Prédication sur le v. de l’année 2022 Jn 6.37
Je ne rejetterai jamais celui qui vient à moi, dit Jésus.
Bien-aimés du Seigneur,
L’actualité nous rappelle sans cesse depuis des mois le besoin de la société de catégoriser les citoyens pour dire qui peut quoi et où. Après s’être battu pour le respect des malades du sida il y a 30 ans, après s’être battu pour le respect des minorités lgbt, continuant la lutte contre toute forme de racisme, la société s’est trouvé de nouveaux méchants : les non-vaccinés. Le besoin de catégoriser n’est pas nouveau. L’histoire est remplie d’exemples qui ont fini en général dramatiquement. Dans ce contexte, il est intéressant de voir le verset qui fut choisi pour être le verset de l’année. Je ne repousserai pas celui qui vient à moi[1]. Ce verset fut choisi il y a 5 ans : qui aurait alors imaginé nos circonstances actuelles ?… Je crois que ces versets ne nous sont jamais donné par hasard. Et ce matin, j’aimerais méditer ce verset avec vous.
Il n’est pas inutile de remettre ce verset dans son contexte. Suite au miracle de la multiplication des pains, les gens cherchent Jésus. Jésus les interroge alors sur ce qui les motivent à le chercher. Il s’avère que beaucoup cherchent Jésus juste pour son miracle et non pour qui il est ; et, face à qui il dit être, ils sont incrédules. Et c’est là que Jésus fait raisonner cette parole : Je ne repousserai pas celui qui vient à moi.
Jésus adresse cette parole à des gens qui peinent à croire en lui, qui peinent à dépasser le stade du sauveur-distributeur-de-miracle. Il s’adresse à des gens qui se trompent d’objet de foi : ils veulent une vie facile et non un Messie qui demande leur confiance. Il y a là comme un cri du cœur : Je ne repousserai pas celui qui vient à moi. Un cri du cœur qui maintient la porte ouverte à qui peine à la franchir. Une invitation à oser malgré tout. Une confiance que même si la foi est aujourd’hui difficile, un jour, elle fera le pas. C’est la force de l’amour de Jésus pour nous. C’est sa grandeur et sa maturité : espérer le meilleur de nous. Je ne repousserai pas celui qui vient à moi, même s’il a douté, même s’il a fait fausse route, même s’il a choisi de me rejeter. Je ne le repousserai pas. Même s’il m’a d’abord cherché pour ce que je lui donne, même s’il a d’abord fait de moi son bouche-trou, son joker.
Retenons déjà cela pour cette année 2022 : Jésus ne nous repoussera pas quand nous nous adresserons à lui. Comme le dit Andreas Boppart : Dieu supporte très bien le fait que nos motivations ne soient pas toujours pures à 100% ; l’important est que notre cœur reste proche du Sien. Dieu peut aussi supporter notre méfiance. Il s’agit juste d’en prendre conscience. C’est cette prise de conscience qui nous permettra de faire le pas nécessaire pour chercher à découvrir ce Dieu d’amour[2].
Toute la vie de Jésus se fait l’expression de son cri du cœur : je ne repousserai pas qui vient à moi. Il sait bien qu’au fond de nous se dressent des obstacles à nous approcher de lui. Exemples :
- Il nous arrive d’être habité par un sentiment d’indignité ou une mauvaise conscience. J’ai déjà tellement pris des chemins de traverse que Dieu ne peut pas me recevoir avec amour. Ma vie est tellement en désordre. Pourtant Jésus est justement venu pour des gens comme nous. Jésus n’a pas rejeté la femme de mauvaise vie qui vint le parfumer. Il ne te rejette pas. N’a-t-il pas dit : je suis venu pour les malades, pour les mal-portants?
- Nos sentiments d’indignité sont parfois nourris par les voix accusatrices des autres qui se chargent de nous rappeler indirectement ce qu’ils condamnent en nous et ont une attitude discriminatrice à notre égard. A force d’être sous le feu de paroles, attitudes accusatrices, on peut finir par désespérer de soi et même de l’accueil de Dieu pour nous. Mais rappelons-nous : 33 Qui accusera les élus de Dieu ? Dieu est celui qui justifie ! 34 Qui les condamnera ? Le Christ–Jésus est celui qui est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, et il intercède pour nous !
- Et il y a toutes ses règles que nous nous sommes imposées, souvent issue de la tradition religieuse, qui peuvent nous faire croire que dans telle ou telle situation, Jésus ne nous recevra pas si nous nous approchons de lui. Ces règles qui transforme notre Dieu compatissant et miséricordieux en sévère contrôleur de nos vies. Ces règles qui enferment Dieu et nous croyants dans des enclos sans communication.
- Et puis, il y a tous ces dires et ces affirmations du monde qui nous entoure qui veulent nous faire croire que Dieu c’est dépassé. Aujourd’hui, on le sait bien, c’est la science qui a les réponses, pas lui. Alors ne perdons pas de temps à essayer de nous réconforter à bon marché avec ces sornettes bibliques.
Rappelons-nous toujours ce que Jésus dit : Je suis le pain de vie, je ne repousserai pas celui qui vient à moi.
Il y a une raison plus subtile qui nous empêche de nous approcher du Seigneur, même s’il est tjs prêt à nous accueillir. Je crois que c’est celle qui nous piège le plus : quand nous cherchons Jésus pour qu’il soit le bouche-trou de nos besoins, pour qu’il nous donne juste ce que nous croyons avoir besoin, pour qu’il fasse un miracle et celui que nous voulons. Pourquoi cela nous empêche-t-il d’accéder à Jésus ? Parce que simplement celui que nous cherchons, celui dont nous voulons nous approcher n’est pas Jésus, mais une idole censée régler nos affaires à notre convenance. Sans nous rendre compte, nous passons à côté du Christ, du vrai Jésus, Sauveur et Libérateur. Celui qui veut nous accompagner sur nos chemins de vie et éclairer nos circonstances de sa présence, de sa simple présence. Celui qui veut donner du sens à notre vie. Sens, ce mot qui signifie autant direction que signification, et autant signification que ce qui est sensible. Jésus notre Sauveur qui veut se révéler à nous comme celui qui nous fait vivre de qui il est au milieu de nos circonstances les plus difficiles : 18 Voici, l’oeil de Yahvé est sur ceux qui le craignent, sur ceux qui espèrent son amour, 19 pour (…) les faire vivre au temps de la famine. 20 Notre âme attend Yahvé, notre secours et bouclier, c’est lui ; 21 en lui, la joie de notre coeur, en son nom de sainteté notre foi[3].
Etty Hillesum, cette jeune femme juive, travaillant dans le camp de concentration de Westerbork, écrit dans son journal[4] : Dans un moment difficile comme j’en ai connu ce soir, il m’arrive de me demander ce que tu veux faire de moi mon Dieu. Mais peut-être cela dépendra-t-il justement de ce que je veux faire de toi ? (…). C’est comme une petite vague qui remonte toujours en moi et me réchauffe, même après les moments difficiles : comme la vie est belle pourtant ! C’est un sentiment inexplicable. Il ne trouve pas non plus le moindre appui dans la réalité que nous vivons en ce moment. Mais n’existe-il pas d’autres réalités que celle qui s’offre à nous dans le journal et dans les conversations irréfléchies de gens affolés ? Etty, justement, est l’exemple de qui s’approche de Jésus pour qui il est.
Veillons à ne pas transformer Jésus, le Seigneur, en idole de convenance.
Je ne repousserai pas celui qui vient à moi. Que cette parole soit l’ancre de notre confiance durant cette année. Mais il y a plus, sans quoi nous ne ferons que nourrir une religion nombriliste, ce qui n’a jamais été le sens de la venue de Jésus. Je terminerai par cela.
Je ne repousserai pas celui qui vient à moi. Et nous quel accueil réservons-nous à autrui ? Quel accueil réservons-nous à qui ne pense pas comme nous, ne croit pas comme nous, n’agit pas selon nos standards ? Quel accueil notre paroisse réserve-t-elle à ceux qui ne correspondent pas à ce qu’elle en attend[5] ? Quel accueil réservons-nous déjà à ceux qui nous visitent ou que nous ne connaissons pas et qui sont présent au culte ? Pour approfondir cet aspect, essayons de repenser à ce que ça nous a fait le jour où nous nous sommes senti rejeté ou mis à l’écart ou simplement ignoré ?
Non, Je ne repousserai pas celui qui vient à moi. Moi le pain de vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim, et celui qui croit en moi n’aura jamais soif.
Qu’est-ce que Dieu voudrait bien vouloir nous dire en ces temps étranges où il vaut mieux être porteur d’un certain certificat pour ne pas être mis à l’écart[6] ?
Amen.
[1] Jean 6,37.
[2] Andreas Boppart, Imparfait, Lausanne, 2016, p.89 et 190.
[3] Ps 33
[4] Etty Hillesum, Cahier onze de son journal, 24 sept. 1942. Les écrits d’Etty Hillesum, Seuil, Paris 2008.
[5] Was für eine merkwürdige Gesellschaft, die Jesus offensichtlich anzog. So merkwürdig, dass andere sogar über ihn die Nase rümpften, frei nach dem Motto: Wenn er wirklich Gottes Sohn wäre, würde er sich mit solchen Leuten nicht abgeben. Ich sehe in seiner Gesellschaft einen aufbrausenden und notorisch unbeständigen Simon Petrus. Ich sehe eine Maria Magdalena, die Jesus aus ihrer inneren Knechtschaft in die Freiheit führte. Ich sehe Zachäus, den reichen Betrüger, der sich nicht einmal traute, Jesus unter die Augen zu treten. Ich sehe die Frau am Brunnen, die auf der Suche nach der großen Liebe immer wieder an den Falschen geraten war. Und ich sehe viele andere, deren Namen uns die Tradition bewahrt hat. Ganz abgesehen von den vielen ungenannten und darum bis heute unbekannten Nachfolgerinnen und Nachfolgern Jesu aus seiner irdischen Zeit, die zu ihm kamen mit den Scherben und Bruchstücken ihres Lebens. (Pfarrer Marcus Tesch – Auslegung der Jahreslosung 2022).
[6] www.praxis-jugendarbeit.de/andachten-themen/jahreslosung-2022.html. L’animateur jeunesse de cette Eglise réformée allemande interroge :
Was soll oder könnte diese Jahreslosung 2022 aufzeigen?
Wen weist Du ab? Wem schlägst Du die Türe vor der Nase zu? Wen grenzt Du aus?
- All diejenigen, die zu wenig Glauben haben?
- All diejenigen, die (psychisch) krank sind, oder Dir irgendwie komisch erscheinen?
- All diejenigen, die nicht so gescheit und intelligent sind wie Du?
- All diejenigen, die Mist gebaut haben und keine zweite Chance verdienen?
Merkst Du was? Du machst Unterschiede, grenzt aus und findest sogar Argumente für dein Verhalten. Ist das Dein Glaube?Eigentlich ein ziemlich erbärmlicher Glaube.
Sie zeigt den Unterschied: Jesus macht keine solche Unterschiede wie wir.
- Sollten wir uns da nicht ein Beispiel daran nehmen?
- Sollten wir nicht lernen zu vergeben, nicht mehr auszugrenzen?
- Sollten wir nicht lernen mehr den Mitmenschen zu sehen und auf ihn zuzugehen, anstatt ihn abzuweisen?