Le Notre Père (NP) = modèle de prière et de spiritualité. Contexte du Sermon sur la Montagne (SM) : Jésus encourageait chacun à analyser les motivations qui les poussaient à donner, prier et jeûner. Les disciples savaient prier. NP = prière polémique par rapport à celle des pharisiens hypocrites et des païens. Il oppose ici deux modèles de prière et de spiritualité. Nous verrons donc quelle est la spécificité, l’originalité, et la nouveauté de la prière de Jésus.
1° Hypocrites et pharisiens : un modèle centré sur soi
A. Quand tu pries ne sois pas comme les « hypocrites ». Les pharisiens priaient aussi publiquement mais Jésus dit qu’ils le faisaient pour être vus. Ils recherchent en quelque sorte l’approbation de ceux qui les écoutent et leur propre gloire. Les juifs priaient aussi à heure fixe partout où il se trouvaient (maison, rue, champ) et la tentation était grande de prier ostensiblement en recherchant les murmures admiratifs des gens… Jésus dit que ces personnes trouvent leur récompense dans l’admiration des gens.
Jésus ne remet pas en question la prière publique puisque lui-même a autant prié en public qu’en s’isolant. Quand Jésus dit « va dans ta chambre… », il oppose une attitude formaliste à une véritable communion, un cœur à cœur avec Dieu en privé. S’il est hypocrite c’est parce qu’il prie en public mais néglige en fait une authentique communion avec Dieu. Il y a discordance entre sa religiosité extérieure et sa vie intérieure. Question : si nous prions uniquement quand les autres peuvent le remarquer, qu’est-ce que cela signifie ? Que ce n’est pas nécessairement à Dieu que nous nous adressons…
Car il n’y a qu’une seule chose qu’on ne fait pas pour le spectacle, c’est la prière secrète. Tout le reste, les autres peuvent le voir. Mais ça, c’est la seule chose que vous pouvez faire juste pour Dieu, juste pour lui. Pas pour quelqu’un d’autre, pas même pour vous-même : juste pour Lui. Parce que la prière ce n’est pas se tenir devant des hommes, mais se tenir devant le Père qui te voit et te connaît. Sans faux-semblant.
L’hypocrite est plein de faux-semblant, il est dans le paraître mais le disciple se réjouit de et dans la seule présence du Père. Ce qui donne à la prière sa vraie valeur ce n’est pas la présence des autres mais celle de Dieu qui est présent aussi en l’absence des autres. C’est essentiellement une affaire entre Dieu et moi.
B. « Païens » : quand vous priez ne multipliez pas les paroles. Jésus évoque des prières répétitives qui sont de l’ordre de l’incantation dans le but de faire pression et forcer les divinités à écouter pour leur arracher un exaucement. En fait le païen ne prie pas, il commande à Dieu et lui donne des ordres. Il ne sert pas Dieu, il veut être servi. « La prière doit rendre à Dieu sa place de Seigneur et à nous notre place de serviteurs » (Alphonse Maillot).
Parfois nous aussi les chrétiens, face à toutes nos peurs et besoins, nous avons cette tendance à répéter et multiplier paroles, gestes, rites, etc. en pensant que Dieu finira bien par agir et céder aux ordres d’enfants capricieux ! Le père sait ce dont vous avez besoin : cela ne signifie pas qu’il faut cesser de lui faire part de nos besoins. Mais Jésus nous invite à venir au Père d’abord pour qui il est et non l’utiliser pour obtenir ce que nous voulons. Prière ≠ négociation syndicale ! Si le païen savait à qui il s’adressait il cesserait de rabâcher…
2° Un autre modèle: Notre Père, qui es aux cieux…
Le disciple est invité à prier différemment. Il ne commence pas par « moi, moi, moi ; moi je ; moi mes besoins ; moi mes soucis ». Notre Père…que TON nom soit sanctifié, que TON règne vienne, que TA volonté soit faite. Nos besoins ne viennent qu’après ! Parfois on vient vers Dieu avec notre liste de courses et avec tous nos problèmes sans même lui dire bonjour. Comme dans les magasins parfois ! « Je voudrais ceci ! (Vendeur) Euh… bonjour monsieur ! Ah oui, pardon, bonjour ! ». Cela ne vous est jamais arrivé ? Voilà comment on traite le Père…comme un vendeur qui serait là juste pour nous servir…!
Jésus nous dit : viens au Père pour le désirer Lui, pour le demander Lui, pour l’expérimenter Lui d’abord. Quand je viens dans la prière est-ce pour Lui d’abord ? Est-ce notre objectif principal ? Tout le reste est secondaire ! Souvenez-vous : Jésus a dit à Marthe : tu t’agites pour peu de choses, Marie a choisi la bonne part, la seule qui lui est nécessaire… Au Ps 27,4 David dit : « Je demande à l’Éternel une chose, que je désire ardemment : Je voudrais habiter toute ma vie dans la maison de l’Éternel, Pour contempler la magnificence de l’Éternel et pour admirer son temple ».
David était roi : il avait besoin de choses telles que sécurité, protection et succès MAIS… ce n’est pas ce qu’il demande en premier… Donc pour résumer allons au Seigneur dans le cadre d’une relation d’amitié (échange, partage désintéressé). Nous ne pouvons rien demander avant d’avoir recherché et fait l’expérience de son amitié, de sa sainteté et de son amour.
Vous me direz : « oui, mais nous avons aussi des peurs, des besoins, des soucis, des demandes en tout genre (santé, relations, argent, etc.) ». Oui ! Jésus le sait bien ! Dans nos peurs et besoins, Jésus nous invite à considérer non seulement l’amitié mais aussi la Seigneurie de Dieu. La prière commence par Ton nom, ton règne, ta volonté… et pas « mon pain ». Si nous commencions notre prière avec la demande du pain quotidien est-ce que nous nous sentirions moins inquiets ?
Tant que nous n’avons pas mis ou remis le Seigneur à la 1ère place, alors nous ne connaîtrons pas la paix. En effet la source de toute peur, inquiétude et anxiété(de manquer par ex.)c’est quoi ? Nous ne connaissons pas Dieu comme un Père qui règne, dont le nom est saint et la volonté est bonne ! Nous nous inquiétons parce que nous avons oublié sa bonté et sa sagesse. Nous avons perdu de vue qui il est et ce que nous sommes pour lui…
Il est Notre Dieu, nous sommes ses enfants. La prière c’est reconnaître sa Seigneurie c.-à-d. que nous sommes invités à le remettre à sa place de Dieu que nous ne sommes pas ! Tu es Dieu, je ne le suis pas ! Tant que je ne le crois pas, alors je serai toujours dans la peur, l’anxiété, la culpabilité, à chercher à être à la hauteur voire à être mon propre sauveur ! Je dois changer de perspective. Notre vie de prière sera terne, machinale, religieuse, païenne et nous serons toujours aussi anxieux tant que nous ne saurons pas qui il est et ce que nous sommes…
3° Ses enfants !
Dans le SM Jésus enseigne à ses disciples que leur vis-à-vis c’est le Père. Si Dieu est Père cela fait de nous ses enfants. Nous prions le père en étant conscients d’être sa fille/son fils. Tout ce que nous faisons, nous le faisons dans le cadre d’une relation père-enfant. Pas maitre-esclave. Pas roi-serviteur. Pas boss-employé. Mais Père-enfant : cela change tout !
Ce vis-à-vis père-fils/fille est possible grâce au principe de l’adoption. Dans le NT quand nous recevons Christ comme sauveur, Dieu nous adopte, nous accorde sa filiation : qui que nous soyons, riche ou pauvre, homme ou femme, et nous obtenons les droits qui sont ceux d’un enfant. Vous vous souvenez à quel point Dieu aime Jésus ? Jusqu’où il est allé pour nous sauver ? Quel honneur et quel amour le père a manifesté envers son fils ? Eh bien la Bible nous dit que Dieu ne fait pas de distinction entre son Fils Jésus et nous ses enfants adoptifs ! Il nous aime de tout l’amour qu’il aime son fils Jésus !
Quand nous croyons cela nous n’avons pas à nous inquiéter (de savoir s’il nous aime et prendra soin de nous) ni à nous apitoyer sur nous-mêmes ! Cela ne peut que nous motiver à rejoindre le Père dans la prière avec joie et confiance assurés de la bonté, de l’écoute, de la fidélité, de la bienveillance et de l’amour inconditionnel de Celui qui pourvoira à nos besoins. Plus nous avons conscience de cet amour plus nous aurons ou retrouverons le goût et le désir de prier.
La différence entre le disciple et les autres c’est que le disciple va vers son Père par amour et non par intérêt. Il sait que Dieu ne lui doit rien mais qu’il lui doit tout. Pas d’abord pour obtenir quelque chose mais gratuitement parce qu’il nous a tout donné. Quand le disciple n’est pas exaucé (bien que toujours entendu), Dieu reste son Père. Celui qui se sert de Dieu et veut être servi par lui l’envoie balader s’il n’est pas exaucé.
C’est pourquoi le disciple ne commence pas sa prière par ses revendications et ne s’adresse pas à lui uniquement en cas de problème ou parce qu’il lui manque quelque chose. Il commence par l’adoration. Il ne commence pas par parler de lui-même et de ses besoins. Mais il se tourne vers son Père dans la louange et la reconnaissance en l’invoquant pour ce qu’il est : « Toi, mon Père qui m’aime, me voici ! ». En effet le disciple s’approche du Père pour être dans la présence de Celui qui comble son cœur.
L’hypocrite et le païen ignorent qui est Celui devant qui ils se tiennent dans la prière. Sinon ils ne babilleraient pas. Mais le disciple sait. Je sais qui il est. Tu sais qui tu es pour lui et à quel point il t’aime. Notre cœur peut être en paix et notre prière devenir autre chose qu’une liste de course : elle devient une rencontre qui nous permet de prendre pleinement conscience de la réalité de notre filiation divine.
Retrouvons la joie d’être dans la présence du Père d’abord. Et après, mais après seulement être venu à lui dans l’adoration, une fois après s’être approché de lui, reconnu son amitié et sa seigneurie, nous pourrons offrir nos demandes au Père avec confiance. Tu peux t’approcher avec confiance de Celui qui te connaît et connaît tes besoins. Question : le crois-tu ?
Prière : Père, ce matin nous devons nous reposer la question : suis-je un disciple qui sait à qui il s’adresse quand il prie ? Et pourquoi il prie ? Si je suis dans la peur c’est que j’ai peut-être perdu de vue cette relation filiale, ton amitié et ta Seigneurie…Pardonne-moi… Je te prie de m’aider à garder ou retrouver si nécessaire cette joie et ce désir d’être dans la présence de mon Père d’abord. A venir à toi dans l’adoration et non la revendication. Dans la confiance du fils devant son Père qui sait quels sont mes besoins et me connaît. Par ton esprit, rends-moi la joie du fils devant son père, dispose-mon cœur afin que je devienne celui qui cherche et célèbre avant tout ton amitié, ta sainteté, ta royauté et ta volonté bonne…Amen
