Ce récit de l’Évangile de Luc (4,16-30) introduit le ministère de Jésus. Le voilà à la synagogue qui lit ce passage d’Ésaïe. Ce passage dans son contexte décrit la délivrance d’Israël après l’exil à Babylone. Mais étant donné qu’Israël vit encore sous le joug romain, ce passage était davantage considéré comme une prophétie qui évoque la mission du futur Messie.
Depuis le début de son Évangile, Luc dit à plusieurs reprises que l’Esprit est sur Jésus. Et quand il lit « Il m’a consacré par onction » et rajoute « cette parole s’accomplit aujourd’hui », c’est comme s’il disait : « Moi Jésus, je viens réaliser la promesse faite par Ésaïe ». Ce texte l’identifie donc comme Messie, Christ (litt. oint, consacré). Ce « programme messianique » de salut s’accomplit dans l’aujourd’hui de la présence et des actes de Jésus.
L’Évangile de Luc présente ici ce que nous pourrions appeler la pratique libératrice de Jésus ! Jésus vient accomplir une œuvre de libération et de guérison annoncé par le prophète Zacharie. Si l’Esprit repose sur lui c’est bien pour nous dire qu’avec Jésus la puissance de Dieu est de nouveau active et visible dans le monde et dans l’histoire. Cette puissance, ce programme de libération va se concrétiser dès le chapitre 5 au travers d’une série de miracles, de délivrances mais aussi par son enseignement et des actes de compassion.
Jésus vient donc « annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ». Mais de qui parle-ton ? le terme grec évoque un mendiant recroquevillé de honte (cf. Lazare en 16,20) qui a les mains vides. Spirituellement, les pauvres reconnaissent en eux un manque, ils n’ont rien pour se faire valoir devant Dieu et ils sont suffisamment humbles pour reconnaître à quel point ils ont besoin de Dieu. Les auditeurs pensent que Jésus parle d’eux : « après tout c’est nous les opprimés ». Mais Jésus va les contrarier en évoquant deux personnes : la veuve de Sarepta et Naaman le syrien.
La 1ère est matériellement pauvre, pas le 2ème. Mais vous n’avez pas besoin d’être littéralement pauvre pour recevoir le salut. Ces deux personnes sont toutes deux pauvres c.-à-d. qu’ils sont dépendants de Dieu seul pour leur salut. Jésus dit qu’il est venu pour ce genre de personne considérée par les juifs comme des païens, des idolâtres, des immoraux, des étrangers, des hérétiques, des « pas-comme-nous », des parias exclus et rejetés socialement et spirituellement parce qu’ils sont en dehors de tous les standards religieux et moraux de l’époque.
Or Jésus vient pour eux, pour ces pauvres, ces accablés dont il est dit qu’ils sont aussi captifs, affligés, enchaînés, etc. les désespérés pour qui il n’y a pas de salut…Mais Jésus va changer la donne ! Ils sont l’objet d’une Bonne Nouvelle ! Oui, l’Évangile, la Bonne Nouvelle est pour eux, d’abord pour eux ; pour ceux qui comprennent qu’ils sont et se savent spirituellement rejetés et exclus ; ils savent que Dieu ne leur doit rien ; ils ne peuvent se justifier devant Dieu par leur moralité, leurs bonnes œuvres, etc. car ils sont de toute façon loin du compte ; quand ils considèrent leur cœur ils savent que c’est pas joli ; ils n’ont rien de valeur à apporter devant Dieu ; le pauvre sait qu’il dépend totalement de lui car rien dans ce monde ne lui sera source de réconfort…
Le pauvre c’est le publicain repentant qui reconnaît être loin du compte face à un pharisien plein de suffisance. C’est un Zachée riche mais qui reconnaît sa misère et son besoin d’acceptation et d’amour. C’est un fils prodigue à qui le Père redonne sa dignité. Le pauvre est celui qui a et vient les mains vides devant Dieu pour recevoir ce que lui seul peut offrir par pure grâce. Jésus vient donc pour toute personne pauvre, prisonnière, aveugle et opprimée. Pour eux, avec Jésus, quelque chose va changer. Cela change pour tous ceux qui reconnaissent leur besoin fondamental d’un sauveur et de grâce !
Pour proclamer aux prisonniers la délivrance : le terme désigne ici le fait de libérer de l’esclavage ou de l’emprisonnement mais aussi le pardon des péchés. La Parole nous dit que « nous sommes esclaves du péché ». Quand vous êtes esclaves, vous ne faites pas ce que vous voulez (ou vous faites ce que vous ne voulez pas faire). N’avez-vous jamais dit « c’est plus fort que moi ! » au sujet d’une habitude difficile à se défaire ? Jésus sait qu’il y a des choses en nous qui font que nous ne sommes pas libres de faire ce que nous aimerions faire, de l’aimer comme nous aimerions, de faire le bien comme nous le souhaiterions.
Mais Jésus dit : « si le fils vous affranchit, vous serez réellement libres ». Lui seul a la clé ou plutôt lui seul EST LA clé qui ouvre les portes de nos prisons. L’un des premiers miracles de Jésus fut la guérison du paralytique, guérison obtenue par un pardon qui relève.
N’oublions pas que l’ennemi du Christ aussi cherche à nous asservir. Jésus délivrera beaucoup de personnes d’esprits mauvais qui les contrôlaient, les maintenaient dans un véritable esclavage. Or Jésus désire que nous marchions en toute liberté dans le but de mieux l’aimer et le servir ! Et cela l’ennemi ne le veut pas. Il aime nous garder esclave de nos peurs, amertume, colère, etc
Aux aveugles le recouvrement de la vue : Jésus a guéri les aveugles et s’il les délivre de leur cécité physique, il désire aussi nous guérir de nos cécités spirituelles pour connaître la lumière et venir à la lumière. Quand on voit on sait où nous sommes, où nous allons et cela nous permet de marcher en sécurité. Nous pouvons voir les dangers et voir ce qui est mauvais pour nous.
Si le pardon de Dieu est la clé de la liberté, sa Parole est la lumière qui nous aide à cheminer au cœur de cette nouvelle liberté. Jésus dit « celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres mais il a la lumière de la vie » (Jn 8,12). Si le péché nous aveugle, l’ennemi du Christ aussi aveugle notre intelligence afin comme dit Paul que nous ne voyions pas « briller la splendeur de l’Évangile de la gloire du Christ » (2 Co 4,4). L’ennemi aime à distraire et nous détourner du Christ afin que nous marchions dans les ténèbres et non dans la vérité. Jésus désire ouvrir nos yeux car c’est seulement quand nos yeux sont ouverts que nous pouvons voir comment contribuer à rendre ce monde meilleur.
Envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé / Renvoyer libres les opprimés : je mets ensemble ces deux catégories car le mot a la même signification générale. Jésus est venu pour ceux qui ont l‘esprit abattu (Ps 34,19), litt. mis à terre, cassé en morceaux. Nous pouvons être accablé soit par le poids d’un péché qui nous fait vivre dans la honte ou la culpabilité ; soit à cause du mal qui nous a été fait par d’autres personnes ; soit à cause de circonstances de vie blessantes qui nous empêchent d’avancer.
Jésus désire ôter de nos épaules des fardeaux que nous portons et qui sont trop lourds à porter. Et nous n’arrivons pas à trouver le repos. Jésus désire nous enlever ces bagages trop lourds pour nous afin que nous puissions gouter à sa paix et trouver en lui le repos. Tant de récits bibliques témoignent de la compassion du Seigneur qui, par une parole et un toucher, remet en marche, console, fortifie, redonne espoir, dignité et confiance. Mais encore faut-il venir à lui, humblement comme un pauvre reconnaître notre besoin…
Proclamer une année de grâce du Seigneur : Ésaïe 61 décrit la délivrance d’Israël après l’exil à Babylone comme une année de Jubilé. C’est une année où les dettes sont annulées et les esclaves libérés. Tout comme ce Jubilé initie un nouveau départ, Jésus est celui qui proclame un nouveau départ. C’est possible grâce à la croix.
La croix permet ce nouveau départ. Elle nous délivre de la puissance du péché par le pardon qu’il accorde et que nous recevons quand nous nous reconnaissons pauvres et dépendants de ce cadeau qu’est la grâce. Et à la croix, l’ennemi a été rendu impuissant, il a été vaincu. Nous pouvons donc venir à Jésus avec confiance afin qu’il nous libère de l’action de l’Ennemi. Cette liberté nous est donnée et il nous faut maintenant la saisir et marcher dans cette nouvelle liberté.
Je conclus. Ce programme, cette œuvre de libération que Jésus accomplit, c’est le ministère qui est désormais confié à l’Église toute entière. Pour le dire autrement la mission de l’église aujourd’hui n’est rien d’autre que l’extension de la mission de Jésus ! Jésus nous envoie avec l’aide et le secours du Saint-Esprit qu’il nous donne pour prendre le relai et accomplir la mission qu’il assigne à nous, son Eglise :
- Annoncer l’Évangile à tous ceux qui se savent et sont pauvres et poser des actes de compassion qui disent l’amour de Dieu pour chacun de nous ;
- Appeler à la repentance et reconnaître nos aveuglements et proclamer le pardon qui remet debout ;
- Accompagner toute personne qui sait avoir besoin de lui et se sent oppressée dans un ministère de libération et de guérison qui concerne notre être tout entier, corps, âme et esprit ; Il n’y a pas d’autre mission !
Nous voulons être témoins d’un évangile de grâce offert à tous ceux qui savent avoir besoin de lui ; retrouver cette joie de se savoir aimé de Dieu et de lui appartenir comme fille et fils. Des fils et filles libérés pour accomplir ce pour quoi nous avons été créés et appelés ! et Pour quoi avons-nous été créés et appelés ? Aimer Dieu de tout notre cœur, le servir, aimer notre prochain et accomplir ce qu’il nous demande.
Prière : Père, merci d’avoir envoyé Jésus accomplir cette grande œuvre de libération. Nous reconnaissons notre pauvreté et avons besoin de ta grâce. Merci pour ton pardon et ta compassion qui nous ouvrent un chemin nouveau. Viens par ton Saint-Esprit nous visiter et nous restaurer corps, âme et esprit et envoie-nous auprès de ceux qui en ont besoin être témoin de ton action libératrice dans nos vies. Pour ta gloire et notre joie. Amen
Pour aller plus loin : A quel point je me considère « pauvre » devant Dieu ? Sur quel aspect de ma vie, de lui, Dieu a-t-il ouvert mes yeux ? Ai-je besoin d’être libéré d’un fardeau qui me freine dans ma relation à Dieu, mon service pour lui/autrui ?