Prédication sur Daniel 1

Où et comment fixer une ligne rouge face à modernité ?

Bien-aimés du Christ Jésus,

Un paroissien me suggérait d’aborder le thème suivant : le chrétien et les défis de la modernité. Avant Noël, je relisais Daniel. S’il y a une figure biblique qui fut confrontée aux défis de la modernité de son temps, c’est bien lui. Je me demandais comment on pourrait qualifier Daniel. Ce qui m’est venu à l’esprit fut : Daniel un prophète au service du monde, au service de son temps. Daniel fut déporté de Jérusalem en Babylonie alors qu’il est enfant ou adolescent d’après le mot hébreu utilisé au verset 4. Il va ensuite servir 6 rois babyloniens[1] et un roi perse, de Nabuchodonosor à Cyrus, sur une période d’environ 80 ans. Lui le petit Hébreu, issu d’une famille noble de Jérusalem.

Je m’arrête un instant sur son contexte. Alors que Nabuchodonosor le roi de Babylone prend le contrôle de la Judée, et met en place à Jérusalem une administration royale à solde, Daniel fait partie de la 1ère vague de déportés du petit royaume de Juda vers Babylone la capitale du monde d’alors, la grande ville qui concentre tout le pouvoir politique, militaire, économique de l’époque. Babylone surpasse Jérusalem par sa grandeur et son architecture. Babylone concentre tout ce que l’Assyrie compte de divinités, parmi elle le grand Marduk qui conduit les armées babyloniennes de victoire en victoire, qui ont réduit même la puissante Egypte à néant. Daniel arrive dans un monde raffiné, sophistiqué et moderne. D’ailleurs à la fin de l’exile, nombre de juifs choisiront de ne pas rentrer en Judée.

Nabuchodonosor a pour stratégie d’intégrer dans son élite des jeunes vaincus pour les former à la pensée babylonienne et faire d’eux ceux qui exporteront le modèle babylonien dans les pays conquis. Stratégie à long terme. Il les prend jeunes pour leur inculquer les valeurs, le savoir et la vision du monde de Babylone.

Ce chapitre 1er de Daniel pose ce qui définira Daniel et ses 3 amis au long de leurs parcours de vie. Daniel et ses amis vont s’adapter mais fixer une ligne rouge à ne pas franchir, celle de ne pas manger ce qui vient de la table du roi. Apparemment pour le reste, Daniel s’adapte. On change son nom : Daniel, Dieu est mon juge devient Beltchatsar Bel protège sa vie. Bel est un dieu babylonien. Le but est de redéfinir la spiritualité des vaincus. Mais pour Daniel, les Babyloniens peuvent dire ce qu’ils veulent, cela ne va pas changer son identité. Il va apprendre les sciences, la façon de penser, la vision du monde babylonienne. Sans contester. Le plus surprenant c’est qu’il va apprendre les lettres, les livres et la langue des chaldéens. Ce petit détail n’est pas là par hasard. D’abord la langue courante en Babylone était l’araméen, et le livre de Daniel est dans cette langue. Le chaldéen était la langue des érudits, un langue très complexe et difficile, mais le mot chaldéen désigne aussi les sages, les prêtres, les mages. Daniel est donc introduit à la religion babylonienne, à l’art d’interpréter les rêves et peut-être aux principes divinatoires. J’avoue que j’ai été étonné par Daniel[2]. Il se fait à ce nouveau monde moderne pour lui ; lui et ses amis vont même exceller, se donner à fond pour être les meilleurs de leur promotion. Etre au top en science. Etre au top en littérature. Etre au top en communication. Et être au top dans la compréhension du surnaturel selon la méthode babylonienne. MAIS refuser de manger ce qui vient de la table du roi. Vous ne trouvez pas ça bizarre ? Daniel fait face à la modernité de son temps mais fait de ses repas une ligne rouge à ne pas franchir. 300 ans plus tard, Antiochus IV va s’acharner pour éradiquer le judaïsme de Judée et imposer l’hellénisme et sa tactique sera de mettre à mort ceux qui refuseront de manger du porc. Daniel inspirera le courage des résistants.

Le chrétien est appelé à relever les défis de la modernité mais sans y laisser son âme, sans s’y perdre. Daniel ne s’est pas retiré dans sa bulle, il n’a pas été un nein-sager, il n’a pas été un croyant timoré par la modernité et voyant le diable partout. Il a accompagné le monde. Il a fait partie des conseillers royaux. Mais il a refusé d’y laissé son âme. Il a refusé de renier sa foi en l’Eternel. Pour lui la limite est passée par le refus de manger de la table du roi. Pourquoi ?

En français, nous avons une expression : manger dans la main de quelqu’un, pour dire se soumettre à quelqu’un, y laisser sa dignité, se déclarer totalement dépendant et redevable de ce quelqu’un. Manger dans la main de, s’humilier dans le mauvais sens. Se dégrader. Nabuchodonosor faisait manger à sa table certains rois vaincus par lui, comme pour leur dire : je t’ai vaincu, tu es ici à ma table, à ma merci, ta vie est dans ma main, je tiens ta destinée dans ma main, tu me dois loyauté et soumission.

Daniel n’entre pas dans ce jeu. Oui, relever les défis de la modernité, de son temps, mais ne pas y soumettre son âme.

Tout ce que Daniel peut faire et qui ne le contamine pas à l’intérieur, pas de problème.

Daniel montrera une indépendance d’esprit à l’égard de ses différents maîtres refusant toujours de leur dire ce qu’ils ont envie d’entendre, restant critique face à leurs velléités totalitaires et arrogantes.

Quel est le secret de Daniel pour faire face à la modernité de son temps sans y laisser son âme ? Il a 4 secrets qui ressortent de son livre.

Le 1er : on le voit à peine, mais le texte dit que c’est le Seigneur qui a voulu la déportation, la venue de Daniel en Babylonie, c’est le Seigneur qui a permis que son temple soit détruit et que les ustensiles de son culte soit remis au service de Marduk le dieu babylonien. Par là, l’auteur nous montre que Dieu est au commande même quand tout laisse penser le contraire. Dieu, l’Eternel est le maître des événements. Dieu est souverain. Parce que Dieu est souverain, Daniel n’a pas peur de ce nouveau monde auquel il est confronté. Parce que Dieu tient ta vie dans sa main, tu n’as pas à craindre. Parce que Dieu tient l’histoire dans sa main, tu n’as pas à craindre. Aussi longtemps que tu choisis de confier ta vie dans la main du Seigneur des seigneurs, du Dieu vainqueur de la mort, tu n’as pas à craindre. Mais ne t’abaisse pas à manger dans la main de ce monde. Parce que Dieu est souverain, il nous placé dans ce monde pour être ses témoins, témoins en n’étant pas timides, en osant nous frotter sans crainte à la modernité, mais en osant nous dresser contre ce qui prétend prendre la place de Dieu.

La suite du livre de Daniel révèle 3 autres secrets de Daniel[3].

Dieu a revêtu Daniel d’intelligence, de la capacité de penser. Il t’a revêtu de la capacité de penser, d’exercer ton discernement. Paul dit : 10  Examinez ce qui est agréable au Seigneur ; 11  et n’ayez rien de commun avec les oeuvres stériles des ténèbres, mais plutôt dénoncez–les. 17  C’est pourquoi ne soyez pas sans intelligence, mais comprenez quelle est la volonté du Seigneur (Eph 5) et soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu (Ro 12.2). Que notre foi soit une foi intelligente, et audacieuse. Et pas une foi de simplet, mais une foi assez sûre de notre Dieu pour oser penser.

Ensuite, Daniel s’appuyait sur ce qu’il avait alors de la Bible, la Loi et les prophètes comme Jérémie. Daniel enfant avait assisté à la découverte de la Loi dans le temple à l’époque du roi Josias, il avait assisté au réveil religieux qui avait eu lieu alors. Et son refus de manger de la table du roi babylonien s’ancre dans la compréhension qu’il a de la loi de Dieu. Nous avons une Bible, notre référence, il nous incombe de la lire et de la comprendre et d’y chercher ce qui sera pour nous la ligne rouge à ne pas franchir.

Troisièmement, Daniel croit à l’Esprit de Dieu qui le guide et lui donne l’intelligence des choses. Paul ne relie pas par hasard les versets 17 et 18 d’Ephésiens 5 : comprenez quelle est la volonté du Seigneur et soyez remplis de l’Esprit .

Quatrièmement, Daniel et ses compagnons forment une communauté pour s’encourager mutuellement et se soutenir. Pas de guéguerre entre eux, mais une solidarité forte. Daniel s’entoure d’eux pour ne pas être seul dans son combat. Nous aussi avons une communauté qui devrait être lieu d’encouragement, de soutien, de solidarité, sans acception de personne. Une communauté qui doit devenir un lieu où nous pouvons partager nos difficultés, nos doutes, nos questions, nos divergences face à la modernité et nous aider mutuellement à discerner quelle est pour nous la ligne rouge à ne pas franchir.

Où placer la ligne rouge à ne pas franchir face aux défis que la modernité nous présente ? Je n’ai pas de recette. Chacun doit la trouver pour lui-même. La Bible nous donne 2 pistes : la 1ère c’est que l’être humain est sacré pour Dieu et tout système qui veut avilir l’être humain ou le rabaisser à une chose doit être contesté ; la 2e c’est que Dieu est Dieu et que tout système qui prétend se passer de lui et le remplacer par autre chose doit être remis en question par nous.

Ces 2 pistes peuvent nous aider à tracer notre ligne rouge.

Amen.

 

 

[1] 605-562 : Nabuchodonosor II ; 562-560 : Amel-Marduk ; 560-556 : Neriglissar ; 556 : Labashi-Marduk ; 556-539 : Nabonide qui confie la régence à son fils Belchatsar ; puis Cyrus le Perse qui conquiert la Babylonie.

[2] Voir Tremper Longmann III, How to read Daniel, InterVarsity Press Academic, Downers Grove IL, 2020, chap. 1-3.

[3] Voir John Stott, Le chrétien et les défis de la vie moderne, éd. Sator, 1987, p. 78-79 entre autres.

 

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