Prédication sur Ps 27 et 1Thess 5,17-22 / Col 3.1-3

Faire face à la fatigue informationnelle : une piste.

Bien-aimés du Christ,

Je poursuis, ce matin, ma réflexion sur les nouveaux défis que nous présente le monde actuel – qui n’est plus celui d’il y a 30 ans – et sur les pistes que la Parole de Dieu nous indique pour y faire face.

On connaissait le burn-out, l’épuisement professionnel ou émotionnel. Il y a aussi, et c’est une nouveauté de notre époque, la fatigue informationnelle, cette fatigue causée par l’hyper-information dont nous sommes l’objet. Cette fatigue tu l’as peut-être ressentie toi-même quand tu as pensé: J’en ai marre de toutes ces mauvaises nouvelles.

Les recherches faites à ce sujet montrent que nous pouvons être atteints d’une forme d’info-obésité. De même que l’obésité peut être causé par un corps qui ne métabolise pas ce qui est mangé, de même l’info-obésité provient d’une incapacité à travailler les informations reçues. Une psychologue précise : pour penser et traiter les infos reçues, il faut du temps sans nouvelle information. Et ce temps manque, si on n’a pas adopté une hygiène de vie à ce niveau. Un autre chercheur précise que nous avons 2 systèmes cognitifs : un rapide qui s’enclenche automatiquement dès qu’une nouvelle info arrive et suscite des émotions, la peur en particulier ; et un lent, la réflexion, qui a besoin de temps et de concentration et qui est nécessaire pour mettre en perspective ce qui fait réagir le système rapide.

Les études montrent que les médias se font un plaisir de nous gaver de mauvaises nouvelles car ces dernières suscitent en nous la peur et donc le sentiment qu’il faut réagir pour se mettre à l’abri (le système rapide). Seulement voilà : ces mauvaises nouvelles qui nous sont transmises quasi en direct ne constituent pas un danger pour nous. Le séisme en Afghanistan, les inondations au Brésil, les émeutes à Lima, la guerre en Ukraine… tout cela active en nous le réflexe de nous mettre à l’abri d’un danger… alors que ce danger est loin et que nous sommes impuissants. Ces nouvelles nous mettent en mode vigilance de façon inutile et nous épuisent ainsi. Cela a des effets négatifs sur notre santé mentale. J’ai résumé ici un dossier paru dans le journal La Vie[1].

Alors… comme chrétiens, comment faire face à cette surinformation ?

Les psaumes, entre autres, nous donne une piste. Les psaumes font alterner louange et détresse. Le psaume 27 débute même avec la louange : le Seigneur est ma lumière et mon salut, le soutien de ma vie. Ce n’est qu’au v.7 que David fait entendre sa détresse. Ailleurs, il débute sa prière en disant : le Seigneur est mon berger, il est ma force, mon bouclier, ma forteresse.

Avant de laisser les circonstances activer les émotions d’urgence, David concentre son attention sur le Seigneur sa lumière et son salut.

Mais attention… je peux faire de la louange une formule qui s’apparente à de l’autosuggestion, ce qui serait mauvais pour ma santé mentale. D’ailleurs, certains se détournent de la foi pour avoir pris ce chemin.

Le Seigneur est ma lumière et mon salut, le soutien, le refuge, la sécurité de ma vie… c’est l’expression du vécu de David. C’est fondé sur des expériences de vie. Ce n’est pas des phrases qu’il se répète pour se donner du courage. On le voit aussi dans le Ps 138 où David dit : 3 Le jour où je t’ai invoqué, tu m’as exaucé, Tu m’as rassuré, tu as fortifié mon âme. 7 Quand je marche au milieu de la détresse, tu me rends la vie. C’est pour ça que j’aime cette autre formule que l’on trouve dans l’Ecriture : le Seigneur est ma force et mon chant, il est devenu mon salut[2] (Ps 118 par ex.). Et si nous sommes ici ce matin, c’est parce que nous avons tous une expérience, aussi ténue soit-elle, que le Seigneur est devenu notre salut. Notre foi peut être née à un moment où nous avons été saisi par la conviction intime que Dieu nous aime, par exemple ; ou dans des circonstances difficiles où Dieu nous as exaucés par une aide, un pardon. David a construit sa foi sur ses expériences de berger où il affronte les bêtes sauvages pour défendre ses brebis, lors de son combat avec Goliath, dans l’amitié improbable que lui a porté Jonathan, etc. Il a vu combien Dieu lui était fidèle. La foi, la confiance se construit pas après pas[3]. Mais encore faut-il faire un pas après l’autre, désirer grandir dans cette confiance.

A partir de là, sans nier sa détresse, David exprime à Dieu son désir le plus profond : rester dans son intimité et pourvoir contempler sa bonté, sa beauté. Derrière le mot contempler se cache l’idée de voir avec un regard qui perce la réalité, qui va au-delà de ce qui saute aux yeux. C’est le regard de l’Evangile, la Bonne Nouvelle de Jésus ressuscité, de Jésus vainqueur du mal et de la mort, de Jésus qui renverse les pronostics en ressuscitant. Ce regard que nous sommes appelés à exercer. Comme Christian Vez le formule : désirer explorer la demeure de Dieu, ou Stan Rougier qui dit vouloir être son ami[4].

Nous sommes invités à nous ancrer dans le Seigneur, dans Sa bonté, Sa beauté, Sa maîtrise, dans Son alliance scellée en Christ Jésus, avant de nous remplir des 1001 informations et mauvaises nouvelles de nos médias. Nous sommes invités à donner notre attention aux signes de la bonté de Dieu dans notre vie. Nous activons ainsi notre système cognitif lent, nous le renforçons pour qu’il soit mieux à même de traiter les impulsions émotionnelles du système cognitif rapide. Et alors déjà ma tête s’élève sur mes ennemis

Après seulement, David parlera à Dieu de sa détresse et de son sentiment d’abandon. Après il se tournera vers ce qui ne va pas, vers ce qui le fait souffrir, vers ce qui le met à l’épreuve. Aie pitié de moi, exauce-moi, mon père et ma mère m’abandonne, ne me livre pas à mes adversaires… Non, au final, tu me recueilleras. Au final, je crois que je verrai la bonté du Seigneur sur cette terre où je vis. Tu t’es montré fidèle et tu le seras encore.

L’apôtre Paul nous montre le même chemin dans 1Thess 5: 17  Priez sans cesse. 18  En toute circonstance, rendez grâces ; car telle est à votre égard la volonté de Dieu en Christ–Jésus. En toute circonstance, n’oublie pas de remercier Dieu pour qui il est dans ta vie.

André Vénin, spécialiste des Psaumes, appuie encore cela : Louer Dieu a ceci en commun avec la supplication : il s’agit du combat contre le mal, mais vu cette fois à partir de la victoire de la vie et des forces du bien[5]. Cela active la réflexion plutôt que la réactivité émotionnelle. Cultive, renforce ton ancrage en Christ Ressuscité, Victorieux du mal, qui a su te rejoindre d’une manière ou d’une autre et qui te rejoins encore dans ton vécu.

Pour résumé brièvement : méditer, se concentrer et réfléchir aux raisons que nous avons de faire confiance au Seigneur nous permettra d’accueillir autrement le flot de nouvelles qui nous arrivent dessus. Cela nous évitera de sombrer dans cet épuisement informationnel. Alors oui : Espère en l’Eternel, fortifie-toi et que ton coeur s’affermisse. Espère en l’Eternel.

Amen.


[1] La Vie n°4102, 11 avril 2024. Les chercheurs que j’ai mentionnés sont : Sabine Duflo psychologue, Daniel Kahnemann prix Nobel d’économie en 2002, et Anne-Sophie Novel journaliste. Tous trois cités dans La Vie.

L’article relevait encore qu’avant notre époque, nous avions les grands récits comme la Bible qui nous aidaient à donner du sens.

Anne-Sophie Novel, journaliste, propose 2 exercices pratiques pour sortir d’un trop plein d’information : le 1er, radical, consiste à prendre une semaine sans regarder ou lire les nouvelles et observer le bien que cela nous fait ; le 2e consiste à prendre une feuille de papier et à y dessiner une sorte de jardin potager avec ses différents carreaux : chaque carreau représente une source d’information (télé, journal, réseau sociaux, livre de réflexion, ta Bible aussi) et ensuite s’arrêter pour analyser à quel carreau je passe le plus de temps pour me nourrir et en tirer les conséquences. On pourrait dire qu’il faut absolument se nourrir des sucres lents que sont les sources d’informations favorisant la réflexion et, pour nous chrétiens, de notre Bible qui nous permet de trouver une assise de confiance (Dieu est souverain au milieu des changements et drames de ce monde) et un sens à l’Histoire.

Voir aussi : https://www.france24.com/fr/france/20230204-fatigue-informationnelle-moins-inform%C3%A9s-plus-heureux . ET : https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2024-02-19/le-luxe-de-se-proteger-des-mauvaises-nouvelles.php. Ce dernier article met le doigt sur le danger de se refermer dans sa petite bulle de confort pour ne plus entendre les mauvaises nouvelles.

[2] Ex 15:2  L’Éternel est ma force et l’objet de mes cantiques, Il est devenu mon salut. Il est mon Dieu : Je veux lui rendre hommage.

Ps 118:14  L’Éternel est ma force et mon chant ; Il est devenu mon salut.

Ps 118:21  Je te célébrerai, parce que tu m’as répondu, Parce que tu es devenu mon salut.

Esa 12:2  Voici le Dieu de mon salut, J’aurai confiance et je n’aurai pas peur ; Car l’Éternel, l’Éternel est ma force et (mon) chant. Il est devenu mon salut.

[3] La confiance ne suppose pas que tu aies éliminé tout peur en toi (…). Elle est compatible avec la peur, c’est un point fondamental. (…). Tu peux sentir, la veille du grand départ sur l’océan, l’appréhension te nouer le ventre et en même temps avoir confiance, c’est le trac.

Si tu envisages une traversée solitaire en voilier, tu ne te contenteras pas d’un vague descriptif très flatteur du bateau, tu vas l’essayer, faire des sorties par vent fort pour le et te voir réagir. Il te faut connaître ses forces et ses faiblesses comme les tiennes. Tu vas choisir pour l’aventure une période de météo favorable sans exclure néanmoins qu’une tempête puisse se produire. Par tous les moyens tu te rapproches d’un contact direct pour sentir, tester. La confiance s’enracine dans l’expérience concrète et non dans un imaginaire fleuri[3]. Christophe Massin, Une vie en confiance, Odile Jacob, Paris, 2016, p.89.

[4] Christian Vez (Les psaumes tels que je les prie, Olivétan, Lyon) et Stan Rougier (Entre larmes et gratitude – Les psaumes revisités, DDB, Paris, 2013) dans leurs paraphrases respectives du Ps 27.

[5] André Vénin, Le livre des louanges, Lumen Vitae, Bruxelles, 2001, p.43.

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