Biodiversité = diversité biologique : multiplicité des formes de vie, depuis la myriade d’espèces de plantes, d’animaux et de micro-organismes qui habitent la terre jusqu’aux nombreux écosystèmes (mers, forets, rivières) en passant par la richesse génétique des êtres vivants. Interaction entre eux. On estime aujourd’hui qu’1 million d’espèces animales ou végétales sur 8 sont menacées d’extinction dans le monde d’ici à 2050. La disparition de la biodiversité met en péril de manière très pragmatique la qualité et les conditions de vie des générations actuelles et futures. Elle a un impact sur de nombreuses activités économiques, sur la santé, sur la sécurité alimentaire (par ex. 85% des cultures mondiales seraient affectées si les pollinisateurs comme les abeilles venaient à disparaître avec des baisses de rendement pouvant dépasser 90% pour certaines cultures). Important de connaitre ses nombreux bienfaits/enjeux (site).

Que dit la foi chrétienne sur le sujet ? Gn 1 dit queDieu créé les végétaux, animaux marins et terrestres chacun selon leur espèce ou plutôt « selon leur sorte ». Le mot espèce ici ne renvoie pas à la notion biologique du terme (anachronisme). Le terme hébreu correspond davantage aux différents types de créatures (types de poissons, d’insectes, d’animaux, etc.). Cela n’empêche : Gn 1 met en avant la diversité et la richesse de la création. Ps 104 dit : « que tes œuvres sont nombreuses, Seigneur ! Tu les as toutes faites avec sagesse, la terre est remplie de tes créatures ». Cette diversité suscite émerveillement, joie et amour pour le créateur qui a tout créé avec ordre et sagesse.

Qu’en est-il de la place de l’Homme par rapport au reste de la création ? Il est créé en dernier = ce n’est pas lui le créateur. Le monde n’est pas le fruit de ses efforts. Le monde a été créé avant lui et il est placé au milieu de la création. Il n’est pas au-dessus mais bien à l’intérieur de la création. Créature avec d’autres créatures, et il est donc à ce titre solidaire de l’ensemble de la création. Solidaire mais Gn 1 souligne son caractère spécifique. Il a une responsabilité : celle de dominer sur la création. Dominer ne veut pas dire asservir/exploiter mais plutôt servir et prendre soin et ce à l’image de la façon dont Dieu domine :avec bienveillance et dans le respect de la diversité de chaque espèce.

Dieu a confié ce grand jardin à l’homme pour qu’il en soit l’intendant. Rôle de gardien, de protecteur d’une création donnée par Dieu devant lequel l’Homme est responsable de son agir. Il lui a donné l’intelligence pour gérer avec retenue les ressources que Dieu a mis à sa disposition en respectant et sauvegardant les bases naturelles de la vie. Ce rôle vise à aider la création à s’épanouir en visant aussi sa pérennité. Comme on sait, la biodiversité fait partie des conditions de sa sécurité alimentaire (grâce à la pollinisation, par exemple) et de sa bonne santé. Donc maltraiter notre habitat, c’est aussi nous maltraiter. Et une façon pour l’Homme de se tirer une balle dans le pied. Ce cadre ne peut donc pas être malmené sans conséquences (pour nous et générations futures).

L’intendant que nous sommes est donc plutôt locataire serviteur que propriétaire exploitant. En effet la terre n’a pas été créée pour servir nos projets égoïstes. Le psaume 145 dit : « tu ouvres ta main et tu rassasies tous les vivants que tu aimes ». Ce verset témoigne de l’expérience de la grâce de Dieu qui donne pour tous. Chacun doit pouvoir être au bénéfice de cette grâce.  L’intendant doit donc agir dans un but qui favorise la justice : à savoir offrir un accès équitable aux ressources notamment pour les plus pauvres et transmettre aux générations futures un monde vivable.  Cela au nom de l’amour du prochain.

Nouveau regard sur la création. Gn1 nous invite à voir la création et tout ce qu’elle contient comme un don que l’on reçoit avec reconnaissance. Dr. John Feehan (géologue, botaniste contemporain) écrit : « La Terre nous est donnée, notre privilège et notre responsabilité uniques sont de prendre soin de la terre non pas comme nous nous soucierions d’un jardin dans lequel nous cultivons les légumes qui nous nourrissent, mais parce que c’est le jardin où Dieu entre, et nous avons été invités à marcher avec lui. Nous sommes placés dans ce Jardin d’Eden pour partager l’émerveillement et la joie de Dieu de sa création ». Nous œuvrons pour l’intégrité de la création à cause de la valeur qu’elle a à ses yeux. Question : si nous regardons le monde tel qu’il est aujourd’hui, marqué par la déforestation et le blanchiment des coraux, est-ce ainsi que nous voulons traiter le jardin dans lequel Dieu se promène ?

En 2015, le pape a écrit une encyclique sur l’écologie (Laudato Si’) dans laquelle il explique qu’à la racine de la crise écologique se trouve une crise spirituelle. En fait nous n’agissons plus comme si nous croyions que la Terre (maison commune) est la création de Dieu. La foi chrétienne rappelle que l’amour de Dieu est la raison fondamentale de toute la création. Et chaque créature est l’objet de la tendresse du père, qui lui donne une place dans le monde.

Nous sommes appelés à être des intendants animés du même amour pour Dieu et sa création. On ne défend pas la biodiversité juste par amour de la nature. Mais par amour pour Dieu qui en est à l’origine et le créateur bienveillant. Plus notre prise de conscience de l’amour de Dieu pour la création sera profonde et comprendrons l’importance qu’elle revêt à ses yeux et plus cela changera notre rapport au vivant et nous motivera dans notre engagement pour la biodiversité. 

Pour qui ? En Gn 1, l’homme n’est ni origine ni but de la création. La création est le cadre lui permettant de jouir des dons de Dieu et d’accomplir sa vocation. Ce monde n’a pas d’abord été créé pour l’homme. En Colossiens 1,16, nous lisons à propos de Jésus que « tout a été créé par lui et pour lui ». Tout = l’ensemble de la création qui reflète et chante sa gloire et sa puissance ! Romains 1 : la création nous parle de Dieu et Dieu nous parle à travers elle. Elle nous conduit donc à glorifier Dieu (cf. 1er message). Quelles qu’en soient les raisons des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu  et ne pourront plus nous communiquer leur propre message (cf. crapaud sonneur à ventre jaune).

Tout a été créé pour le plaisir de Dieu et pas d’abord pour celui de l’Homme. Quand on parle de biodiversité, il ne s’agit pas de valoriser le vivant uniquement en fonction de l’humain. Certains diront que ce qui fonde l’obligation de protéger l’environnement et la nature c’est la dignité humaine et les intérêts humains (d’ordre économique, scientifique, esthétique etc.). Cela c’est de l’anthropocentrisme. Otto Schäfer : « C‘est comme si Dieu avait créé l’homme et l’homme le reste du monde. Or il n’en est rien ».

Conclusion : que faire à partir de tout cela ? 4 choses :

1/ Se renseigner sur le sujet et prendre conscience des enjeux. Nous n’avons pas le droit de nous désintéresser de la question. Moi-même j’ai appris beaucoup en préparant ce message. La votation était au moins un bon moyen de nous sensibiliser sur le sujet. Notre devoir est de continuer de nous informer, d’interpeller, de prendre position si et quand nécessaire au nom de notre foi.

2/ Manifester notre reconnaissance pour le don de Dieu. Il est bon de considérer la valeur que la création a aux yeux de Dieu.  Elle nous parle de Lui et nous conduit à glorifier notre Créateur. Une façon de prendre conscience de la beauté et de la nécessité de la biodiversité est tout simplement d’apprendre avec les Psaumes (104, 148, 65, 8) à louer, méditer, s’émerveiller de cette création de concert avec l’ensemble de la création. Psaume 96,11 : « que la campagne soit en fête avec tout ce qui la peuple ! Que tous les arbres des forêts poussent des cris de joie devant le seigneur car il vient pour rendre justice sur terre ».

Dans les Écritures (Es 55), les arbres sont représentés comme des adorateurs de Dieu.Et si nous rendons grâce pour les arbres c’est que Dieu a fait des arbres le symbole de tant de choses qu’il nous fournit lui-même : abri, sécurité, nourriture, médicaments, combustible, maisons et bien d’autres choses encore. La méditation des Psaumes peut nourrir un sens de la responsabilité envers l’environnement.

3/ Reconnaître notre responsabilité dans la dégradation de la biodiversité. La repentance c’est reconnaître humblement que derrière certaines statistiques et chiffres douloureux se cachent notre avidité, cupidité et égoïsme. Qu’au lieu de servir nous asservissons dans le but d’avoir des choses dont nous n’avons pas fondamentalement besoin pour vivre. Sérieux de notre rôle d’intendant.

4/ Espérer et agir. Nous croyons que Dieu va restaurer sa création blessée par nos désobéissances. Mais en tant que disciples de Jésus nous sommes appelés à vivre avec ses valeurs, en anticipant et en reflétantdans nos vies la réalité qu’il va apporter, et cela en posant des actes qui manifestent notre amour pour Dieu et sa création ainsi que notre espérance d’une nouvelle création.

Notre liberté ne consiste pas à faire n’importe quoi. La liberté chrétienne enseignée par les réformateurs ne doit pas être séparée de sa mère qui est l’amour indivisible de Dieu, ni de sa sœur qui est la responsabilité.

Enfin, nous avons tous une capacité d’influence au travers notamment de notre mode de vie. Agir implique certainement des modifications de notre style de vie, de reconsidérer notre façon de vivre tant sur le plan individuel que collectif. Tous les petits gestes sont utiles. Dieu nous a donné la sagesse et l’intelligence pour être à la hauteur de notre rôle d’intendant en vue notamment de toujours plus de justice. à Le site de la  semaine de la création (www.oeku.ch) nous offre plein d’idées pour agir à notre niveau. Laissons-nous inspirer ! Amen

Textes : Gn 1,11-13 ; 20-31 ; Col 1,15-17 ; Ps 104,1-4 ;13-18 ;33-34