Prédication sur Ps 1-2

D’une foi de contestation nostalgique à une prière créatrice et créative

Bien-aimés du Christ Jésus,

Ce matin, je vous propose de méditer sur les psaumes 1 et 2. Saviez-vous que le livre des psaumes s’intitule en hébreu livre des louanges ? Comment définiriez-vous la louange ? C’est quoi la louange pour vous ?

Le livre des louanges, des psaumes contient des prières où le psalmiste dit sa gratitude au Seigneur, sa confiance et sa joie de Lui appartenir et de connaître Son Amour ; mais aussi des prières où le psalmiste dit sa douleur, sa détresse, sa colère, voire sa colère contre Dieu. Donc la louange va bien au-delà de l’expression de la joie ou de la gratitude. On y reviendra.

Et voilà que ce livre des louanges s’ouvrent par 2 psaumes, qui n’en forme qu’un selon une partie de la tradition, et qui n’ont pas grand-chose de louange[1]. Ils viennent comme nous dire que le croyant est en situation d’opposition, dans un monde hostile. Jésus ne s’en cache pas non plus quand il dit que nous sommes dans le monde, mais pas du monde (cf. Jn 17,15-16) et que nous aurons des tribulations (Jn 16,33). Ces 2 psaumes posent un peu le cadre dans lequel vont se jouer les autres, ces prières qui sont les prières de gens comme nous au prise avec la vie normale, avec la vie et ses paradoxes, avec la vie et ses épreuves, avec la vie et ses oppositions, avec la vie et ses grandes questions sans réponses, avec la vie et ses tensions.

Ces 2 psaumes dépeignent aussi la vie du croyant comme celle d’un résistant à l’esprit du monde et à la dynamique du mal (marcher, s’arrêter, s’asseoir avec les malfaisant). Et là, il me semble discerner 2 exhortations pour nous chrétiens. J’aimerais m’y arrêter avec vous.

1 Heureux l’homme qui ne marche pas selon le conseil des méchants, ne s’arrête pas sur la voie des pécheurs, et ne s’assied pas en compagnie des moqueurs, 2 mais qui trouve son plaisir dans la loi de l’Eternel, et qui la médite jour et nuit!

Ce mot heureux… que la Bible utilise à l’adresse de croyants se trouvant dans une situation paradoxale, qui contraste fortement avec l’image du bonheur prôné par ce monde, ce mot qu’on retrouve dans les béatitudes, pouvons-nous encore l’entendre? J’ai de la peine, j’avoue. Quand on a de la peine avec la Bible, il faut creuser.

Derrière ce mot hébreu se cache un verbe signifiant avancer, marcher. C’est pour ça que Chouraqui traduit par en marche l’homme qui… Il y a là un appel à aller au bout de notre vocation de chrétien, comme Jésus l’a fait. Aller au bout de notre appel de chrétien.

Parfois, on a envie de baisser les bras et de se demander à quoi bon ?. A

quoi bon ramer à contre-courant? Le monde s’est déchristianisé, la morale judéo-chrétienne est sans cesse contestée, décrite comme intolérante ; le mensonge semble avoir été érigé en norme, avec son corolaire, l’absence d’intégrité. Ce que nous considérions comme mal est érigé en norme. Ce qui était bien est devenu presque mal. Etc. Face à cela, nous pourrions avoir envie de baisser les bras et nous faire tout petits, d’être juste chrétien pour nous-mêmes, pépères dans notre petit coin. Ce psaume nous appelle au contraire à ne pas tomber dans une sorte de lamentation, mais à oser nous mettre en marche. Ça me fait penser à Luther qui disait que même si on lui annonçait la fin du monde pour demain, il planterait encore un arbre aujourd’hui.

Cette béatitude du psaume 1 nous invite à sortir d’une prière qui nous maintient dans une mentalité de Nein-sager, de contestataire nostalgique et à entrer dans une prière créatrice, créative. Sortir d’une attitude de chrétien sur la défensive.

Se contenter d’être dans l’opposition et se lamenter que les temps ont changé contient deux dangers.

Le 1er c’est de vivre une foi, une religion d’illusion et de nostalgie dépourvue de pertinence pour nous-mêmes en fin de compte, et le 2e c’est de sombrer dans une sorte de moralisme religieux, pour se rassurer que nous sommes du bon côté et que les autres sont perdus. C’est pour ça que Jésus avertit dans le Sermon sur la montagne : Si vous n’êtes pas plus fidèles à la volonté de Dieu que les maîtres de la loi et les Pharisiens, vous ne pourrez pas entrer dans le Royaume des cieux (Mt 5,20). Au final, notre foi perd de sa vigueur, de son élan de vie, de sa capacité à nous porter et à produire du fruit. Au final, nous devenons inconsistants.

Veiller à ne pas mal faire, veiller à ne pas aller contre le Seigneur, c’est bien, mais pas assez.

D’où l’appel du psalmiste qui nous invite à nous lever, à nous mettre en route, à construire un nouveau projet de vie, porté par notre foi. Un projet de vie, pas un projet de contestation. À aller au bout de notre vocation de disciples, c’est-à-dire de témoins de quelque chose d’autre, de quelque chose de neuf, de quelque chose de vivant, en faisant de la Loi, de la volonté de Dieu notre désir, notre plaisir, notre élan.

Le Ps 1 nous invite à être homme, humain, jusqu’au bout. Comme Jésus. Jésus qui, certes, dénonçait les errements d’une religion ayant perverti la volonté de Dieu, mais qui, surtout, se faisait témoin d’une autre façon de vivre sa foi et de vivre la Loi : Dieu ne se laisse pas enfermer dans un moralisme, ni dans une théologie assurant à ses adeptes un peu de pouvoir ; Jésus amenait Dieu au milieu des souffrants, au milieu des exclus, au milieu des travers de la société de son temps et de manière libératrice et restauratrice. Le psalmiste nous invite à faire de la volonté de Dieu notre plaisir. J’ai envie de dire qu’il nous invite à rêver à cela. Rêver dans le sens de désirer cela fortement[2]. A dire que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel… en rêvant comment y contribuer de façon nouvelle et créative. Jésus a mis cela en pratique dans le Sermon sur la montagne où il va au cœur de la Loi, en m’invitant à la même bienveillance et générosité que le Père qui fait pleuvoir sur les bons et les méchants.

Oui, Jésus était témoin vivant de la Loi divine, car il mettait en pratique le cœur de cette Loi – tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton être et ton prochain comme toi-même –de façon créative et créatrice.

Le psaume nous invite à méditer la volonté de Dieu, la murmurer en hébreu, la laisser devenir source de vie en nous, nourrir nos projets, nos rêves, notre croissance. Laisser l’Amour de Dieu briller en nous. Et ça, ce sera le fondement de notre louange. Derrière le mot louange il y a le mot briller en hébreu.

Pour être un peu plus concret, je t’invite à t’interroger toi-même : y a-t-il dans ta vie un domaine où la plainte nostalgique d’une époque plus pure, où la plainte sur ce qui devrait être mais n’est pas, pourrait être appelée à se transformer en une prière créatrice d’un projet vivant, constructif, alternatif et reflétant l’essentiel de la vie du Christ en toi ? Par ex. je peux me lamenter que mes enfants prennent un chemin qui finira dans un mur, en perdition, mais je peux aussi demander au Seigneur de m’aider à trouver une manière de rejoindre mes enfants en étant reflet vivant de qui il est, sans être moraliste nostalgique. Je peux me lamenter dans ma prière que l’Eglise n’est pas ce qu’elle devrait être OU je peux transformer cette prière en une prière créatrice d’un projet vivant…

Que notre prière nous rende vivants et créatifs dans notre Amour pour Dieu et le prochain. Amen.

Le psalmiste nous invite aussi à ne pas attendre de cette nouvelle attitude des miracles immédiats : en son temps, cela portera du fruit. En son temps. Et ce temps ne nous appartient pas. Mais ce temps viendra.

Le 2e encouragement, je resterai bref, c’est que le psaume 2 nous invite à relativiser le pouvoir intimidant de l’esprit de ce monde, qui est aussi parfois dans l’Eglise, qui veut se débarrasser de l’essence du judéo-christianisme. Pilate et les religieux ont voulu se débarrasser de Jésus en le clouant à la croix ; mais à leur grand dam il est ressuscité. On ne se débarrasse pas du Dieu vivant. On peut le contester, le déclarer hors-jeu ou hors-temps, mais il faut franchement être arrogant et mythomane pour penser contester au Seigneur son existence-même et mettre en doute sa capacité d’agir. Alors, sans crainte, mettons-nous en marche nous qui avons fait du Christ l’objet de notre confiance, et la source de notre espérance.

Amen.

 

[1] Deux psaumes n’en formant en réalité qu’un seul réuni par le procédé littéraire dit de l’inclusion, consistant en une formule d’encadrement, ici en l’occurrence les 2 béatitudes, celle du 1er verset et celle du dernier.

[2] Comme en canicule, on dit : je rêve d’une glace. Et ensuite on fait ce qu’il faut pour se procurer une glace !

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