Textes : Gn 2,25 à 3,13 ; Mt 4,1-4 

Genèse 3 : une pomme, 2 poires et beaucoup de pépins ! Traditionnellement et depuis Saint Augustin on a appelé ce récit « péché originel ». Parler d’un péché chronologiquement premier ? Genèse 3 n’est pas tant un compte-rendu de ce qui se serait passé à l’origine de l’humanité. Cela a été écrit pour tenter de faire comprendre la situation présente de l’être humain face au mal.

  1. Le projet du serpent 

    Dieu avait permis de manger de tous les arbres. Quelle liberté ! Notons que l’homme possède donc le libre-arbitre. Il a la capacité de choisir, de renoncer, d’obéir ou de désobéir à l’ordre divin. Il indique à l’Homme ce qui est bon et mauvais pour lui. Dieu sait ce qui est bon ou mauvais pour nous.

    Tu peux manger de tout sauf de celui-là sinon ce sera la mort. La sentence était claire ! Le choix réside entre obéir ou désobéir au fait de manger ce qui est interdit indépendamment de la nature de ce qui est mangé. Donc la question que pose ce texte : est-ce que je vais suivre l’avis de Dieu ? Est-ce que je vais lui obéir et lui faire suffisamment confiance pour déterminer ce qui est bon ou mauvais pour moi ?   

    Puis vient le serpent dont on voit qu’il est malin comme un singe ! Il s’adresse à Eve laquelle lui rappelle l’interdit. Le serpent va feindre l’indignation (vraiment, Dieu a dit cela !), va caricaturer Dieu (Dieu sait que vos yeux s’ouvriront) et mentir (mais non pas du tout… ; vous serez comme Dieu). Il crée aussi de l’ambiguïté : la règle de Dieu consistait en une large autorisation de consommer de tous les autres fruits mais le serpent tronque et durcit le commandement de Dieu en disant qu’il n’avait droit à aucun arbre… Que fait le serpent ici ?

    En somme, le serpent fausse l’image de Dieu et essaie de le faire passer pour un méchant en présentant l’interdit comme une monstrueuse privation. L’obéissance est limitative et la désobéissance libératrice ! Il dépeint Dieu comme quelqu’un d’égoïste, de jaloux, de répressif, un père fouettard ! L’intention du créateur n’est pas du tout celle que tu crois ! Il te berne ! Il vous a menti ! Il veut te léser ! Il a peur que tu aies un statut égal au sien ! Si tu obéis tu vas rater quelque chose, tu vas te limiter et te couper de tant de possibilités ! En lui obéissant tu n’atteindras pas ton potentiel !

    Le serpent ne remet même pas en cause la question de l’existence de Dieu ni même sa puissance. Il ne cherche pas à en faire des athées. Il préfère faire passer Dieu pour un méchant, sur qui on ne peut pas compter, qui n’est pas digne de confiance… Il veut tout bonnement les faire douter de sa bonté. Dieuvoulait les protéger mais le serpent remet en question sa sainteté et son amour.

    Il vient ternir son regard sur Dieu. « Dieu ne vous aime pas vraiment, vous ne pouvez pas faire confiance à l’amour et à la volonté bonne de Dieu » ! Le serpent veut miner notre confiance en Dieu. Vous pouvez croire qu’il existe, croire en son pouvoir, croire en sa loi mais ne pas croire qu’il vous veut vraiment du bien. Plus fondamentalement il cherche à saper, à détruire la relation avec lui (avec eux-mêmes et avec les autres ; cf. ils se cachent). Et nous priver de cette communion avec lui, c’est proprement mourir…

    Dans bien des épreuves ou des tentations (les épreuves deviennent souvent des occasions de tentation), ce qui est en jeu ce n’est pas tant ou pas seulement le mal qu’il y a à succomber à un désir mal orienté. C’est d’abord ce que nous pensons de Dieu, les intentions que nous lui prêtons, voire l’estime que nous avons de lui. Ex. J’ai prié pour cela et rien ne s’est arrangé ? Ce n’est pas Dieu qui punit ou t’abandonne. Ne lui prête pas de mauvaises intentions. Soyons vigilants sur la représentation que nous avons de Dieu et ne laissons pas le serpent nous intimider mais restons focalisés sur la bonté de Dieu. Dieu appelle l’Homme à s’en tenir à Sa parole, à faire confiance en son amour pour nous.

    2. L’illusion de la connaissance du bon/mauvais 

    Le serpent suscite la convoitise chez Eve. Elle voit ce fruit avec un autre regard et ce fruit autrefois anonyme se met à avoir toutes les vertus ! Il est beau, semble bon et propre à donner le discernement… Ève finit par suivre ses impressions plutôt que les instructions de Dieu.

    De quoi s’agit-il ? L’arbre de la connaissance du bien et du mal (bon/mauvais) donne la capacité à discerner, évaluer, soupeser ; il s’agit d’un discernement accru, d’une intelligence supérieure, d’une sagesse normalement réservés à Dieu qui permet une meilleure analyse du réel. Car Dieu est le seul qui sait tout ; il est seul maitre du bien et du mal, du bon et du mauvais.

    En mangeant le fruit on ne reconnait plus à Dieu la prérogative de nous dire ce qu’il nous faut. On désire vivre en autonomie par rapport à Dieu, se dégager de sa tutelle, être dieu à la place de Dieu. Dieu n’est plus l’autorité absolue quant à ce qui est bon ou mauvais. J’établis moi-même la norme de ce qui est bon/juste. C’est le choix assumé de l’humanisme le plus radical qui fait de l’homme le point de référence et d’évaluation de toute chose. Nous nous faisons sauveur et seigneur au lieu de reconnaitre Jésus comme tel.

    En consommant de ce fruit Ève dit : « je sais ce qui est bon pour moi », je vais décider moi-même ce qu’il faut faire indépendamment et même malgréla volonté de Dieu. Voilà le cœur du péché : c’est de vouloir se mettre sur le trône à la place de Dieu. Péché n’est pas seulement briser la volonté de Dieu mais se mettre en position de juger sa volonté, en se mettant à sa place !

    Manger c’est donc vouloir posséder en soi le critère séparant le bien du mal. Or le récit de Salomon qui cherche la sagesse pour bien gouverner son peuple par ex. nous montre que nous n’avons pas cette faculté à discerner ce qui est bon ou mauvais. Une bonne et juste compréhension des choses ne peut pas venir de nous-même mais de l’extérieur, de Dieu lui-même.

    En effet tout ce que nous pouvons savoir sur le monde, sur Dieu, sur nous n’est pas possible sans une révélation de Dieu dans sa Parole…Si nous pouvons tout connaître par nous-mêmes, décider ce qui est bon ou juste, je n’ai plus besoin de Dieu. Je n’ai plus besoin de son avis et de lui faire confiance pour me dire ce qui est bon ou mauvais

    Le mot « connaître » évoque donc ici la maîtrise et la domination et renvoie au fantasme d’accéder à la connaissance universelle, de maîtriser le bon et le mauvais, de posséder le bien et le mal. C’est la tentation de toute-puissance, du désir sans bornes ce qui conduit à faire de tout ce qui nous entoure, y compris les personnes, un moyen d’assouvir nos envies. Désobéir équivaut à cette volonté de pouvoir jouir de tout le jardin. A devenir le maitre du tout (Dieu)…

    Dieu avait posé une limite et manger de ce fruit reviendrait à refuser la seule limite imposée. En voulant devenir le maître du bon et du mauvais l’humain conteste l’idée même de loi, loi qui le limite dans ses désirs et fantasmes de toute puissance. Si je décide ce qui est bon ou mauvais, si je suis ma propre loi, ma propre référence, je n’ai que faire d’une loi extérieure et donc je deviens un…tyran ! Imaginez : si je décide que ceci c’est bon et toi tu décides que c’est mauvais ? Tout cela ne peut qu’aboutir à la violence, à la vengeance, à la mort…

    3. Jésus, le nouvel Adam qui se positionne

    Nous pouvons évidemment lire ce texte en parallèle avec les récits de tentation du Jésus. Tout comme le serpent avait déformé l’interdiction divine, le diable tentera de manipuler une parole de Dieu. Mais le contraste entre Ève et Jésus est saisissant : Jésus ne réfléchit pas longtemps aux propositions de Satan. Il répond par un rejet immédiat. Il ne rentre pas dans le jeu du diable en discutant les intentions de Dieu.

    Aux propositions de Satan Jésus oppose d’autres paroles de Dieu qui font pour lui autorité absolue. Souvenons-nous que la dernière tentation consiste en une offre de tout posséder et notamment tous les royaumes de la terre en échange de se prosterner devant Satan. Alors que Adam et Ève s’étaient arrogés le droit d’un accès à tous les arbres du jardin Jésus répond : retire-toi Satan ! Là où Adam a failli, celui qui sera présenté comme un nouvel Adam franchira ainsi avec succès le test d’une triple tentation.

    Conclusion : Genèse 3 nous rappelle 3 choses :

    1° nous n’avons pas à chercher à être comme Dieu mais nous sommes invités à vivre dans un monde en acceptant d’être des hommes et des femmes dans toutes les limites et toute la beauté de notre humanité. Il ne doit pas avoir peur de sa condition de créature.

    2° vivre cette humanité accompagnée de la Parole, des promesses, de la loi de Dieu qui, comme Dieu lui-même, sont bons. Soit je crois au mensonge du serpent soit je fais confiance en mon Dieu dont nous ne devons pas douter qu’il nous aime et veut notre bien. Dieu nous appelle à lui obéir inconditionnellement et totalement. Notre bonheur est seulement dans notre union à lui et une dépendance de Lui.

    3° Lors de la désobéissance Adam et Eve ont bel et bien acquis une nouvelle sagesse mais cette sagesse ne vient pas de Dieu mais du serpent. Nous sommes toujours devant un choix entre deux sagesses : celle de Dieu ou celle du serpent. Mais Jésus nous a montré le chemin et nous donne son esprit pour agir selon sa volonté.

    Chers amis, alors que le serpent leur avait dit « vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu connaissant le bon et le mauvais », ce qui se passe à la place c’est que « leurs yeux s’ouvrent et voient qu’ils sont nus » : que signifie cette nudité ? Rdv au prochain message (30 mars) !