Prédication sur Mt 2.1-21 et Ac 7,53-58a.

La naissance de Jésus ou le don d’une liberté suscitant l’opposition.

Bien-aimés du Seigneur,

Il est des lendemains de fête qui déchantent… Vous l’avez peut-être déjà vécu vous-mêmes. Après la fête, la solitude. Après la joie, le vide intérieur. Après l’exubérance, la déprime. Alors… méditer le récit du massacre des enfants de Bethléem qui suivit la naissance de Jésus un 26 décembre… c’est un peu surprenant. Pourtant la tradition de l’Eglise place ce texte pour le 26 décembre, ce 26 qui est aussi la Saint Etienne du nom du 1er martyre de l’histoire de l’Eglise. Vous êtes rabat-joie M. le pasteur. J’assume. Mais soyons sérieux… On ne peut pas toujours éviter les textes qui font mal. Pourquoi Matthieu nous raconte cet épisode ? Pourquoi le Saint Esprit l’a-t-il inspiré dans ce sens ? Que veut-on nous dire au-delà de l’événement dramatique relaté? Ce n’est pas la seule fois où la Bible nous envoie une douche froide.

En relisant le début de Matthieu, j’ai été surpris de voir combien l’évangéliste ancre la venue de Jésus dans l’histoire mouvementée d’Israël – c’est le sens de la généalogie de Jésus au chap. 1. Histoire faite de résistances successives à Dieu. Vous vous souvenez, Dieu changea le nom de Jacob en Israël en disant : Tu as lutté contre Dieu et contre les hommes et tu as été le plus fort (Ge 32,28). Cela résume l’histoire des Israélites, mais aussi de l’humanité qui conteste son Créateur. Voyez… La naissance de Jésus arrive dans un foyer et y suscite aussi une résistance de la part de Joseph. Il suscite ensuite la résistance du pouvoir politique hérodien. Il suscitera la résistance du pouvoir religieux. Dans le Nouveau Testament, l’action de Jésus suscite presque automatiquement l’opposition. Il guérit le paralytique qu’on lui apporte par le toit, les religieux décident qu’il est temps d’éliminer ce Messie dérangeant. Il guérit le paralytique de Bethesda, ce même homme se trouve aussitôt en butte à la méchanceté des religieux. Jésus guérit l’aveugle de Siloé et celui-ci est aussitôt pris à parti par les religieux. Il guérit le démoniaque de Guédara et est chassé de la région. C’est presque déprimant. Et on retrouve cela dans l’Ancien Testament : Dieu appelle Moïse et les ennuis commencent pour lui, il appelle Joseph le fils de Jacob et les ennuis commencent pour lui. Idem avec David et Jérémie. Idem avec Paul. Pourquoi cela ?

Pourquoi la naissance d’un enfant dans ce lieu insignifiant qu’était Bethléem suscite-elle un tel trouble, une telle terreur et une telle violence chez Hérode ?  Un enfant menace la sérénité d’Hérode le Grand… Une chose semble claire : l’Adversaire veut voler la joie et la lumière que l’action de Dieu sème dans nos vies.  Comment se fait-il ? Et qu’est-ce que ça peut vouloir nous dire à nous ?

Pourquoi la nouvelle de la naissance de Jésus le Fils de Dieu est-elle à ce point reléguée à la périphérie de Noël par la prétendue laïcité de nos institutions, par le temple du consumérisme, par les médias, etc. ? Parce que la venue de Jésus le Fils de Dieu apporte une liberté menaçante. Chaque fois que Dieu vient redire son amour dans l’histoire des hommes, cela ouvre sur un avenir nouveau, sur une liberté nouvelle, sur un regard neuf, sur un possible non maîtrisable. A chaque fois, cela remet en question le fatalisme dans lequel ce monde veut nous plonger. Les pouvoirs politiques, économiques, religieux ne supportent pas que l’humain puisse leur échapper, que nous puissions seulement imaginer que la voie qu’ils nous tracent est la seule, que leurs paradigmes déterminant le réel soient contestés. Ils ne supportent pas l’idée qu’une voie autre soit possible, qui remettent en question leur existence même. Nous le voyons bien actuellement où le discours dominant des élites s’évertue à faire taire toute voix discordante en matière politique, sanitaire, économique, sociale et éthique. Les structures de pouvoir entendent contrôler l’homme, et en attendent sa soumission. Elles veulent que nous soyons convaincus de la fatalité de ce qu’elle propose : c’est comme ça… on peut pas faire autrement… et surtout ne pas penser, ne pas rêver en dehors du cadre voulu.

Pour Hérode, l’idée que cet enfant, que des mages sont venus adorer, puisse vivre et grandir, que la vie de cet enfant-Dieu puisse se déployer, échappant à son contrôle est insupportable. Qu’un ordre autre que le sien puisse exister lui est inconcevable. Christiane Singer[1] dit cela si bien dans son petit livre Où cours-tu ? Je la lis : L’enfant est pour le monde romain, le monde des lois et des chiffres, le monde de la domination et de la soumission, en un mot, pour Hérode, la provocation absolue. Les autres légions, les autres armes, les autres conformismes, les autres totalitarismes et intégrismes ne font pas peur à l’ordre romain. A tout cela il sait se mesurer. (…). Et si les hommes allaient vouloir sortir soudain de l’esclavage, des jeux exquis et ignobles de la soumission et de la domination ? Que faire si les mercenaires de l’Empire allaient percevoir le murmure de l’autre réalité, la toute petite musique ? Que faire s’ils allaient se réveiller de leur amnésie et se souvenir de leur dignité ? Contre tout cela, l’ordre romain n’a pas d’arme, il n’a que la peur, c’est-à-dire la violence.

Oui la bonne nouvelle de la venue de Jésus, Dieu devenu homme pour nous dire son amour et son pardon, pour nous libérer des pouvoirs manipulateurs et mensongers, sa venue est subversive. Et l’Adversaire veut nous voler la joie et la lumière de cet Amour et de cette formidable déclaration de notre dignité libératrice.

La violence veut toujours briser ta liberté et ta capacité de raisonner, penser et rêver, ta capacité de voir au-delà des apparences et du cadre que les pouvoirs en place imposent.

Qu’est-ce qui veut te voler la joie de Noël, la joie de la venue de Jésus le Sauveur ? Qu’est-ce qui veut voler notre joie d’avoir un Sauveur Souverain, priant pour nous comme il a prié pour Etienne, debout, maître, et vainqueur de la mort ? Qu’est-ce qui veut voler ta joie de te savoir aimer par le Créateur de l’Univers ? Qu’est-ce qui veut voler ta joie de te savoir dans la main du Maître de l’Histoire ? La peur que distillent les médias depuis 2 ans ? La pandémie qui semblent être la seule réalité qui compte (je ne minimise pas : j’ai perdu 4 personnes de mon entourage familial) ? L’impression que nous sommes devenus juste des chiffres dans les statistiques de l’ofsp ? Les mauvaises nouvelles ? Le pouvoir de l’argent qui semblent dicter la météo de nos vies ? Ce que les autres te disent et te font pour t’abaisser ?

Les textes bibliques de ce jour nous rappellent que si l’Adversaire veut nous voler la joie de Noël, et nous contester l’Amour et la Souveraineté du Christ Jésus, Jésus n’en demeure pas moins le Seigneur, Dieu-avec-nous-qui-nous-relève. Ils nous rappellent aussi que suivre le Seigneur nous plonge dans un combat avec les forces obscures de ce monde. Et que c’est dans ce combat que nous sommes appelés à être porteurs de la lueur annonçant un monde nouveau, une réalité nouvelle, celle d’un Dieu qui nous aime assez pour se livrer à nous, celle d’un Dieu qui nous aime assez pour nous confier ce monde et nous confier aux soins les uns des autres, avec le risque que cela comporte. Etre ces/Ses témoin nous mettra souvent en porte-à-faux avec ce monde.

Vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, moi, j’ai vaincu le monde, dit Jésus (Jn 16.33). Et Jean d’ajouter : Le moyen de remporter la victoire sur le monde, c’est notre foi (1Jn 5,4). Notre foi chevillée en Jésus nous permettra de rester dans la lumière allumée par la venue de Jésus il y a 2000 ans.

Amen.

Ci-après la confession de foi lue au culte, inspirée d’un texte de Alain Houziaux:

Je crois en Jésus Christ, le Fils de Dieu, Dieu devenu homme, né de la vierge Marie par l’action du Saint Esprit.

Il a traversé notre monde comme une étoile.

Il a fait sauter les verrous, les blocages, les tabous.

Il redonnait la liberté aux hommes, la joie et l’espoir, la vie intérieure.

Alors les forces du mal, qui dépriment, écrasent et aliènent les hommes se sont dressées contre lui et il a été environné de ténèbres.

Elles ont voulu l’éliminer.

Il s’est dressé, ressuscité dans la lumière de Dieu, vainqueur des soldats, de Pilate, des Pharisiens et des grands-prêtres, libéré de son suaire et de sa pierre tombale.

Comme un bélier en tête du troupeau,

comme un premier de cordée,

comme un grand frère entraîne les enfants,

il nous emmène sur les chemins de Dieu, difficiles chemins de la joie et de la liberté.

Il emmène ceux d’entre nous qui sont emprisonnés dans les mailles des filets de leur vie.

Et nous laissons la force qui émane de lui nous arracher à nos tristesses, à nos angoisses, à nos souffrances,

car il nous aimante, nous attire et nous conduit chacun de nous dans son sillage

vers la source de vie, vers la résurrection, vers la liberté issue de son amour.

D’après Alain Houziaux

[1] Dans l’ancienne Perse, on disait que « l’enfant est la passerelle vivante entre les hommes et les dieux ». Dès lors tout s’éclaire. De cette passerelle, on ne veut plus. Pour maintenir l’ordre de cette société, il faut séparer les hommes des dieux, tenir des enfants prisonniers de ce versant du monde, soumis à ses lois brutales et triviales, livrés corps et âmes au mercantilisme. Ces enfants gênent. Ils sont la manifestation la plus lumineuse du caractère sacré de la vie. Leurs gestes, leurs bonds, leurs rires, leur grâce irradiante, la manière qu’ils ont « de s’offrir tout entiers dans leurs gestes », cette caresse que met dans l’air chacun de leur passage… tout cela proclame la merveille toujours recommencée de la vie. Leur existence est pour le monde romain, le monde des lois et des chiffres, le monde de la domination et de la soumission, en un mot, pour Hérode, la provocation absolue. Les autres légions, les autres armes, les autres conformismes, les autres totalitarismes et intégrismes ne font pas peur à l’« ordre romain». A tout cela il sait se mesurer. Il sait rencontrer son pareil. Ce qui l’effraie, le met en émoi, c’est le « tout autre », c’est la radicalité de l’amour, dans ce qu’il a de plus fragile, de plus insaisissable: l’enfant! L’Évangile de saint Matthieu nous dit l’émoi qui s’empare d’Hérode en apprenant la naissance de l’Enfant Roi. Que faire ? Et si les hommes allaient vouloir sortir soudain de l’esclavage, des jeux exquis et ignobles de la soumission et de la domination ? Que faire si les mercenaires de l’Empire allaient percevoir le murmure de l’autre réalité, la toute petite musique ? Que faire s’ils allaient se réveiller de leur amnésie et se souvenir de leur dignité ? Contre tout cela, l’ordre romain n’a pas d’arme, il n’a que la peur, c’est-à-dire la violence. « Quand vous l’aurez trouvé, dit Hérode aux Rois mages, avisez-moi afin que j’aille moi aussi lui rendre hommage. » (Matthieu, 2-9.)

Phrase terrifiante, Hérode, tout comme ses émules d’aujourd’hui, pense au fond de lui-même: « En guise d’hommage, si je mets la main sur lui, je le tuerai, je le détruirai, je l’effacerai du livre du monde afin que rien ne vienne troubler l’ordre de l’âge du fer, l’ordre du pouvoir et du fric. »

Christiane Singer, Où cours-tu ? Ne sais-tu pas que le ciel est en toi ?, Albin Michel, 2001, en Livre de Poche, p.104-105.

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