Prédication sur Ex 1,13-17/22 – 2,11 / Mt 7,11 / Ps 103,13-18.

Faire confiance au Seigneur et laisser l’autre suivre son chemin.

Une question que sans doute beaucoup de parents se posent en regardant leurs enfants, c’est : que deviendra-t-il, que deviendra-t-elle ? Et en temps de crise, cette question est plus sensible. Il y a fort à parier que les parents de Moïse se sont poser cette question comme esclaves, face à l’ordre donné par Pharaon de faire mourir les petits garçons venant au monde parmi les Hébreux. Ce souci ne fait pas forcément l’objet d’une discussion explicite quand l’enfant est petit et que tout se passe bien. Mais cette question nous habite bel et bien face à nos enfants dès leurs 1ers mois de vie et le baptême se présente parfois comme une réponse : nous voulons confier notre enfant à la bonne garde du Seigneur.

On pourrait d’ailleurs y voir un parallèle quand la mère de Moïse dépose son petit dans la corbeille sur le Nil.

Que deviendra notre enfant ? Que deviendront nos petits enfants dans ce monde qui évolue si vite et pas toujours dans le bon sens ?

Arrêtons-nous sur ce récit qui relate la 1ère partie de la vie de Moïse pour voir ce que nous pouvons en tirer.

La 1ère chose que nous observons c’est que sa mère renonce à l’illusion de pouvoir contrôler la vie de son enfant. Elle renonce à l’idée que tout dépend d’elle, que la destinée de son enfant dépend d’elle. Elle prend soin de son enfant, mais en abandonnant sa destinée entre les mains de Dieu. En effet, alors que le pharaon demande que les petits garçons israélites soient jetés au Nil, sa mère confectionne une corbeille de jonc et le mot utilisé est le même mot que celui utilisé pour l’arche de Noé. Cela signifie que sa mère prépare la corbeille en pensant à Noé, avec cette confiance que son enfant sera sauvé de la mort. Il y a un acte de confiance et d’espérance qui est posé. Elle laisse entre les mains de Dieu ce qui ne dépend pas d’elle, ce qui ne dépend plus d’elle. Elle laisse son enfant aller et le retrouve ensuite : la fille de pharaon adopte le petit et le confie, sans le savoir, à sa vraie mère pour qu’elle soit sa nourrice, c’est-à-dire pour qu’elle l’allaite jusqu’à son sevrage.

Confier son enfant au soin de Dieu c’est souvent ce qui conduit des parents à baptiser leur enfant.

La maman de Moïse va plus loin : elle abandonne la vie de son enfant entre les mains de Dieu. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’elle renonce aussi à dire à Dieu comment il doit faire et ce qu’il doit faire. Par contre, elle a pris la responsabilité de faire la corbeille en pensant à l’arche de Noé. Elle a fait une démarche de confiance, de foi. Ce n’est pas juste : adviendra que pourra

Ensuite, quand elle retrouve son enfant avec la mission de l’allaiter, les mères le savent, cet allaitement crée un lien fort entre l’enfant et sa mère, et la maman de Moïse va vivre ce temps privilégié en sachant qu’elle devra redonner le petit à la fille de Pharaon, qui fera ensuite son éducation culturelle, religieuse, politique, académique, militaire et princière. Mais elle accepte ce mandat. J’y reviendrai dans un instant. Je m’occupe de mon petit, mais je sais que sa destinée ne m’appartient pas.

Et cette démarche m’amène au 2e point.

Que deviendra mon enfant dans ce monde? Que deviendra-t-il plus tard?

Si cette question me rappelle qu’il n’est pas en mon pouvoir de contrôler sa destinée, elle me rappelle aussi que j’ai une responsabilité. Celle de l’élever, de l’éduquer, de lui transmettre ce que je crois être important pour qu’il ou elle puisse voler de ses propres ailes.

La maman de Moïse lui transmet quelque chose de très profond : son identité d’Israélite, son appartenance au peuple du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Cette identité qui va sommeiller en lui durant toute sa formation princière avant de se réveiller quand il arrive à ses 40 ans. Le temps qu’il passe avec sa maman-nourrice est assez long pour qu’il sache quelle est sa véritable origine.

La démarche de la maman de Moïse n’est pas sans lien avec la démarche de parents demandant le baptême : nous confions notre enfant au Seigneur, mais nous prenons la responsabilité de lui communiquer sa véritable identité : Dieu l’invite à entrer dans une relation enfant-papa avec lui, il l’invite à découvrir son amour, tout cet amour montré en Jésus ; il l’invite à découvrir la confiance qu’il/elle peut vivre avec Jésus, sa présence réelle auprès d’elle, auprès de lui.

Vous le ferez, Manuela et Olivier, en priant Jésus avec Léonor, en lui racontant les histoires bibliques, en allant à la découverte de ce chemin avec elle. Faisant cela, vous sèmerez dans la vie de Léonor une semence qui saura la nourrir et le porter en temps de crise.

J’en viens au 3e point qui s’adresse à nous tous. Dans ce récit, il y a un mouvement, une dynamique : la maman prend soin de son fils, le laisse aller dans sa corbeille, le retrouve pour le nourrir et le laisser partir à nouveau.

Nous sommes appelés à prendre soin les uns des autres sans vouloir les dominer, ni les contrôler ; sans vouloir dire à Dieu ce qu’il ose ou n’ose pas faire ; sans vouloir déterminer le futur de l’autre. Nous sommes appelés à prendre soin de nos enfants par exemple, de les élever, de les préparer à la vie, en les confiant au Seigneur et en faisant confiance ensuite, confiance à eux, confiance au Seigneur. Il en va de même avec nos vieux parents quand ils commencent à dépendre de nous. Ou avec nos proches. Dans l’Eglise aussi.

Certains parents chrétiens ont du souci quant au salut de leurs enfants. Fais confiance. L’histoire de Moïse nous révèle à quel point Dieu est maître de la situation. Moïse, certes, a reçu les valeurs fondamentales de sa maman dans les 1ères années de sa vie, mais la plus grande partie de sa formation d’humain, il l’a reçue de pharaon, dans le système égyptien, dans la religion égyptienne, avec les valeurs et références égyptiennes, en vue de devenir un roi-dictateur. Et pourtant… à 40 ans… il se souvient qu’il n’est pas égyptien. Et mieux encore, toute la formation royale reçue, il va l’utiliser pour servir le Seigneur en devenant le libérateur de son peuple.

Il y a parfois des détours qui nous semblent incompréhensible, mais Dieu est au commande, il garde la maîtrise. Faisons juste notre part d’aimer l’autre et Dieu fera la sienne.

Vouloir contrôler la destinée d’autrui, cet autrui fut-il notre enfant, c’est vouloir jouer à être Dieu. Vouloir être comme Dieu c’est le péché de base, le péché d’arrogance. Dieu sait s’occuper bien mieux que nous de la destinée de nos enfants ou de nos proches.

Jésus le Seigneur lui-même a toujours refusé de vouloir dominer ou contrôler autrui : il guérissait des gens et les renvoyait chez eux, les disciples qui voulaient le quitter, ils les laissaient faire ; ceux qui allaient le renier ou le trahir, ils les avertissaient sans menace et sans intimidation, pour leur rendre service.

Je laisse la conclusion au psalmiste :

15 La vie de l’homme fait penser à l’herbe : comme l’herbe des champs, qui commence à fleurir 16 mais périt dès que passe le vent brûlant, la voilà disparue sans laisser de trace. 17 Mais la bonté du Seigneur pour ses fidèles dure depuis toujours et durera toujours. Et sa loyauté reste acquise aux enfants de leurs enfants (Ps 103).

Amen.