Prédication sur Jérémie 29,11

Le projet de paix et de bien de Dieu pour toi, c’est maintenant.

Bien-aimés du Christ,

Il arrive parfois qu’on vive des circonstances qui font que la vie n’est pas ce qu’on aurait souhaité qu’elle fut, ou qu’elle n’est pas une vie qu’on estime digne d’être vécue. On se réfugie alors dans une nostalgie de ce qui aurait pu être et n’est pas. Ou on attend un futur meilleur. On subit le présent, on le souffre, on le supporte, comme un fardeau. C’est la situation des destinataires de la lettre de Jérémie dont nous avons lu un extrait.

Ils ont tout perdu, y compris toute perspective d’avenir. Loin de chez eux. Assujettis à une puissance cruelle, celle de Nabuchodonosor, le roi babylonien. Oubliés de Dieu, pensent-ils. Nous pensions que Dieu avait fait alliance avec nous les Israélites et nous voici vaincus…  Il ne reste plus qu’à baisser les bras et attendre que la vie passe. Il n’y a plus rien à attendre de la vie. Et voilà que des prétendus prophètes viennent les encourager en leur disant que ce n’est que passager et qu’il suffit de serrer les dents 2 ans et qu’ils retrouveront leur vie normale, de retour chez eux. Consolation facile du Prends patience ça passera ; tu verras Dieu va agir.

Jérémie vient alors avec un message à contre-courant : cet exile durera 70 ans[1]. 70 c’est aussi un chiffre symbolique : c’est le temps que Dieu a prévu, 7 étant le chiffre de Dieu, de la perfection. 70 ans c’est aussi pour dire que la plupart des déportés ne verront pas le retour chez eux, ils mourront avant. Et Dieu de dire : Donc, vivez… vivez maintenant ; n’attendez pas les jours meilleurs ; ne rêvez pas au passé qui n’est plus. Vivez. Votre vie c’est maintenant. Et il y a au centre de ce passage ce très fameux verset : 11  Moi, je sais les projets que j’ai formés à votre sujet – oracle du SEIGNEUR – projets de paix et non de malheur pour vous donner un avenir et une espérance. 12 Alors, vous m’invoquerez, et vous pourrez partir ; vous me prierez, et je vous entendrai. 13 Vous me rechercherez et vous me trouverez, car vous me chercherez de tout votre cœur.

Les projets de paix, de bonheur, de vie que Dieu a pour toi, pour nous c’est maintenant ; ce n’est pas pour un avenir hypothétique où ça ira mieux. C’est à vivre maintenant.

Jésus dira que l’action de Dieu, son règne c’est comme le levain enfoui dans la pâte pour la faire lever. Le levain tout seul, sans la pâte ça sert à rien, c’est même épouvantable à manger. Le levain c’est pour être mis dans la pâte. C’est dans la pâte qu’il agit. Dieu agit dans la pâte de notre vie, de notre vie présente et réelle. Dans nos difficultés, dans nos déceptions, dans nos chagrins, dans nos souffrances, dans nos limites. C’est là qu’il veut se rendre présent. C’est là qu’il faut le chercher, qu’il se donne à trouver. Le poète savoyard Jean-Pierre Lemaire dit : Il est important de se souvenir que la possibilité de création a son origine dans une situation de vulnérabilité, où l’on est désabrité[2]. C’est dans nos fractures, nos fragilités que Dieu vient agir. C’est ça l’espérance chrétienne, l’espérance biblique. C’est Dieu qui travaille pour nous et en nous dans la nuit de nos circonstances. Il glisse sa vie dans ce qui nous parait être perdu. Comme il a travaillé sur la Croix alors que tout semblait être perdu, alors que l’issue de la vie de son Fils Jésus semblait être un terrible gâchis. Comme Il a travaillé durant les 3 jours où Jésus était dans le tombeau.

Le 1er aspect du projet de vie que Dieu a pour nous consiste à le chercher de tout notre cœur dans notre vie présente et à l’y trouver. Ce qui fait toute la différence. Ne rêvons pas à une autre vie que celle qui est la nôtre. Cherchons les signes de la présence de Dieu dans nos vies. Ouvrons-lui un espace pour agir. Il a promis de se révéler. C’est ça qui amorce le projet de paix que Dieu a pour nous : sa présence vécue auprès de nous.

Le 2e aspect du projet de vie que Dieu a pour nous consiste à le prier. Si nous ne prions pas, comment le verrons-nous agir ? Dieu n’a pas besoin de nos prières pour agir. Mais si nous ne prions pas, il y a bien des chances qu’il agisse et que nous ne le voyions pas. La prière est le signe que je sais que tout ne dépend pas de moi, elle m’évite la présomption. Elle me rend réceptif à Sa Paix et me prépare à l’Espérance.

Le 3e aspect pour Israël était de redécouvrir sa vocation d’être bénédiction et lumière au milieu des nations. Il faudra l’exile en Babylonie pour qu’Israël en reprenne conscience. C’est dans notre vie réelle et non dans la vie que nous rêverions avoir que Dieu veut nous voir briller et être témoin de sa présence et de son action qui nous portent et nous soutiennent. C’est la conséquence de la prière.

Le 4e aspect du projet de Dieu pour nous c’est d’oser la confiance en Lui. Pas une confiance religieuse faisant de nous des croyants qui mènent une double vie, une vie religieuse et une vie quotidienne. Une confiance concrète, qui nous fait agir et nous donne l’assurance que Dieu est avec nous, qu’il marche devant nous.

Jérémie nous en donne l’exemple au chap. 32. Alors qu’il sait que Nabuchodonosor va revenir assiéger une 2e fois Jérusalem et semer la mort, car le roi nommé par les Babyloniens pour régner en Judée s’est révolté contre ses maîtres… Jérémie achète un terrain pour témoigner que la vie sera encore possible, qu’on pourra encore planter et récolter. Jérémie pose un signe de vie et d’espérance. Alors que tous crient sauve-qui-peut, il achète un terrain. A nous de savoir quel signe d’espérance et de confiance nous pouvons poser dans nos circonstances, dans nos circonstances personnelles ou historiques. Je pense à ces hommes et femmes, Israéliens et Palestiniens qui affrontent l’incompréhension et la haine de leur contemporains parce qu’ils travaillent ensemble pour montrer que la paix et le vivre ensemble est possible, que le pardon est possible.

Jérémie appelle les Israélites à travailler pour le bien du peuple qui les a déportés.

Le 5e aspect du projet de Dieu consiste aussi à reconnaître ce qui, dans nos circonstances et difficultés, relèvent de notre responsabilité, de nos disfonctionnements et demander ensuite au Seigneur avec insistance : Guéris-moi, restaure-moi, Seigneur et je serai guéri ; sauve-moi et je serai sauvé (Jer 17,14).

Le 6e aspect du projet de Dieu consiste à se défaire de l’image d’un Dieu magique qui ferait de notre vie une vie sans problème. Jésus n’est pas mort sur la croix pour nous épargner la souffrance, il est mort sur la Croix pour nous dire qu’il nous aime et qu’il est présent à nos côtés dans nos épreuves et qu’il y agit pour en faire surgir la vie, la paix et sa présence.

Refusons de nous fermer à l’espérance du levain qu’est la présence de Dieu à nos côtés, dans notre vie réelle avec toutes ses difficultés. Il est présent et veut agir. Il est présent et agit déjà. Et sa présence veut faire de nous des témoins, pas en parole, mais en acte, avec des actions qui parlent d’espérance.

Car ses pensées pour nous sont des pensées de paix, de bien, de vie, il veut nous donner une espérance qui tienne le coup face aux aléas de la vie et de l’histoire. Son amour et sa fidélité sont ce levain de paix et de vie dans la pâte de notre vie. Son amour et sa fidélité sont ce levain qui fait lever la pâte de notre vie. Pas demain, mais aujourd’hui.

Amen.


[1] Jérémie 25: 12  Mais lorsque ces 70 ans seront accomplis, j’interviendrai contre le roi de Babylone et contre cette nation,  –– oracle de l’Éternel, à cause de leurs fautes, et contre le pays des Chaldéens dont je ferai une désolation pour toujours.

[2] Tiré d’une interview de J-P. Lemaire parue dans le journal Prier n°466, novembre 2024.