de mes espoirs déçus, de mes projets brisés, de mes peurs paralysantes à la liberté pour d’autres espoirs, d’autres projets, une confiance nouvelle et renforcée. Parce que rien ne peut arrêter l’amour de Dieu pour nous. Ce qui ne veut pas dire absence de difficulté.
Nos crises peuvent nous révéler nos servitudes, nos dépendances mal placées, nos idoles c’est-à-dire ces valeurs érigées en absolu qui ont fini par nous conduire dans des chemins destructeurs et mortifère.
Peut-être que nos crises et épreuves nous feront passer d’une conception de dieu à une autre conception de Dieu. D’un dieu bonbon, magicien et arrangeur de situation, au Dieu révélé en Jésus Ressuscité, ce Dieu qui relève ma liberté et m’y accompagne, qui m’entoure dans mes épreuves et m’y portent, et m’y donne la force d’avancer vers la lumière, qui renouvelle ma confiance quand tout me porterait à désespérer.

Soumettre nos crises et nos épreuves à Christ Jésus Ressuscité, les placer sous son regard pourrait être libérateur…  Tu croyais que tout était terminé, que c’était la fin de tout, alors qu’il y a un commencement qui t’échappe encore… Alors si nécessaire, dis : Seigneur, nous avons un problème… Avec son regard sur ta situation, avec ta confiance, tu pourras plus tard dire : nous avons eu la solution. We’ve got a problem and we’ve got the outcome of the problem.

Et je finirai par-là : Jésus termine sa rencontre avec ses disciples tout surpris et tout retournés en les bénissant. Jésus te bénit. Il nous bénit dans ces passages, ces conversions ou reconversions qui nous attendent. Il te bénit, Il est avec toi, Il est celui qui ouvre un chemin de vie devant toi. Il est celui qui t’aide à retrouver tes marques sur ce chemin nouveau. Il te bénit et plus d’une fois il se tiendra sur ta route sous les traits d’une personne que tu connais ou que tu ne connais pas.
Amen.

Questions à travailler pour soi :

  • si tu traverses une crise, une épreuve, un deuil quel qu’ils soient, as-tu l’occasion d’en parler, et si oui quel regard ceux ou celles à qui tu en parles portent-ils/elles sur ce que tu racontes ?
  • as-tu pris le temps d’en parler à Christ Jésus dans ta prière ? Puis-je te suggérer, si tu n’es pas un lecteur assidu de la Bible, de dire ta douleur à Jésus et ensuite de lire un passage dans le livre des Psaumes ?
  • Jésus est mort et ressuscité pour nous libérer de nos fausses routes, ce qui demande de notre part une conversion / un changement de regard. La crise ou les crises que tu traverses… A quelle liberté t’appellent-elles ? A quel passage t’appellent-elles ? Te révéleraient-elles un asservissement à quelque chose ?

Ne soyons pas comment les humains dans le livre de l’Apocalypse[3] qui refusent de se repentir, de se convertir face aux différentes crises qu’ils traversent (guerre, famine, épidémie, réchauffement climatique extrême, asservissement au monde l’économie, etc.)

 

Quelques textes issus de la liturgie de ce 26 avril.

Prière de louange

Seigneur, combien de fois dans nos vies écartelées,
Nous ne savons plus par où passer!
Quel choix faire ? Quelle décision prendre ?
Quel chemin emprunter ?
Comment traverser l’épreuve, le conflit, la maladie, l’échec ?
Tu me redis que, par toi,
Je peux faire tous les passages
Quotidiens ou inattendus.

Tu es la porte de la vie !

Par toi, toutes les habitudes, rencontres,
Événements, prennent sens.
En plus, tu me confies le cadeau
De la liberté entière :
Aller et venir :
Entrer pour retrouver la source intérieure,
Pour veiller et discerner.
Sortir pour le grand large,
Pour l’ouverture au monde et aux autres,
Qui rend joyeux et libre, dans la paix de Dieu.

Jésus, tu es la porte de ma vie !

Auteur : Alberte Delisle

Confession de foi

Seigneur, merci d’être attentif à tout ce dont j’ai besoin et à tout ce qui m’arrive. Je sais que tu m’aimes et que tu veux le meilleur pour moi.

Je sens que ton amour immense m’accompagne et me fait grandir. C’est pourquoi aujourd’hui je te remercie pour tout ce que tu fais dans ma vie.

Je veux commencer chaque journée avec courage en étant convaincu que ton pouvoir et ta miséricorde viennent sur moi, et recevoir avec joie et gratitude cette bénédiction.

J’ai pleinement confiance en ta grande bonté et sais que tu ne m’abandonnes jamais.

Aujourd’hui, je veux et peux dire avec confiance : « Je n’abandonnerai pas car le Seigneur est avec moi, bien que je ne le voie pas et parfois même ne le sente pas.»

Je sais que tu es avec moi pour m’aider à faire face à toutes les situations. Même si je dois affronter de nombreux tourments, tu es capable de m’apporter la paix. Oui j’ai confiance en toi car l’amour que tu me portes est plus fort que tout.

Donne-moi un peu de ta force pour que je puisse cheminer avec confiance et établir une relation de paix et de sérénité avec mes proches.

Je me réfugie derrière tes paroles bénies et salvatrices : « Comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint ! » (Psaume 102, 13)

Publiée par Aleteia le 4 mai 2017

Envoi

Si tu es las et que la route te paraît longue,
si tu t’aperçois que tu t’es trompé de chemin,
ne te laisse pas couler au fil des jours et du temps,
…recommence.

Si ta vie te semble trop absurde,
si tu es déçu par trop de choses et de gens,
ne cherche pas à comprendre pourquoi,
…recommence.

Si tu as essayé d’aimer et d’être utile,
si tu as connu ta pauvreté et tes limites,
ne laisse pas là une tâche à moitié faite,
…recommence.

Si les autres te regardent avec reproche,
s’ils sont déçus par toi, irrités,
ne te révolte pas, ne leur demande rien,
…recommence.

Car l’arbre rebourgeonne en oubliant l’hiver,
le rameau fleurit sans demander pourquoi,
l’oiseau fait son nid sans songer à l’automne,
car la vie est espoir et recommencement.                

anonyme

[1] Interviewé sur France Inter, le 2 mars 2019, dans Le grand face à face.

[2] Simon Decloux, L’Esprit Saint viendra sur toi – Retraite de 8 jours à l’écoute de saint Luc, éd. Fidélité, Namur, 2002.

[3] Ap 9:20  Les autres hommes, qui ne furent pas tués par ces fléaux, ne se repentirent pas des oeuvres de leurs mains ; ils ne cessèrent pas d’adorer les démons et les idoles d’or, d’argent, de bronze, de pierre et de bois, qui ne peuvent ni voir ni entendre ni marcher ;
Ap9:21  ils ne se repentirent pas de leurs meurtres, ni de leurs sortilèges, ni de leur inconduite, ni de leurs vols.
Ap 16:9  et les hommes furent brûlés par une chaleur torride. Ils blasphémèrent le nom du Dieu qui a l’autorité sur ces plaies, et ils ne se repentirent pas pour lui rendre gloire.
Ap 16:11  et ils blasphémèrent le Dieu du ciel, à cause de leurs douleurs et de leurs ulcères, mais ils ne se repentirent pas de leurs oeuvres.