La semaine passée nous avons évoqué l’importance chez les prophètes de pratiquer la justice car Dieu est un Dieu de justice. Si Dieu aime et vient en aide aux plus vulnérables (veuve, orphelin, pauvre et immigré) alors nous ne pouvons pas faire autrement que de lutter contre toute forme d’injustice. Nous savons être appelés à le faire. La question, c’est : quelle peut être la motivation suffisante et dynamique pour agir dans ce sens ? Nous faisons souvent appel à l’amour et à la compassion mais ces appels sont-ils réellement suffisants et efficaces ? En fait il y a deux grandes vérités spirituelles, bibliques et théologiques qui non seulement fondent notre éthique de la justice et du soutien aux plus vulnérables mais y ajoutent aussi une énergie intérieure et un dynamisme nouveau pour y arriver. Lesquelles ?  

  1. Honorer l’image de Dieu (Gn 1,26-27)

La 1ère incitation à pratiquer la justice c’est de rappeler  que nous sommes créés à l’image de Dieu. « Être une image » évoque l’idée de chef-d’œuvre de grande valeur artisanale. Si nous croyons que l’être humain est un accident et non créé à l’image de Dieu alors il n’y a aucune raison de lui accorder une quelconque dignité. Et aucune raison d’attribuer à l’homme une importance de nature différente à celle d’un arbre par exemple.

Image peut aussi signifier « ressemblance » (enfant qui ressemble à son parent) ou « représentation » comme le miroir reflète et représente un objet. Il y a en nous des choses qui reflètent Dieu et qui font qu’on lui ressemble (créativité, le sens de l’amour…). Si nous sommes à son image cela signifie que le caractère de Dieu a été conféré à l’humanité et par conséquent on peut dire que 1° la vie humaine est sacrée et 2° chacun de nous possède une dignité intrinsèque et nous sommes donc d’une valeur inestimable et unique.

Tout cela s’accompagne donc du droit pour tous les hommes de ne pas être maltraité ou blessé et ce quel que soit leur passé, leur caractère, etc. Le Ps 145 rappelle que Dieu aime toutes ses créatures même celui qui se détourne de lui (Ez 33,11 //Jn 3,16).  Accorder notre aide à tout être humain, c’est témoigner notre respect à son créateur puisqu’il porte son image. A ses yeux nous avons tous la même valeur. Donc nous ne pouvons faire de distinction entre les gens.

D’ailleurs rappelons-nous la parabole du bon samaritain. Jésus refuse que nous limitions la façon d’aimer et l’identité de celui que nous devons aimer. Jésus refuse toute ségrégation. En racontant qu’un samaritain a secouru un juif il nous fait comprendre que notre prochain c’est quiconque est dans le besoin quelle que soit sa race, sa tendance politique, sa classe et sa religion : n’importe qui est notre prochain. Car il est avant tout créature de Dieu, créée à sa ressemblance.

Et nous ressemblons à Dieu lorsque nous aimons notre prochain car Dieu aime le pauvre et le malheureux car tous ont la même valeur et dignité. Ce n’est pas futile de le rappeler parce que parfois nous pouvons faire preuve d’indulgence et non de véritable amour envers certaines personnes dont nous pensons qu’elles méritent moins que d’autres notre soutien… L’image de Dieu nous incite à l’humilité devant la noblesse de chaque être humain fait à son image et aimé par lui.

  1. Répondre à la grâce de Dieu

Si Moïse puis les prophètes ont tant exhorté le peuple à pratiquer la justice c’est parce que ce même peuple a été au bénéfice de la grâce et de l’amour de Dieu. L’appel réitéré dans l’AT à la justice et à la solidarité se réfère constamment à l’état de dénuement initial du peuple élu. Le peuple est invité à se souvenir qu’il a été lui aussi pauvre, étranger et maltraité en Égypte (Dt 10,19). Mais qu’il a été délivré par le Seigneur, par pure grâce.

Dieu dit de façon répétée que la rédemption de son peuple sert de motivation pour pratiquer la justice. « Puisque j’ai brisé ton joug, agis de même envers les autres ». La grâce doit rendre juste. Dieu savait que le peuple était loin du compte et ne respectait pas ses règles. Comme le péché créait une barrière entre Dieu et son peuple, Dieu prend ses dispositions pour rétablir cette relation. Une fois par an le Grand-Prêtre offrait un sacrifice pour le pardon des péchés du peuple (Yom Kippour). Cette relation reposait sur la grâce et le pardon.

Le peuple était invité à jeûner ce jour-là. En se privant de nourriture, le peuple démontrait son humilité devant Dieu et prouvait qu’il croyait au fait que nous sommes pécheurs pardonnés par grâce. Mais Dieu, à travers Esaïe 58, est mécontent de la façon dont le peuple jeûnait. C’était devenu de la simple religiosité, juste un devoir religieux, un simple moyen d’être « quitte » avec Dieu et avec autrui. C’est juste une obéissance formelle et superficielle. La façon dont ils continuaient à traiter les gens, à exploiter les ouvriers et à être indifférents aux pauvres montrait que leur cœur n’avait pas changé.

Le jeûne devait être le symbole d’un changement profond dans la façon de vivre de l’individu. L’idée derrière le jeûne était de remplacer une vie centrée sur soi pour s’offrir soi-même en sacrifice en faveur des plus démunis. Le jeûne permanent désiré par Dieu devait se traduire par la lutte contre l’injustice (en n’exploitant pas l’ouvrier notamment), le partage de nourriture, du toit avec le sans-abri, etc. Voilà le jeûne qui montrerait qu’un véritable changement s’est produit dans le cœur de l’homme. Ce jeûne-là montrait qu’on croyait dans le pardon des péchés et manifestait une vie soumise à Dieu.

  1. Justification et justice

Le cœur de la foi chrétienne est la justification du croyant par pure grâce. La question c’est en quoi et pourquoi la doctrine et l’expérience de la justification nous incitent à pratiquer la justice ? Résumons les choses : Jésus a montré que la loi de Dieu était si exigeante qu’aucun d’entre nous n’aurait pu l’accomplir (cf. Mt 5,21-22). Aucun de nous n’était droit, juste devant Dieu. Tous nous avons désobéi et tous nous méritions la colère de Dieu.  Or Jésus a démontré l’amour du Père pour nous en acceptant de mourir sur la croix. Il nous a sauvés en prenant notre place et en acquittant notre dette vis-à-vis de la loi divine. Il a pris sur lui notre péché et ainsi il nous rend juste devant Dieu (relation rétablie avec lui). Le sacrifice opéré par le Grand-Prêtre une fois par an qui pardonnait le peuple de son péché a été accompli une fois pour toute à la croix pour le monde entier.

C’est dire que nous devions prendre la loi très au sérieux. Cette loi réclame équité, justice et amour pour le prochain. Si nous adhérons à la doctrine de la justification nous aurons donc une conception élevée de la loi et de la justice de Dieu. Et nous aurons à cœur de voir la justice de Dieu honorée dans le monde. Jonathan Edwards (18ème) écrit dans un sermon : « Lorsque l’esprit nous rend capable de comprendre ce que Christ a accompli pour nous, cela entraîne une vie qui se traduit en actes de justice et de compassion en faveur des pauvres ». Autant dans l’esprit des prophètes que dans l’enseignement de Jésus la découverte de la grâce entraîne inévitablement une vie de justice. Une foi vivante s’accompagne d’actes montrant une vie transformée par cette grâce. Sinon c’est que nous n’avons pas compris ce qu’elle était et nous n’en avons pas fait l’expérience.

Allons plus loin. Jésus a dit : « Heureux les pauvres en esprit ». Cette pauvreté est une orientation spirituelle positive, le contraire de la confiance arrogante en soi. Elle reconnait que nous sommes les mains vides devant Dieu, que nous avons un profond besoin de lui car notre dette était énorme envers lui. Plus nous nous sentirons pauvres devant Dieu et plus nous pourrons nous identifier aux gens dans le besoin. Parce que nous savons que Jésus est intervenu en notre faveur, puisqu’il est venu à notre secours, puisqu’il nous a revêtu de sa robe de justice, et bien lorsque nous regardons le pauvre nous nous rendrons compte que nous regardons dans un miroir. Le pauvre devant Dieu ne peut que s’identifier aux gens dans le besoin. Et donc à s’engager en sa faveur.

Le problème c’est que nous n’avons pas tous cette même conscience du souci du plus vulnérable. Ou alors nous avons parfois cherché à le faire en culpabilisant les gens ! On utilise des slogans du type : « vous avez tellement et eux tellement peu »… Cela ne marche pas comme cela. Seule la grâce appuie sur ce petit bouton au fond de notre âme qui nous réveille ! Seuls la grâce et l’amour de Dieu nous poussent à ne pas être indifférent à la souffrance qui nous entourent au près comme au loin.

Conclusion : soyons donc toujours conscients d’être tous à l’image de Dieu ; conscient et reconnaissants d’être au bénéfice de sa grâce ; conscient d’avoir un père miséricordieux et qui nous fait miséricorde. Cette même miséricorde nous contraint à reconnaître que si nous sommes des pauvres secourus nous serions indignes du Royaume de Dieu s’il nous arrivait d’oublier d’être secourables envers les pauvres qui nous entourent. Si la générosité consiste à se désavantager nous-mêmes pour avantager les autres, alors seule l’image d’un Jésus qui s’est dépouillé pour nous fondera une telle générosité. Au nom de Jésus, soyons et devenons des témoins d’une société de justice pour tous. Là où nous sommes. Avec nos forces, nos capacités, nos ressources et les sacrifices que cela implique peut-être. Mais avec la joie que cela donne sûrement ! (Cf. Actes 20,35) Amen

Textes : Gn 1,26-27  et Es 58,1-8 ; Dt 10,16-19 ; Rm 11,1-2 et 9-13

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