Prédication sur Da 3 et 1Pi 3,21-4,2.

Le chrétien face à la modernité : liberté et refus des jeux de pouvoir.

 

Bien-aimés du Christ Jésus.

Je reprends ce matin ma thématique le chrétien face au défi de la modernité. Je l’avais abordé à l’aide du prophète Daniel, vous vous en souvenez.

Petit rappel : Daniel et ses compagnons font partie du 1er groupe de juifs déportés en Babylonie par Nabuchodonosor. A l’époque, Babylone c’est la capitale du monde moderne, en avance technologiquement, administrativement, militairement. Ils sont enrôlés et formés à l’école babylonienne pour intégrer l’élite qui sera porteuse des valeurs de l’empire auprès des vaincus. Nous l’avons vu : ils vont s’adapter à ce choc civilisationnel, culturel et religieux ; ils s’intègrent, MAIS refusent de se laisser dicter leurs valeurs profondes ; loyaux au roi Nabuchodonosor, ils restent libres et refusent de lui dire ce qu’il a envie d’entendre. Ce qui leur vaudra tantôt le respect du roi tantôt sa colère.

Cela dit, notre thème étant le chrétien face à la modernité, qu’est-ce donc la modernité ? Voici comment Wikipédia la définit : La modernité est un concept désignant l’idée d’agir en conformité avec son temps et non plus en fonction de valeurs, considérées de facto comme ‘dépassées’. (…). Lié aux idées d’émancipation, de croissance, d’évolution, de progrès et d’innovation, le concept de modernité constitue l’opposé (…) des idées d’immobilisme, (…) de stagnation et d’attachement au passé[1].

En fait, à chaque époque sa modernité. La modernité c’est d’une certaine manière ce qui nous pousse au changement motivé par le progrès. Regarder en avant et pas en arrière. La modernité nous impose une redéfinition constante de qui nous sommes, et aussi de la place que nous occupons dans le monde. Elle nous interroge sur quel monde nous voulons construire. Elle veut aussi re-calibrer les valeurs – et c’est là qu’est le problème. Parce qu’il y a des valeurs qui ne se négocient pas, même avec le temps.

Dans ce chapitre 3, les compagnons de Daniel qui occupent des postes à responsabilité, qui sont des hauts-fonctionnaires de l’empire sont attaqués et intimidés dans leur liberté de conscience. Et à ce moment-là, ils disent non. Cette liberté est une valeur innégociable pour eux. Non à la loyauté aveugle demandée et non à l’intimidation pratiquée. Aujourd’hui, on parlerait de mobbying.

J’aimerais m’arrêter un instant sur cet aspect. Le chrétien n’est pas appelé à être un nein-sager ou un dinosaure arriéré. Le chrétien n’est pas forcément appelé à se construire contre les autres. Il y a une modernité, un progrès qui ne sont pas malsains : la médecine fait des progrès, la science découvre de nouvelles solutions, la neuropsychologie met en lumière des fonctionnements de notre cerveau qui explique soudain certains comportements, etc. Là où la modernité pose problème, c’est quand elle veut faire taire ses contradicteurs, quand elle balaie d’un revers de la main ce qui ne pense pas comme elle, quand elle fait un procès d’intention à ceux qui sont pour un monde et un mode de vie alternatif. Quand elle se fait totalitaire. Et là, à l’exemple des compagnons de Daniel, nous sommes invités à dire non.

La modernité est dangereuse et toxique quand elle pratique l’intimidation à l’égard de qui ne veut pas suivre son mouvement. L’intimidation est une arme qui révèle la faiblesse intrinsèque de qui l’utilise. Jésus n’utilise jamais l’intimidation. Jamais. Car l’intimidation est incompatible avec l’amour. Elle n’est rien d’autre que de la manipulation, l’une des stratégies préférées du diable dans l’Ecriture.

Les compagnons de Daniel opposent à cela leur liberté. Ils ne menacent pas, ils ne se fâchent pas, ils ne gesticulent pas. Ils disent simplement non. Cette force de conviction contraste avec l’agitation des moutons de service qui veulent leur porter préjudice et les intimider. Et cette force d’où leur vient-elle ? Regardons de plus près.

Les compagnons de Daniel n’entrent pas en argumentation avec le roi. Il n’est pas question de convaincre, de vouloir avoir raison. Il est question de rester droits dans ses bottes. C’est tout. En faisant cela, ils se refusent à tout jeu de pouvoir. Ils y échappent. C’est d’ailleurs ce qui rend fou le roi. Même si Dieu ne fait rien pour les sauver, ils lui resteront fidèles. Vous remarquez qu’ils agissent comme Jésus devant Pilate. Et comment cela se fait-il? Ne serait-ce pas du fait d’une conviction profonde d’être aimé de Dieu ? Jésus se situe aussi hors pouvoir : Pilate, tu n’as aucun pouvoir sur moi… Tu veux me tuer… Vas-y… J’échappe à ton pouvoir… Conviction d’être aimé d’un amour plus fort que la plus subtile des intimidations.

Et plus impressionnant encore c’est que les compagnons de Daniel, tout comme Jésus face à la Croix, refusent de faire entrer Dieu dans une lutte de pouvoir. Dieu règne, Dieu les aime, Dieu est digne de leur confiance, même s’il ne les délivre pas. Le règne, l’amour de Dieu ne se mesure pas au bénéfice immédiat que j’en retire. Dieu règne, Dieu aime. C’est tout. A l’Ascension, Jésus retourne au Père, il siège en souverain à la droite du Père, il a vaincu la mort, il a vaincu le maître de la manipulation, il a vaincu le maître du mensonge, il a vaincu celui qui s’évertue à te faire croire que le salut est en l’homme et ses exploits, en l’homme et ses progrès. Jésus règne éternellement. Les apôtres comme Jean, exilé à Patmos par les Romains, en étaient convaincus, malgré leurs circonstances immédiates. Jésus règne, mais son règne est tel qu’il n’intimide pas, ni ne menace, ni n’écrase. Il règne tout en nous laissant totale liberté de faire de notre vie ce que nous voulons. Il règne en nous invitant à mettre à profit notre vie pour honorer sa confiance et notre prochain de notre service. Comme dirait certains jeunes : le règne de Jésus n’en jette pas. Mais Jésus, dans son amour, règne avec la volonté de nous dire de préserver l’image, son image qu’il a déposée en chacun et chacune de nous. Jésus nous montre qui est Dieu : Dieu fondamentalement libre, au point de mourir par amour, pour nous dire que nous lui sommes plus précieux que sa propre vie. Dieu qui meurt pour nous inviter à prendre conscience du mal menaçant notre liberté. Dieu qui meurt et ressuscite parce que pleinement souverain et mettant en avant la sacralité de notre dignité d’être humain créés à son image.

Parce que Dieu nous a créés à son image, pour être libres, nous sommes invités à ne pas nous soumettre sans discernement aux instances de pouvoir promouvant la modernité, c’est-à-dire le suivisme des tendances actuelles, des modes de pensée du jour, de la vision du monde actuelle. Parce que Dieu nous a fait à son image, nous sommes appelés à ne pas nous soumettre sans esprit critique aux nouvelles technologies qui prétendent nous faciliter la vie, mais qui de fait nous asservissent et nous mettent à leur service, et nous obligent à entrer dans leurs modes de fonctionnement. Quelle vision de l’humain se trouvent derrière une digitalisation à outrance ?

Quelle vision de l’être humain se cachent derrière cette volonté de généraliser le don d’organes ? Serait-ce que le corps humain est réduit à une boîte à outils ou à un stock de pièces de rechanges ? Ou serait-ce réellement un amour de la vie d’autrui ? A moins que ce soit encore une fois le souci d’efficacité technique comme dirait Jacques Ellul. Qu’est-ce qui se cache derrière cette vision de l’homme gommant les genres et s’amusant à vouloir inventer un genre neutre en français – le fameux iel combinant il et elle… ? Quelle vision de l’humain se cache-t-elle derrière la volonté de banaliser l’avortement et d’en faire une démarche anodine ?

La modernité veut nous pousser en avant en nous faisant oublier nos racines ; elle veut nous faire oublier la source de notre être, l’Amour du Christ à la base de notre dignité ; elle veut nous faire oublier la raison même pour laquelle le Seigneur nous a créés, en nous faisant oublier le fait que nous sommes porteurs de l’image de Dieu, qui fait de nous des êtres sacrés. Quand nous sommes invités à avancer avec la modernité, posons-nous la question : ce qu’on veut faire de moi, le monde qu’on est en train de construire, le projet de société qui nous est proposé (je devrais dire imposé), correspond-il à ce que notre Dieu a voulu en tant que Créateur ? Correspond-il au projet que le Dieu de la Bible a pour ce monde ? L’intimidation cherche toujours à réveiller le mouton qui sommeille en nous.

Je conclus par ses paroles de Paul aux Colossiens : Ne nous laissons pas déporter hors de l’espérance de l’Evangile que nous avons entendu (Col 1.23). Jésus, mort et ressuscité, par amour pour nous, pour sauver l’image sacrée de Dieu. Jésus règne. Jésus est souverain. Et mieux encore : Jésus habite en toi par son Esprit et là il veut étendre sa paix. La puissance de Dieu ne se limite pas à ce qu’il t’en fait voir, il ne se limite pas aux bénéfices immédiats que tu peux en tirer. C’est notre espérance. C’est notre confiance. C’est ce qui nous rend libres et dérangeant pour les moutons de service.

Amen.

 

[1] Wikipédia article Modernité.

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