Prédication sur Ps 37,1-11 / Mt 5,5 / Ga 5,22

Douceur ou la force sous contrôle en vue de la Paix.

Chers compagnons et compagnonnes en Christ,

La violence ?… Tout le monde est contre ; mais tout le monde, aussi, est pour – ou presque ! Tout le monde la condamne, et tout le monde la vénère – ou presque ![1] En effet, qui ne l’exerce pas une fois ou l’autre, de nombreuses fois, plutôt ?… On ne l’exerce pas forcément physiquement, mais psychologiquement ou verbalement oui. Comme l’ajoute encore le Dr Tournier : L’agressivité apparaît comme l’expression même de la vie, la force naturelle, indispensable à la vie, caractéristique de la vie, avec tous ses effets possibles, bénéfiques et maléfiques, mais sans laquelle la vie n’existerait pas[2]. Tous sont mus sans le savoir par une impérieuse volonté de puissance qui ne supporte pas d’obstacle. Et l’obstacle, bien sûr, c’est le prochain le plus proche, s’il ne se soumet pas[3].

Notre propre violence… nous peinons à la voir, mais quand nous sommes l’objet de celle d’autrui… alors là ça change tout. Notre propre violence est souvent automatique, instinctive et passe pour nous comme normale. La violence est parfois subtile. Elle est l’usage abusif, par nous, de notre force. Abusif car irrespectueux de l’autre.

La violence fait taire l’adversaire. Elle écarte l’obstacle. Notre société, même par temps de coronavirus, est violente. Notre démocratie est violente, nos médias sont violents lorsqu’ils exercent une censure systématique sur les opinions alternatives ou dérangeantes ET lorsqu’ils se donnent mission de semer la peur dans la population ; violence économique, violence sociale, familiale, scolaire, etc.

Cela étant dit, les appels de Jésus et de la Bible à la douceur raisonnent maintenant autrement ! Jésus s’est présenté lui-même comme étant doux et humble de cœur (Mt 11,29), pourtant il a expulsé les marchands du temple. La Bible nous dit que Moïse était très doux (Nb 12,3), pourtant il fit souvent acte d’autorité forte et fut un chef militaire. Quelle est cette douceur ? Sur quoi se base-t-elle et pourquoi la désirer ?

La douceur c’est une force sous contrôle. Pour utiliser les mots d’un journaliste du journal La Vie : La douceur irrigue tout l’être de celui qui l’accueille. Si elle est fragilité, elle n’est jamais faiblesse. Elle demande plus de force que la violence, car elle est une force qui se contient elle-même[4]. Ou avec les mots du Dr Tournier : Elle est une force spirituelle, qui introduit un élément nouveau, une dimension nouvelle dans les affaires humaines (…). Elle agit non sur les rapports de force entre les hommes, mais sur la nature même des hommes[5].

Le psaume 37 nous dit sur quoi se base la douceur et pourquoi la désirerEt il ne ferme pas les yeux sur les difficultés de l’existence qui suscitent en nous la violence : le mal, la méchanceté, l’injustice, la manipulation.

Le psaume 37 utilise le mot humble en lieu et place de doux. En effet, le mot doux dans le NT est la plupart du temps rendu par humble dans l’AT. Que nous dit le psaume 37 sur l’ancrage de la douceur ? 3 choses qui agissent ensemble.

1°. 7 Demeure tranquille en regardant à l’Éternel, et attends-Le ; ne t’irrite pas contre celui qui vient à bout de ses desseins. 8 Réprime la colère, et laisse l’emportement ; ne t’irrite point pour mal faire. Il s’agit ici de marquer une pause face à ce qui peut susciter en nous de la violence, on dit aujourd’hui prendre distance. Plus vite dit que fait.

La douceur, une force qui se contient elle-même, et qui permet de ne pas s’engouffrer dans la réactivité. Jésus n’avait-il pas besoin de solitude et ne se retirait-il pas pour prier ? Y compris avant son arrestation. Et devant Pilate il garde le silence. Et Moïse… si vous lisez les récits le concernant, il ne réagit pas au quart-de-tour à l’opposition ou à l’adversité – il se tourne vers Dieu. Pour Jésus et Moïse, cette prise de distance s’ancre dans la présence de Dieu. C’est devant lui, avec lui, auprès de lui qu’ils marquent une pause. Ce n’est pas juste en eux-mêmes, avec eux-mêmes, en tournant en rond dans leur pensée. C’est en intégrant le Seigneur dans l’équation de la vie. C’est aussi pour cela que la Bible nous appelle à écouter avant de parler.

2°. 3 Compte sur le SEIGNEUR et agis bien. 5 Remets ton sort, ton chemin au SEIGNEUR, mets ta confiance en lui : c’est lui qui agira. Faire confiance que le Seigneur est pour nous et non contre nous. Faire confiance que lui sait mieux que nous dénouer les situations. Parfois, nous nous énervons pour rien, pendant que le Seigneur est en train d’agir. L’hébreu du verset 5, remets ton sort au Seigneur, dit littéralement : roule ton chemin vers Dieu, pousse ta direction vers Dieu, pousse ce qui t’arrive vers Dieu, pousse ta réactivité instinctive vers Dieu. Roule cela comme on roule une pierre vers le Seigneur. Pousse ton souci, pousse ta contrariété, pousse ta peur, pousse ton problème de santé vers Dieu. Fais-les rouler vers le Seigneur qui agira dans ce qui t’échappe. Crois qu’il est pour toi et non contre toi car Il t’aime.

3°. Et cela n’est pas seulement valable pour les circonstances, mais pour les personnes qui suscitent en toi une réaction forte. Pousse-les, fais-les rouler vers le Seigneur dans ta prière. Confie-les à Lui. Sinon tu les blesseras par ta violence. Sinon tu éteindras peut-être l’étincelle de vie qui brule en eux. Pousse-les donc vers le Seigneur dans la prière. Pousser demande un effort…

Pourquoi chercher la douceur ? Parce qu’elle procure une paix profonde (v.11 version sem). La Paix pour soi. La Paix autour de soi. La Paix de celui qui n’est pas passif, mais qui avant de réagir instinctivement, laisse Dieu faire. La Paix de celui qui sait ne pas tout maîtriser. La Paix de celui qui croit que Dieu peut faire avec l’autre ce que lui ne pourra pas faire, et que Dieu peut faire avec l’autre ce qui lui échappe. En effet, la violence est issue d’une volonté de contrôle forte, mais aussi d’une étroitesse de vue qui ne voit pas tout ce que Dieu pourrait ou voudrait faire. Parfois on aimerait réagir parce que x ou y nous semble inadéquat pour ceci ou cela et on fait acte de violence au lieu de rouler cette personne dans la prière vers le Seigneur qui saura s’y prendre, avec son temps à Lui. La Paix évite l’agitation et la sur-réactivité. Ainsi elle nous préserve et elle préserve l’autre. J’ai compté 14 appels à la douceur dans les épitres du NT. Pierre, Jacques, Paul redisent l’importance de la douceur pour la Paix dans leurs paroisses.

Je conclus. La douceur venue du St.Esprit a pour condition la soumission confiante de l’homme à Dieu. La doctrine chrétienne n’est pas une doctrine de faiblesse. La force qu’elle apporte à l’homme est tout autre que sa force naturelle ; c’est la force conduite par Dieu, celle qui fait ce que Dieu veut. Elle assure de grandes victoires, mais seulement des victoires sur le mal et sur soi, non pas des victoires sur autrui[6], lesquelles sont destructrices.

Amen.

 

 

 

 

 

 

 

[1] Paul Tournier, Violence et puissance, Neuchâtel 1977, p.7.

[2] Idem, p. 12.

[3] Idem, p.179.

[4] La Vie, n°3933, 14 janvier 2021, p.54.

[5] Paul Tournier, Les forts et les faibles, Neuchâtel, 1970, p.199.

[6] Paul Tournier, Les forts et les faibles, Neuchâtel, 1970, p.203-204.

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