Prédication 17 septembre 2017- jeûne fédéral – Prière de Nicolas de Flüe (Ps 46,11; Mt 6,33 et Mt 4,1-4)


Beaucoup disent que Nicolas a sans doute été le plus grand prophète de Suisse, dont le message et la vie continuent à parler à tous, toutes tendances confondues. Pourquoi ce paysan, ce magistrat, père de 10 enfants décide-t-il un jour de vivre en ermite, à 500 mètres de sa maison, alors que son dernier enfant n’a que quelques mois ? Comment comprendre son jeûne de 20 ans ?

  1. Ecoute (fais silence) et reconnais que je suis Dieu – Psaume 46.

C’est sur la voie du silence et de l’écoute que nous entraine Nicolas. Il a lui-même choisi de se retirer dans un endroit plein de beauté et de silence. Je crois que le plus grand défi spirituel de notre temps est d’apprendre à faire silence. Nous sommes sans cesse confrontés à un environnement pollué par les décibels. Mais aussi par les voix en nous-mêmes, nos pensées, nos sentiments, nos impulsions… Le silence est la condition sine qua non pour rencontrer le Père, qui nous attend, là, dans le secret de notre chambre. J’avoue : c’est une discipline que de faire silence pour être à l’écoute.

Nicolas se retire dans le silence pour écouter. Il se prive de nourriture pour se nourrir autrement : il écoutait Dieu lui parler tous les jours à travers sa Parole qu’il entendait à la chapelle : « l’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». Il a tout quitté pour servir Dieu autrement, pour lui appartenir autrement. Il quitte son chez lui pour un nouveau chez lui où il va vivre en complète dépendance de Dieu et à son écoute. Parce qu’il était un homme qui savait écouter, bientôt le monde viendra à lui. La Providence l’a choisi pour éviter une guerre fratricide entre les cantons de la Suisse d’alors. Sans lui, la Suisse n’existerait sans doute pas telle qu’elle est aujourd’hui. Je le crois : Dieu établit son Règne à travers des personnes qui l’écoutent et qui vont travailler avec lui.

  1. Du « il faut » à « tu es » : être dans sa présence

Faire silence n’est pas une invitation à nous arrêter pour écouter tout ce qui grouille en nous, dans un regard tourné vers nous-mêmes. La spiritualité chrétienne invite au silence pour tourner notre regard vers Dieu. Il est tourné vers nous dès lors qu’on prend Dieu pour celui qui va (ou doit) nous donner tout ce qu’on désire. Nos prières sont pleines de « il faut » liés à notre bien-être qu’il soit matériel, physique ou spirituel (ex. il faut être bien, apprécié, reconnu, heureux, intelligent, gentil, serviable, etc.). Paul appelle tout cela les désirs de la chair, des désirs centrés sur soi et pour soi qui satisfont notre ego, mais qui ne peuvent jamais nous satisfaire, de sorte que nous sommes toujours frustrés en restant sur notre faim…

Mon regard est tourné vers Dieu quand je me réjouis de qui il est d’abord. J’accueille Dieu gratuitement, non pas pour qu’il fasse quelque chose, mais pour être dans sa présence. Pour nous laisser rejoindre par son amour qui nous suffit. Un regard tourné vers Dieu prie ainsi : « Seigneur, qui es-tu ? Viens te révéler ! Viens nous parler de toi, viens partager ton être, ta vie, tes désirs, tes idées. Viens ouvrir ton cœur à nos yeux, pour que nous puissions te reconnaître et t’aimer ». Le jeûne de Nicolas renverse nos critères, nos idées de nos besoins. Une façon de dire « je ne veux pas me laisser asservir par ces « il faut » ; j’accepte de renoncer à ce qui fait ma vie de tous les jours pour pouvoir diriger mon regard sur toi et vivre de ta présence/amour ».

Nicolas devient suffisamment libre pour renoncer à ces illusions dont nous pensions qu’elles nous rendraient heureux et dont nous sommes devenus dépendants. Nicolas est la preuve qu’en entrant dans une dynamique autre, de dépendance à Dieu, que c’est lorsque nous ne sommes plus asservis par ces « il faut » que nous devenons au contraire toujours un peu plus libres. Libres pour quoi ? Pour aimer le Seigneur de tout notre cœur, le servir en toute liberté, nous retrouver et nous aimer nous-mêmes et notre prochain… Libres de cesser de rechercher ces petites joies conditionnelles et éphémères qui viennent des hommes et non de Dieu pour accéder à une autre Joie, donnée par Dieu. Tel est le sens de sa prière. Elle reflète ce désir d’appartenir totalement à Dieu en qui il trouve, en qui nous trouvons notre vraie joie.

  1. La prière de Nicolas : une prière radicale

Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi tout ce qui m’éloigne de toi.

Nicolas a ce désir de faire de la place pour Dieu, que Dieu fasse de la place en lui. Pour être rempli de Dieu et de vivre la pleine réalité du royaume il y a comme un grand débarras à faire. La radicalité de la prière réside en ceci : il ne dit pas « enlève-moi un peu de ce qui m’éloigne de toi mais bien TOUT ! Ni « Enlève ce qui de toute façon ne me convient pas et qui devient pénible », mais bien TOUT. Tout : cela signifie les mauvaises choses comme notre égoïsme, notre avarice par ex. Mais il y a aussi ce que nous considérons comme de bonnes choses et qui peuvent empêcher une vraie relation entre Christ et nous : une vie tranquille, un bon travail, une vie de famille agréable, un hobby sympa… Nous tombons vite dans la suffisance, plus grand ennemi de notre foi. Toutes ces choses nous suffisent et nous empêchent d’aller plus loin, de chercher autre chose, d’avoir soif du royaume de Dieu. Mais on constate un jour que tout cela ne suffit plus. Comment voulez-vous remplir une bouteille d’eau déjà pleine ? Le vide peut nous paraitre horrible, insupportable et nous faire peur car tellement inhabituel mais c’est dans ce vide que Dieu peut amener les choses d’en haut, de son royaume.

Ces choses deviennent mauvaises quand elles nous éloignent de Dieu, quand nous les cherchons plus que tout, au-dessus de tout et que cela en est même devenu le centre absolu de notre vie et que tout le reste, Dieu y compris, doit s’y soumettre. Quand elles prennent la 1ère place dans notre vie et même remplacent Dieu, elles deviennent des idoles. Qu’est-ce qui m’éloigne de Dieu ou en tout cas m’empêche/freine ce rapprochement aujourd’hui ? Parfois c’est évident (trop sur les écrans), parfois c’est plus subtil (je suis dans le faire et non plus dans l’être avec…). Nous sommes invités à faire un tri sérieux, non par obligation, mais parce que je reconnais ces choses comme des pièges.

Mon Seigneur et mon Dieu, donne-moi tout ce qui me rapproche de toi.

Qu’est-ce que Dieu peut nous donner pour être plus proche de lui ? Paix, joie, amour. Pas ceux que le monde offre et qui sont artificiels et temporaires, qui me suffisent et qui ne me nourrissent pas vraiment. (Re)donne-moi surtout la SOIF ! Crée la soif en moi. Une grande soif de toi, de ton royaume et de tout ce qui viendra de toi. Quand Dieu crée la soif, il y a un peu plus de place.

Mon Seigneur et mon Dieu, enlève-moi à moi-même, et donne-moi tout à toi.

Il ne s’agit pas de perdre son identité, de fuir ce monde ou de vivre détaché de la réalité humaine. « Enlève-moi à mon faux moi », mon moi emprisonné dans la prison de la suffisance et des « il faut ». Nicolas sait que, en étant donné à Dieu, il va enfin se trouver lui-même, devenir lui-même. L’exaucement de cette prière c’est Paul qui la traduit le mieux quand il dit « ce n’est pas moi qui vit mais Christ qui vit en moi ». Paradoxalement, c’est quand je suis tout à Dieu, que Christ vit en moi, que je peux prendre ma place, la vraie, dans ma réalité humaine. C’est en étant totalement donné à Dieu que Nicolas pourra devenir une aide pour le monde et notamment, face à la menace du moment, être un artisan de paix au nom de Jésus son seigneur. C’est ainsi que je deviens partenaire du Christ, un outil aiguisé dans la main du Saint-Esprit.

Conclusion : Il ne dit pas : « MOI, j’enlève tout, je prends, je donne ». Par lui-même il n’en est pas capable. Il sait qu’il ne le peut pas. Nous ne le pouvons pas. Personne ne l’est. Nicolas s’en remet à Dieu pour exaucer cette prière.

« TOI seul, Jésus mon sauveur et mon Dieu, tu es capable de me faire rentrer dans cette vraie liberté. Toi seul tu peux m’attirer à toi et me faire vivre. Toi seul tu peux m’arracher à la prison que je suis devenu pour moi-même. Toi seul tu peux m’enlever à toutes mes illusions et me rendre à moi-même en passant par toi et ta réalité ultime. Toi seul, tu peux me permettre de me voir et de voir l’autre différemment. Toi seul tu peux me permettre de te chercher et de te trouver pour t’aimer de tout mon cœur, te servir en toute liberté, nous retrouver et nous aimer nous-mêmes et retrouver et aimer notre prochain ».

Pour aller plus loin

  • Qu’est-ce qui autour de moi et en moi parasite l’écoute ?
  • Qu’est-ce qui m’éloigne de Dieu ou en tout cas m’empêche/freine ce rapprochement aujourd’hui ? Suis-je prêt à l’abandonner ?
  • De quels « il faut » suis-je prisonnier ? Comment s’en sortir ?
  • Suis-je un(e) assoiffé(e) de Dieu ? Comment le devenir davantage ? Pourquoi ?
  • Quand ai-je été tout à Dieu et un outil aiguisé dans sa main ? Fais-en ta prière !

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