Prédication sur Luc 22,13-20 et 1Co 10,16bfc
La Cène : actualisation de Jésus donnant sa vie pour notre salut, à recevoir par la foi.
Bien-aimés du Christ,
Je débute ce matin une série de 3 messages sur le thème de la Ste Cène. Un paroissien m’a demandé au début de l’année de parler de ce sujet. Le sujet est aussi revenu en Assemblée de paroisse. D’ailleurs j’en profite pour vous dire : n’hésitez pas à proposer des sujets.
La Ste Cène, c’est l’une des 2 célébrations que Jésus nous a demandé de perpétuer, avec le baptême[1].
Avant de débuter, j’aimerais me joindre à Calvin qui disait ceci au sujet de la Ste Cène : Il est difficile d’exprimer par des paroles un mystère si grand, dont j’admets que la compréhension dépasse les limites de mon esprit. Je le reconnais volontiers afin que personne ne mesure la grandeur de ce mystère en s’appuyant sur mes paroles qui sont totalement insuffisantes. J’encourage plutôt les auditeurs à s’efforcer de monter plus haut que je ne peux les conduire[2]. Cela dit, ce matin, je vous propose une réflexion très personnelle, issue d’une intuition qui m’habite depuis quelques années déjà, mais sans prétention.
Les 3 évangiles synoptiques nous disent clairement que Jésus a institué la Ste Cène lors du repas de la Paque juive, de Pessah, cette fête où les Juifs célèbrent leur délivrance de la servitude égyptienne et où ils insistent sur l’actualité de cette libération qui est pour eux au présent, pas juste pour leurs ancêtres. Ils actualisent cette délivrance.
Nous, on redit ces paroles : ceci est mon corps donné pour vous, en grec en votre faveur ou par amour pour vous[3]. Jésus dit ailleurs : je donne ma vie en rançon pour vous[4]. Jésus nous dit de nous souvenir qu’il a donné sa vie pour nous ici présents, à chaque fois que nous célébrons la Ste Cène. A chaque fois que nous recevons le pain et le vin, nous recevons les signes de la vie de Jésus donnée pour nous. Nous ne répétons pas le sacrifice de Jésus, nous l’actualisons.
En théologie réformée, on dit que la Cène est un mémorial, un lieu de souvenir. As-tu déjà visité un mémorial ? Il y a le mémorial de Caen qui célèbre le débarquement du 6 juin, pas juste pour le passé, mais pour encourager à la paix aujourd’hui[5]. Le mémorial de la shoah à Berlin a aussi pour fonction de nous renvoyer à aujourd’hui. Celui de Hiroshima commémorant la tragédie du 1er bombardement atomique de l’histoire. Un mémorial nous rappelle un événement passé pour qu’on en tire des leçons pour aujourd’hui.
Parce qu’elle est part d’un repas de Pessah, la Paque juive, la Cène me rappelle que Jésus est venu pour nous accorder une délivrance, une libération. A toi, à moi aujourd’hui, aussi. Et c’est ici que j’aimerais m’arrêter un instant.
Je viens à la Cène me souvenant de ce que Jésus a fait. Qu’a-t-il fait? Regardons d’abord ce qu’il a fait durant ces 3 ans de ministères. Jésus a mené une grande opération de libération par son ministère.
– L’accent principal de son ministère fut de guérir les malades. Il a libéré de nombreux malades de leur infirmité. Pas juste pour le plaisir de les soulager de leur infirmité. Il l’a fait pour briser la malédiction liée à la maladie – on pensait que les malades payaient pour un péché. Imagine comment le paralytique reçoit sa guérison quand Jésus le déclare pardonné. Imagine comment il redécouvre sa vraie valeur aux yeux du Seigneur son Créateur, libéré de la malédiction dont on l’a affublé. Ces malédictions qu’on pose encore aujourd’hui sur des malades lorsqu’on dit ou pense : s’il est malade c’est qu’il a un pardon non-accordé, c’est qu’il n’est pas à sa place, c’est que….
A la Cène, nous nous souvenons que Jésus a brisé les malédictions qu’on a fait peser sur nous. Comme ces paroles ou attitudes méchantes qu’un parent a eu avec à son enfant et qui produisent un effet délétère dans sa vie. Nous sommes peut-être cet enfant.
Jésus a guéri des malades pour briser le cycle d’exclusion dans lequel la maladie plongeait le malade. Imagine la femme souffrant d’hémorragie qui décident de sortir de son ghetto, de braver les interdits pour s’approcher de Jésus et le toucher pour être guérie. Quand je viens à la Cène, est-ce que je m’approche de Jésus avec la même foi ?
A la Cène, Jésus me rappelle qu’il m’intègre dans sa famille et que sa famille, l’Eglise est appelée à être lieu d’intégration, et de consolation.
Jésus a guéri et libéré des hommes et femmes pour briser l’aliénation dans laquelle ils ont été ou se sont eux-mêmes enfermés. Parfois, on devient étranger à soi-même de par les circonstances. On ne sait plus qui on est. Imagine le possédé de Guedara qui ne sait plus qui il est et quand il voit Jésus, il s’imagine que c’en est encore un qui va lui faire du mal. Imagine cet homme confiné au cimetière et à la déraison… Imagine comment il a dû se sentir quand Jésus l’a délivré. Il s’est approché de Jésus même dans la crainte. Il a bravé sa crainte.
Jésus vient nous rendre à la liberté. Est-ce que je m’approche de la table de la Ste Cène avec cette foi que Jésus veut me libérer de mes aliénations, de ce qui me déshumanise, de ce qui fait que je ne sais parfois plus qui je suis moi-même, pour x raisons.
– Jésus est venu nous libérer par son amour et son pardon de nos culpabilités. Est-ce que je lui apporte mes culpabilités à la Cène ou est-ce que je continue à les trainer avec moi. Donne-les-lui. Il t’offre son pardon à la Cène. Il te le manifeste en disant : C’est ma vie donnée pour toi.
– Il est venu nous libérer de nos impuretés, ce qui nous collent à la peau, souvent à l’intérieur de nous-même, que les autres ne voient pas forcément. Comme il purifiait les lépreux. Encore fallait-il qu’ils bravent les cailloux qui volaient contre eux lorsqu’ils prenaient le chemin pour aller vers Jésus. Le désir de guérison et leur foi étaient plus forts que les cailloux. Allons-nous à Jésus avec cette même foi ?
Quand je vais à la Ste Cène, quand je la reçois, je manifeste que je crois que Jésus a donné sa vie pour moi une fois pour toute à la Croix. Je crois aussi qu’il est présent à ce moment particulier… qu’il se donne encore à moi… Parce qu’il nous veut libres, libérés, délivrés. Recevoir la Ste Cène c’est s’approprier, recevoir par la foi ce que Jésus a fait pour moi, ce qu’il veut encore faire pour moi : cette œuvre de salut, de guérison, de libération.
La Cène ne s’adresse pas d’abord à notre raison rationaliste : elle nous rappelle de façon non-intellectuelle, d’une manière qui s’adresse à notre cœur – pour ne pas dire à notre corps –, que Jésus a fait et veut faire une œuvre de guérison et de restauration dans nos vies. Qu’il est venu être Dieu avec nous, Dieu en nous, aujourd’hui. Un théologien a écrit ceci : Rappelons-nous que nous mangeons le pain et que nous ne nous contentons pas de le regarder. Nous ne le conservons pas et nous ne l’exposons pas. Nous le mangeons. Et la coupe ? Nous la buvons[6]. La Cène n’est pas un musée. C’est un mémorial qui change mon présent, qui façonne mon présent et mon avenir.
J’intègre ce que je crois, à la Cène. Je le reçois. Peut-être imparfaitement. Mais j’affirme le recevoir, l’accueillir dans ma vie, dans ma réalité de vie. C’est pour ça que l’Eglise réformée fribourgeoise dit que participer à la Cène est une façon de confesser notre foi en Jésus.
C’est ce qui fait dire aussi à Calvin qu’à la Sainte Cène, Jésus opère un échange admirable avec nous. Ce qui est sien, il nous le donne ; ce qui est nôtre il le fait sien. Je le cite[7] :
Dans sa bonté infinie,
- en recevant notre pauvreté, Jésus nous a transféré ses richesses ;
- en prenant notre faiblesse sur lui, il nous a fortifiés par sa puissance ;
- en assumant notre mortalité, il fait nôtre son immortalité ;
- en recevant le fardeau de nos péchés, il nous a donné sa justice ; (…)
- en se faisant fils d’homme, il a fait de nous des enfants de Dieu.
Calvin parle au passé ; moi, je crois que Jésus est le même hier, aujourd’hui et éternellement et donc qu’il me fortifie par sa présence, me guérit par son amour, me libère par son pardon, et fait de moi un enfant de Dieu.
C’est pour ça qu’en venant à la Ste Cène, je n’idolâtre pas le pain et le vin, mais je reçois la présence de Jésus qui s’est donné pour moi, pour transformer ma vie. Puisses-tu venir à la Cène en disant : – Seigneur, ce matin, j’ai besoin de toi. Viens nourrir ma vie. Viens verser en moi ta force, ta sagesse, la confiance dont j’ai besoin. Délivre-moi de mes tentations. Viens faire grandir en moi la conscience de la dignité que j’ai à tes yeux. Viens guérir mes pensées. Viens restaurer mon corps. Viens étendre ton règne en moi. Dispose-moi à recevoir ce qui est à toi, ce qui vient de toi. Que ce moment où je me souviens de ta vie donnée pour moi, soit aussi ce moment où je me souviens que tu m’as fait passer de mes ténèbres à ta lumière. Car à toi seul appartiennent le Règne, la Puissance et la Gloire. Amen.
[1] La Ste Cène a ceci de particulier qu’elle résume la vie de Jésus. C’est tout à fait paradoxal et scandaleux que ce soit le sujet de division entre les Eglises ; mais ce n’est pas étonnant que l’Ennemi l’utilise pour décrédibiliser l’Eglise. C’est face à la Cène que nous mesurons jusqu’où va notre engagement de disciple à la suite de Jésus. Va-t-on s’arrêter à des questions de mots ? Corps du Christ, sang du Christ ? Littéralement ou pas.
[2] Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne, livre IV, chap. XVII, éd. Kerygma, Aix-en-Provence, 2009, p. 1288.
[3] Préposition uper et pas juste un datif équivalent à un complément d’objet indirect.
[4] Matthieu 20:28 C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup.
Marc 10:45 Car le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup.
[5] Le Mémorial de Caen est un musée situé à Caen consacré à l’histoire du XXe siècle et à la paix, et labellisé « musée de France ». Il fait partie de l’International Network of Museums for Peace.
The International Network of Museums for Peace (INMP) is a global association that brings together museums, memorials, and organizations that foster peace, nonviolence, and reconciliation through education and cultural exchange. Founded in 1992, INMP:
promotes awareness of peace history, the human costs of war, and the importance of building peaceful societies
- connects institutions and individuals who share the mission of cultivating peace by preserving and presenting the histories and narratives of peace movements, peacebuilders, and the devastating impacts of conflict
- is a platform for collaboration, facilitating dialogue and cooperation between peace museums, researchers, educators, and the public
- organizes international conferences, workshops, and exhibitions; members share their projects, ideas, and resources, and inspire the development of new peace initiatives
- encourages the exchange of expertise and best practices in peace education, museum curation, and exhibition design, with a focus on promoting mutual understanding and tolerance
- Is a vital resource for people around the world committed to the cause of peace.
[6] Ernest Kevan, La Sainte Cène, Europresse, 2005, p.54.
[7] Jean Calvin, op. cit., p.1283.
