Lc 6,24-36 ; Rm 12,14 ss ; Pr 25,21 ;

Ce texte biblique me trotte dans la tête depuis un moment. De toutes les paroles de Jésus, ce sont celles qui créent en nous la plus grande réaction émotionnelle. Aimer mes ennemis ? Ça ne va pas la tête ? Faire du bien et prier pour ceux qui me font du mal ? Et puis quoi encore ? Ce commandement représente un vrai défi et est sans doute le plus difficile à mettre en pratique. Cela nous semble hors d’atteinte surtout dans un monde où détester ceux qui nous détestent et considéré comme normal ! Cela fait partie des paroles qu’on aurait aimé que Jésus ne dise jamais ! Mais si Jésus nous demande de le faire c’est que c’est possible, qu’il y a une raison et un moyen d’y parvenir.

  1. L’enjeu

Jésus parle de nos ennemis = ne sont pas censés être les nôtres. Nous ne devrions pas avoir d’ennemis. Jésus définit nos ennemis par leur attitude à notre égard. Ces personnes nous font du mal, nous détestent qu’elle qu’en soit la raison : peut-être parce que vous êtes chrétien et refusez de vivre selon les valeurs de ce monde (cf. Jésus ennemi des pharisiens). C’est une personne qui vous fait du mal gratuitement, profite d’une situation, vous harcèle ou répand des calomnies contre vous, vous persécute, ou pire commet des atrocités là où vous savez actuellement…

Obéir à Jésus n’est pas facile car naturellement nous aurions plutôt envie d’haïr nos ennemis, de les maudire, de nous venger, de leur faire du mal. Ou dans le meilleur des cas de les ignorer parce que notre orgueil est blessé… Mais ce n’est pas ce que demande Jésus ! Aucune de ces réactions n’est digne de celle d’un de ses disciples. Jésus nous appelle à un idéal plus grand, plus noble. On ne peut se dire disciple de Jésus et détester, maudire ou maltraiter les autres !

Cf. ce que j’ai vécu il y a quelques temps. J’en avais gros contre une personne qui profitait d’une situation et éprouvait ma patience. J’ai été littéralement attaqué par l’ennemi qui s’est servi de cette situation et je sentais comme une pression extérieure forte qui me poussait à maudire cette personne. J’ai véritablement dû prendre position dans la prière et répété à plusieurs reprises « non je ne maudirai pas, non je ne maudirai pas… ! ». Quelques instants mon cœur était de nouveau apaisé et je n’avais pas cédé… Ça, c’était la phase 1… Encore me fallait-il bénir cette personne et prier pour son bien. Et la phase 2 c’est le vrai défi du disciple !

En effet Jésus ne nous demande pas simplement de vivre sans détester ou maudire. Il ne s’agit pas simplement de ne pas faire aux autres ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse ! dit autrement : aimeriez-vous recevoir pour vous ce que vous désirez pour vos ennemis (malédictions…) ? Mais la règle d’or consiste bien de traiter autrui de la même façon dont vous voudriez être traité. Aimer ne signifie pas avoir de l’affection ou de bons sentiments pour ces personnes. Jésus utilise 3 verbes d’action qui demandent un effort conscient. Il s’agit d’être actif pour faire le bien, et désirer (dans la prière) que du bien leur soit fait.

Agir de la sorte implique que toute notre attitude ou toute réaction de notre part soit motivée par l’amour et que chacun recherche activement le bien de ceux qui sont mal disposés à notre égard. Jésus nous invite à un comportement radicalement différent de celui des pharisiens. En effet c’est facile d’aimer ceux qui nous aiment et ceux à qui nous faisons confiance. Mais Jésus va plus loin !

Jésus donne 3 exemples (tendre l’autre joue, donner sa chemise, donner son bien). Tendre l’autre joue ? Il ne s’agit pas de réclamer une 2ème baffe après la première. Cela signifie que nous ne voulons pas céder à la violence physique. En faisant ainsi nous montrons ainsi un autre visage à notre ennemi. Si je lui remets une baffe j’agis exactement comme lui. Je montre un visage identique au sien. J’entre ainsi dans le cercle infernal de la vengeance.

De même si je lui remets ma chemise en plus de mon vêtement, je manifeste une générosité scandaleuse qui peut aussi éveiller une réaction chez nos ennemis. Ce comportement inspiré par l’amour remettra en question, nous l’espérons, leur propre comportement. S’ils changent et parviennent à la repentance, tant mieux (2 P 3,9). Qui sait si notre comportement n’aidera pas qqun à venir à Christ ? Mais en rendant le mal pour le mal nous ne ferons qu’éloigner les gens de Christ. Comprenons que si nous haïssons nos ennemis en retour ils resteront toujours nos ennemis ! Abraham Lincoln a dit : « la meilleure façon de vous débarrasser de vos ennemis c’est de faire d’eux vos amis » !

ILLUSTRATION. En 1985 un chrétien pakistanais a été arrêté dans un aéroport après avoir été faussement accusé pour détention de drogue. Il s’est retrouvé dans la cellule du service des douanes avec celui même qui l’avait accusé. Alors qu’on lui amenait de la nourriture, il s’est rappelé du verset qui dit « si ton ennemi a faim donne-lui à manger ». L’homme est ensuite revenu sur ses accusations. Mais au jour du procès, le même homme l’a de nouveau accusé ! De retour en cellule il était décidé à ne plus partager sa nourriture mais il a senti Dieu lui dire : « je n’ai pas dit qu’il fallait donner à manger à ton ennemi seulement s’il disait la vérité » ! Il a quand même fini par être libéré.

Dans la Bible, David a eu 2 opportunités de tuer le roi Saül lequel cherchait à se débarrasser de David. Mais 2 fois David l’a épargné. Il lui a montré un autre visage. Saül a-t-il changé ? Non, c’est vrai… Mais David a fait ce qu’il avait à faire et il a confié sa cause au Seigneur. Si nos ennemis ne changent pas, nous remettons le dossier entre les mains du Seigneur. Nous croyons que Dieu est juste et nous avons confiance que Dieu saura juger de façon juste. Parce qu’il ne nous appartient pas de dire qui est bon ou mauvais ou de faire vengeance ou de punir. Dieu rétribuera chacun et fera justice. C’est notre espérance et l’objet de notre confiance.

  1. Pourquoi ? Nous sommes enfants du Père !

1/ Comme enfant de Dieu nous devrions refléter le caractère et le cœur du Père qui ne fait pas de différence entre vous et votre ennemi. Il est bon pour les méchants et les ingrats. Dieu est un Dieu de compassion et un disciple de Jésus veut agir avec la même compassion. Pourquoi une telle compassion ? Parce que Dieu a eu compassion de nous-mêmes ! Paul dit en Rm 5,10 : « nous étions encore les ennemis de Dieu mais il nous a réconciliés avec lui par la mort de son fils ». Bien qu’ennemis de Dieu, Jésus est mort par amour pour nous !  Si Dieu a eu compassion de moi, qui suis-je pour ne pas avoir compassion de mes ennemis ?  

2/ Quand on commence à aimer ses ennemis, une vraie transformation s’opère : pas tant chez notre ennemi mais d’abord en nous. Nous devenons de plus en plus à l’image de Jésus. Le disciple de Jésus ne souhaite plus le mal pour ses ennemis mais il espère son changement et que la bénédiction repose sur lui.

3/ L’amour des ennemis est une des meilleures façons de devenir « imitateur du Christ » (Eph 5,1). Oui nous sommes appelés à devenir comme Jésus et à vivre comme lui a vécu. Mais il ne s’agit pas simplement d’imiter Christ. En effet obéir à ce commandement est plus un appel à nous réjouir « d’être en Christ ». Comprenons bien : c’est parce que je suis uni à Jésus, que je demeure en Christ que je peux aimer comme lui. C’est sa vie en moi qui permet de vouloir et à rechercher le bien de mes ennemis.

4/ Nous aimons sans chercher à recevoir quoi que ce soit en retour. Mais nous vivons dans l’optique de cette récompense à venir. Nous vivons avec cette espérance de nous réjouir dans la présence de Dieu.

5/ Aimer, faire du bien, prier, bénir. C’est la meilleure assurance de ne pas tomber dans la rancune, l’amertume qui risque d’empoisonner notre cœur. Nous mettons et gaspillons bcp d’énergie émotionnelle à cultiver l’amertume, la colère envers ses personnes avec les conséquences que cela peut avoir.

*(Ce qui est dramatique dans ce qui se passe en Ukraine c’est que la violence exercée par l’armée russe risque de susciter pendant de nombreuses années de l’amertume et de la haine…)

  1. Comment y arriver ?

1/ Jésus a mis en pratique ce qu’il a enseigné. Il a été giflé mais il n’a pas riposté. Il a été dépouillé de tout et il n’a rien exigé en retour. Mais surtout sur la croix il a prononcé cette parole « pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Il n’a pas maudit : il a aimé de manière totale en donnant sa propre vie. Donc quand je bute sur ce verset difficile de l’Evangile, je veux simplement me rappeler et méditer qui est Jésus et ce qu’il a fait pour nous. Nous aimons nos ennemis parce que « alors nous étions encore pécheurs, christ est mort pour nous ». Dans sa grâce il nous a pardonné alors que nous l’avions trahi. Plus je médite et je suis conscient de sa compassion à mon égard, et plus cela disposera mon cœur à être dans la même compassion à l’égard de mes ennemis.

2/ par nous-mêmes et nos propres forces c’est impossible ! Nous devons être unis à Christ et laisser le Saint-Esprit travailler en nous afin que notre cœur s’aligne sur le sien. L’amour des ennemis est le moins naturel de toute autre forme d’amour. Cet amour ne se reçoit que par le pouvoir et l’action du Saint-Esprit en nous. Un des fruits de l’esprit c’est l’amour.

Conclusion : Quelqu’un a dit : « rendre le mal pour le bien est diabolique ; rendre le bien pour le bien c’est humain ; rendre le bien pour le mal c’est divin ». La demande de Jésus est folle aux yeux du monde ! Son commandement requiert une véritable conversion. Mais en aimant nos ennemis imaginez ce que nous transmettons comme valeurs et comme message. Cela peut ne pas être compris mais peu importe. Imaginez si tout chrétien agissait comme le demande Jésus. Le monde en serait transformé ! Ces paroles ont inspiré de grands apôtres de la non-violence comme Martin Luther King. Et cela se poursuit et peut se poursuivre avec nous.

Mais je termine en disant que l’enjeu c’est une question de confiance : ai-je suffisamment confiance en Dieu pour me soumettre à son enseignement avec toute la puissance de transformation qu’il contient ? Ou vais-je préférer de suivre mes propres voies ? Ai-je confiance qu’il est un Dieu de justice ? Que Dieu nous aide à vivre sa Parole pour être transformé en cette personne que Dieu désire que nous soyons : les fils et filles du Père ! Amen

Prière : Donne-nous un cœur assez large pour qu’en nous diminue la haine et croisse l’amour. Si ce que tu me demandes est folie pour le monde, c’est sagesse pour toi. Qu’inspirés par ton esprit je puisse montrer à mes ennemis un autre visage, ton visage ! Je serai ainsi témoin vivant de ton amour, un fou/folle pour certains, oui mais des fous d’amour, des hommes et des femmes libres de toute haine pour manifester ta sainteté et la présence de ton royaume au cœur de ce monde.

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