Texte : Gn 2,25-3,6-15. Avant la désobéissance Adam et Eve étaient nus et n’en avaient point honte. C’est seulement une fois après avoir mangé du fruit qu’ils réalisent qu’ils sont nus. Avant cela ne leur posait pas de problème ! Maintenant ils se dissimulent l’un devant l’autre et se cachent de Dieu. Alors que signifie cette nudité ?

1. La nudité. Elle définit une relation pure et juste de l’humain devant son prochain et devant Dieu. Quand on est nu on est surtout nu devant quelqu’un : entre l’homme et la femme la relation était naturelle et transparente. Dans la Bible la nudité a aussi le sens de dénuement, de fragilité, de faiblesse. Mais cela ne crée chez eux aucune gêne, aucune honte. Etre nu c’est donc être connu tel que nous sommes. Avant la désobéissance, ils n’avaient aucun problème d’être à ce point connu. Cette nudité implique une vulnérabilité, c.-à-d. accepter d’être vu par quelqu’un, d’être observé, visible, ouvert. Mais cela n’était pas un problème, aucunement traumatisant. Ils pouvaient tout voir l’un de l’autre sans gêne, sans honte.

Etre vulnérable, c’est accepter de ne pas pouvoir contrôler les informations qu’une personne reçoit sur vous. Vous acceptez qu’ils voient vos défauts et vos faiblesses. Adam n’avait aucun problème avec ses faiblesses, Dieu le connaissait et l’aimait, Eve le connaissait et l’aimait. Nous étions conçus à l’origine pour être connus ET aimés. Et surtout aimé malgré nos faiblesses.Aimé bien que connu dans leur fragilité.

Nous avons en nous ce désir d’être connu et qu’on nous dise malgré tout je t’aime ! Depuis la désobéissanceon pense que si nous sommes connus nous ne serons pas aimés… Il faut donc maitriser ce que les autres voient de nous. Il faut masquer nos faiblesses et fragilités pour être sûr qu’on nous aimera. Nous croyons que nous ne pourrons jamais être les deux en même temps.

Porter un vêtement sert généralement à 1° se protéger des agressions extérieures, 2° protéger son intimité et 3° c’est aussi un moyen de communiquer sur qui on est. Adam et Ève dissimulent leur nudité car elle révèle leur fragilité et leur vérité profonde. Lorsqu’on veut devenir Dieu (cf. Gn3) il faut se protéger en maquillant nos faiblesses ! Au lieu d’accéder à la divinité et ils ont découvert leur fragilité. Être soudainement vulnérable est devenu traumatisant !

Et puis notons aussi que si l’homme et la femme ne peuvent plus être nus l’un devant l’autre c’est qu’une part de chacun n’est plus directement accessible à l’autre et que la relation n’est plus aussi immédiate. Et la peur s’est installée. Peur de Dieu, peur de l’autre…les relations s’en sont trouvées bouleversées.

2. Où es-tu ? Adam et Eve se cachent. De Dieu, d’eux-mêmes et l’un de l’autre.Et Adam dit qu’il se cache par peur (pas par honte). Cette peur n’est pas une punition mais le sentiment dont il prend conscience après avoir mangé le fruit. Adam se cache car il veut contrôler ce que les gens pourraient voir de lui, sa fragilité… Il se cache de Dieu car il a peur d’affronter son regard, car Dieu a deux yeux purs, vrais, justes, totalement honnêtes et impartiaux ! Hb 4,13 dit : « Rien dans toute la création n’est cachée à la vue de Dieu. Tout est mis à découvert et mis à nu sous les yeux de celui à qui nous devons rendre compte ». Adam a peur d’être connu tel qu’il est. Il se sent inadéquat, inacceptable. Combien de fois avons-nous eu ce sentiment ? D’où ce besoin de contrôler ce que les gens voient sinon on pense qu’ils ne nous aimeront jamais…

Où es-tu ? Dieu sait où est Adam et l’homme sait très bien où il en est. En fait Dieu interroge l’humain sur son être intérieur. L’homme est invité à regarder ses fragilités pour les accueillir au lieu de les enfouir. Adam devrait pouvoir dire « je suis là Seigneur, debout devant toi, avec toutes mes faiblesses et mes fragilités, mes errances et mes erreurs ». En l’interrogeant Dieu donne à Adam l’occasion de ne pas cacher sa nouvelle situation, il lui propose de revenir vers lui pour commencer une nouvelle histoire. Mais Adam refuse d’entrer dans une démarche de vérité et se défausse sur Ève et Ève sur le serpent !

Quand Dieu nous pose la question où es-tu, que faisons-nous ? Il se peut que nous passions notre temps à fuir dans l’agitation, le divertissement ou l’auto- justification. Nous nous cachons car nous ne voulons pas entendre, occupés que nous sommes à devenir Dieu nous-mêmes !

Vous souvenez-vous de ce que fait David lorsque le prophète Nathan met le doigt sur sa faute (après son adultère) ? David ne dit pas comme Caïn « suis-je le gardien de mon frère ?». David ne cherche pas à se disculper mais il dit « j’ai péché contre le Seigneur ». L’attitude de David est celle d’un homme qui fait de Dieu non pas un juge devant lequel il faut se cacher mais un interlocuteur qui renvoie la personne à sa vérité intérieure.

Contrairement à Adam il accueille la question de Dieu pour reconnaître sa nudité fondamentale. David accepte sa nudité. Par cette repentance il témoigne d’une relation entre lui et Dieu naturelle et transparente qui a été abimée par son désir d’être au-dessus des lois pour satisfaire ses plaisirs égoïstes.

Il s’agit donc d’être vrai devant Dieu. Mais être en vérité devant Dieu conduit à être vrai aussi devant les autres. Un philosophe a dit que ceux qui entrent dans cette démarche « développent des valeurs de droiture, d’honnêteté, de refus des compromissions et d’humilité ». Mais je peux être vrai devant Dieu car je sais son regard sur moi juste et surtout plein de bonté (le contraire de ce que voulait faire croire le serpent à Eve)

3. Notre couverture. Adam essaie donc de se cacher tout comme nous essayons de nous cacher de multiples façons. Pas avec un pagne mais avec tout ce qui pourrait nous paraitre acceptable à nos yeux, aux yeux d’autrui ou de Dieu. La religiosité, la bonne moralité, le travail sont autant de pagnes pour ne plus paraitre nus et sans honte. Être aimé, si possible tout en restant caché !

Ill. Si votre appartement est dans un désordre absolu, vous ne voulez pas que les gens le voient et vous dissimulez au maximum ce qui peut et doit l’être ! De même si vous êtes un peu fort physiquement vous allez porter des vêtements plus amples pour paraitre plus mince. Vous contrôlez au maximum ce que les autres peuvent savoir de vous pour être acceptable et aimé. L’ironie de l’histoire c’est que même après s’être revêtus de pagnes ils ressentent encore le besoin de se cacher à la vue de Dieu ! Cela témoigne que la conscience de la nudité renvoie à une gêne plus profonde encore. Désormais l’homme a peur de Dieu. Peur d’être vu comme nous sommes. Peur de ne pas être aimé, du rejet…

Mais c’est mal connaitre Dieu… Car lui seul est capable de nous regarder et de nous aimer sans nous rejeter. Dieu seul peut couvrir notre insuffisance et notre nudité. Ézéchiel 16 : Dieu dit à son peuple qu’il a couvert sa nudité. Esaïe 61 : « Dieu m’a revêtu des vêtements de salut, il m’a couvert de la robe de justice ». Le serpent leur a fait croire que Dieu était méchant mais Dieu leur dit « sortez de derrière cet arbre et ouvrez-vous à moi ; admettez ce que vous avez fait et je vous revêtirai, je couvrirai votre péché ; tu seras nu et tu n’auras pas honte ».

Pourquoi se cacher ? Ils ressentent tout simplement de la honte et la honte suscite la dissimulation. Et la honte devant Dieu porte un nom : la conscience ! Quand Dieu pose la question « où es-tu ? » il réveille sa conscience… La conscience (étym. « savoir avec ») est liée à la connaissance, elle est liée une exigence de lucidité de l’humain avec lui-même. La conscience est cette exigence d’être vrai avec soi-même, de ne pas se mentir. Ce que l’incroyant appelle conscience, le croyant l’appelle Dieu.

Paul dit en Rm 4,7 : Christ couvre notre péché. Les yeux de Dieu ne voient pas notre péché ! Il ne nous l’impute plus. Imputer : mot comptable = faire payer quelqu’un. C’est comme si qqun payait votre repas au restaurant. Jésus a la croix a payé pour nos péchés. Ils lui ont été imputés et maintenant ils sont couverts aux yeux de Dieu. En Jésus nous sommes complètement acceptés, totalement aimés. Tu es connu ET aimé.

Nous pouvons sortir de derrière l’arbre et déposer nos pitoyables feuilles de figuier. Nous n’avons plus à être religieux pour essayer d’être assez bon aux yeux de Dieu, des autres et de soi-même. Christ seul est notre vie et notre couverture ; rien ni personne d’autre ne peut l’être pour nous sentir acceptable.

A la croix Jésus a été dévêtu, devenant sujet de honte, afin de nous revêtir de sa justice. Il nous enveloppe d’une robe de justice comme prophétisait Esaïe. De sa justice à lui. Nous pouvons aller devant Jésus avec notre nudité. Il ne nous fera pas de mal si nous admettons enfin qui nous sommes. Revêtus de sa justice nous n’avons plus à avoir peur de nous approcher de lui. Comme David nous pouvons admettre nos fragilités et recevoir de lui son pardon.

La désobéissance d’Adam a conduit à une rupture mais l’essentiel est préservé car en revêtant ses enfants de tunique le Père prouve qu’il ne rejette pas celui qui a voulu rompre avec lui. Et grâce à Jésus et dans son amour, non seulement cette rupture de l’homme avec Dieu ne sera pas définitive mais elle sera même restaurée.

Si Adam avait voulu s’émanciper de son créateur, il en est un autre qui avait désiré couper le cordon avec son Père pour vivre sa vie… C’est le fils cadet de la parabole du Fils prodigue. Il s’est retrouvé loin du Père. Il était perdu. Il a eu honte et peur de revenir vers son Père dont il pensait qu’il le traiterait comme un esclave. Mais le Père l’attendait. Il découvre que sa place est près de lui. Et vous vous souvenez comme ça se termine ? Il revêt son fils d’une tunique prouvant ainsi qu’il ne rejette pas celui qui a voulu rompre avec lui. Mieux : par ce manteau le père lui rend sa dignité de fils bien aimé du Père…

Je résume : tu es connu et aimé. N’aie plus peur.  Approche-toi de lui dans ton humanité et fragilité. En Jésus, il te couvre de et dans son amour. Amen