Prédication sur Luc 10,1-37.

Quand le découragement ou la peur peuvent étouffer le jaillissement de la compassion.

Bien-aimés du Christ,

Lorsque tu regardes le genre de vie que nous menons ou le genre de vie qu’on veut nous voir mener, ne t’arrive-t-il pas de te dire qu’on ne peut pas continuer comme ça ?… D’un côté du monde on s’entretue, de l’autre on consomme dans l’indifférence. D’une part on aimerait donner du sens à notre vie, en faire quelque chose qui en vaille la peine, et de l’autre on vit dans une course au travail, pour beaucoup une course à la survie.

Et puis, lorsqu’on est pris de bons sentiments, on se sent parfois submergé par la misère du monde. Ne t’es-tu jamais senti dépassé par la misère du monde, voire déprimé ?

Avant de poursuivre, laissez-moi remettre rapidement le récit du bon samaritain dans son contexte. Jésus a envoyé 70 de ses disciples en mission. Ils en sont revenus tout joyeux : ils ont proclamé le Règne de Dieu, guéri des malades et chassé des démons. Ils ont partiellement soulagé la misère de leur monde. Les écoutant, Jésus se met à louer Dieu son Père pour cela. Et voici qu’un docteur de la Loi se lève pour interpeller Jésus. D’où sort-il celui-là ? Permettez-moi de suggérer qu’il fait partie des 70 disciples. Derrière ce mot : se leva se trouve le verbe grec traduit ailleurs par ressusciter, se réveiller. Voici un homme qui a donné de sa personne pour soulager la misère, ou comme me disait un jeune de la paroisse, pour laisser déborder de lui l’amour et l’action de Dieu. Seulement voilà, quand il considère l’ampleur de la tâche face à cette misère sans fin, il sent un malaise, et il en est épuisé. Et chez ce disciple, le légiste se réveille. D’où sa question : Maître que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Derrière l’expression la vie éternelle se trouve le mot zoé qui désigne cette vie qui a du sens, cette vie en plénitude, pas cette vie qui vivote et survit. Il met Jésus à l’épreuve, il veut savoir quel but le Maître poursuit réellement.

Jésus le renvoie à ce qu’il sait être juste de faire : aimer Dieu de tout son être et son prochain comme lui-même. Et comme cela le met face à son sentiment d’impuissance et d’épuisement, il veut que Jésus définisse qui est son prochain. Parce que, franchement, il ne peut pas aimer le monde entier, ni soulager le monde entier. Parce que franchement, toi et moi, nous ne pouvons pas soulager la misère de la terre entière. Jésus répond par le récit du bon Samaritain, pour lui donner et nous donner un autre éclairage à cette problématique.

Il passe de la question : qui est mon prochain ?, à celle : de qui suis-je le prochain ? Il passe de la question : qui dois-je aimer ? à celle comment aimerais-je être aimé dans pareille situation ?

Je crois que celui qu’on appelle le bon Samaritain peut nous dire 3 choses.

La 1ère. La question n’est pas tant de savoir qui est mon prochain. La question est comment vivre ma vie de façon à ce qu’elle ne soit pas une vie médiocre, repliée sur elle-même, mais une vie pleine, une vie en adéquation avec la volonté de Dieu, une vie qui aie du sens et fasse du bien à autrui. Le bon Samaritain nous indique le chemin de la compassion. La compassion c’est ce qui nous saisit, ce n’est pas qqch qu’on produit. Ça nous saisit. C’est un mouvement, un élan qui surgit du fond de notre être sensible, de nos entrailles dit le texte. C’est quand tu souffres de la souffrance de l’autre. C’est quand les larmes de l’autre te rappelle tes propres larmes et que cela ne te laisse pas indifférent. C’est un appel du fond de ton cœur. Nous avons tous des élans de compassion. Nous savons ce que c’est. Quand la compassion nous saisit c’est que nous avons été touché dans notre propre histoire : le laissé pour mort au bord de la route touche le Samaritain victime de rejet dans la société juive de son temps. MAIS, quand la compassion nous saisit, nous pouvons être tentés de l’étouffer, comme le dit Lytta Basset. Elle peut être neutralisée. Comment ?

  • Par ex. si je ne suis pas présent à moi-même : peut-être que les 2 religieux qui sont passé sans s’arrêter ont vu le malheureux sans le voir, parce qu’ils étaient ailleurs… pris par des pensées… pré-occupés par un autre monde que leur présent immédiat, par les soucis qu’ils allaient rencontrer en rentrant chez eux, ou en train de prier pour un monde idéal, etc.
  • Ou on peut avoir peur de la souffrance d’autrui car elle réveille en nous une blessure, une souffrance enfouie ou simplement un terrible sentiment d’impuissance. La peur d’en être trop affecté. La peur de ne pas pouvoir faire face, que la souffrance d’autrui soit trop lourde pour moi.
  • La peur de l’inconnu. Où va bien pouvoir me conduire ma compassion ? Qu’est-ce qu’elle va impliquer de ma part ?
  • Un sentiment d’épuisement devant le cortège incessant des misères de ce monde et de celle-ci qui me touche et qui n’en est qu’une de plus.

La compassion me demande effectivement d’oublier mon propre souci, au moment où elle me saisit. Elle est jaillissement d’un élan de vie du St.Esprit en nous.

Jésus a souvent été saisi de compassion et cela l’a conduit à agir. Souvent à s’arrêter pour l’autre. Jésus a permis à l’action de Dieu de déborder ainsi de lui sur les autres. Le bon Samaritain est une figure de Christ. Il nous invite à donner cours à notre compassion quand elle nous saisit. Car par elle advient le Règne de Dieu.

La 2e chose. Il ne nous est pas demandé d’aimer le monde entier, ni de soulager la misère du monde entier. Mais d’aimer notre prochain. Juste notre prochain. Celui ou celle qui se trouve sur notre chemin. Connu ou inconnu. Voilà qui restreint quand même pas mal le champ d’action. Mais qui met à l’épreuve l’amour authentique. J’envoie 100 balles pour les pauvres Gazaouis… c’est facile… ça donne bonne conscience… ça ne dérange pas. Mais le prochain, celui ou celle qui se trouve sur mon chemin… le blessé de la vie… celui qui a été happé par un coup dur… La compassion, quand elle me saisit pour lui ou pour elle, elle va m’entrainer sur un chemin, dans une démarche, vers une écoute, vers un soin, vers un temps partagé, à une solidarité peut-être matérielle, etc. La compassion, quand je l’écoute, elle m’emmène sur le chemin où raisonne l’amour, lequel seul permet la rencontre, le partage authentique. Je peux aider sans aimer… et je passe à côté de l’autre. Je peux aider et ne pas avoir vu celui que j’ai aidé.

La 3e chose : le Samaritain connaît ses propres limites. A un moment donné, il confie le blessé à l’aubergiste. A nous aussi d’apprendre, lorsque la compassion nous saisit, à ne pas aller au-delà de nos limites, quelque part à ne pas vouloir être le Sauveur de l’autre. Juste le compagnon de compassion. Et il y a là aussi un message pour nos Eglises qui travaillent déjà ensemble sur certains dossiers d’entraide locale. Ce récit nous inviterait-il aussi à considérer ensemble les besoins locaux pour y répondre ensemble ?  Il y a là surement un moyen de faire briller le Règne de Dieu concrètement.

Cette semaine de l’Unité nous encourage à ne pas ignorer les élans de compassion qui surgissent parfois en nous face à telle ou telle personne. Nous sommes encouragés à laisser s’exprimer ces élans de compassion, même si parfois ils nous font peur. Parce que c’est ainsi que Jésus pourra toucher ce monde. C’est ainsi que nous pouvons préparer autrui à recevoir Jésus. Comme les 70 envoyés en mission. Quand nous nous sentons débordé par la misère du monde, rappelons-nous que Jésus nous demande juste d’être attentif à qui se trouve sur notre chemin. Si nous avons peur de nous épuiser à cette mission, rappelons-nous que nous ne sommes pas seuls pour l’accomplir.

Tiens… et ce n’est peut-être pas par hasard que le verset choisi par les Eglises allemandes pour présider à 2024 est : Faites tout avec amour (1Co 16,14 TOB) ? Ou traduit autrement : Que parmi vous tout se fasse avec amour (NBS). Ou encore littéralement : Que tout en vous advienne dans l’amour. C’est ainsi que nous serons prochains les uns pour les autres. C’est ainsi que Jésus, Dieu s’est fait notre prochain.

Amen.

 

 

Luc 10

1 ¶  Après cela, le Seigneur désigna soixante–douze autres disciples et les envoya deux par deux devant lui dans toute ville et localité où il devait aller lui–même. (…). 8  – Dans quelque ville que vous entriez et où l’on vous accueillera, mangez ce qu’on vous offrira. 9  Guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites–leur : Le Règne de Dieu est arrivé jusqu’à vous.

17 Les soixante–douze disciples revinrent dans la joie, disant : Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. 

21  A l’instant même, il exulta sous l’action de l’Esprit Saint et dit : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance.

23  Puis il se tourna vers les disciples et leur dit en particulier : Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! 24  Car je vous le déclare, beaucoup de prophètes, beaucoup de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu. 

25  Un spécialiste de la loi se leva alors et lui dit, pour le mettre à l’épreuve : Maître, que dois–je faire pour hériter la vie éternelle ?

26  Jésus lui dit : Qu’est–il écrit dans la Loi ? Comment lis–tu ?

27  Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ton intelligence, et ton prochain, comme toi–même.

28  Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras.

29  Mais lui voulut se justifier et dit à Jésus : Et qui est mon prochain ?

30  Jésus reprit : Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba aux mains de bandits qui le dépouillèrent, le rouèrent de coups et s’en allèrent en le laissant à demi–mort.

31  Par hasard, un prêtre descendait par le même chemin ; il le vit et passa à distance.

32  Un lévite arriva de même à cet endroit ; il le vit et passa à distance.

33  Mais un Samaritain qui voyageait arriva près de lui et fut ému lorsqu’il le vit.

34  Il s’approcha et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin ; puis il le plaça sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie et prit soin de lui.

35  Le lendemain, il sortit deux deniers, les donna à l’hôtelier et dit : « Prends soin de lui, et ce que tu dépenseras en plus, je te le paierai moi–même à mon retour. »

36  Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé aux mains des bandits ?

37  Il répondit : C’est celui qui a montré de la compassion envers lui. Jésus lui dit : Va, et toi aussi, fais de même.

1Co 13,1-3 et 16,14.

1 Quand je parlerais en langues, celle des hommes et celle des anges, s’il me manque l’amour, je suis un métal qui résonne, une cymbale retentissante.

2  Quand j’aurais le don de prophétie, la science de tous les mystères et de toute la connaissance, quand j’aurais la foi la plus totale, celle qui transporte les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien.

3  Quand je distribuerais tous mes biens aux affamés, quand je livrerais mon corps aux flammes, s’il me manque l’amour, je n’y gagne rien.

Faites tout avec amour.

 

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