Prédication sur le v. de l’année Ps 34.15[1]txt annexes : Mt 6,9 et Ro 12.18-19.

Ecarte-toi du mal et fais le bien, recherche la paix avec persévérance.

J’aimerais méditer avec vous le verset choisi pour être le verset de 2019 : Écarte-toi du mal et fais le bien: Recherche la paix et poursuis-la. Un verset bien actuel au vu de l’actualité. Un verset de l’année qui sonne comme une visite de Dieu à ce monde de plus en plus saisis par des animosités en tout genre. D’ailleurs, depuis leur 1ère parution, les versets de l’année ont souvent sonné comme des visites divines[2], qu’on pense seulement à celui de 2015, année de la crise des réfugiés syriens où avant même tous ces événements, le verset choisi 5 ans plus tôt disait : Accueillez-vous les uns les autres, comme le Christ vous a accueillis.

Écarte-toi du mal et fais le bien: Recherche la paix et poursuis-la. Ce verset ne serait-il pas un avertissement divin lancé à l’attention de nos dirigeants ? Encore faudrait-il qu’ils en aient connaissance et qu’ils le méditent. Les versets de l’année s’adressent aux faiseurs de l’histoire, mais aussi à la communauté chrétienne, à chaque croyant. Et ce verset ne fait-il pas échos au chœur angélique de Noël proclamant : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour ses bien–aimés (Lc 2,14).

Recherche la paix et poursuis-la. La paix c’est quoi en fait ? J’y distingue 3 niveaux.

  • la paix extérieure comme absence de conflit. Cette paix est parfois le fruit d’un rapport de force où l’un domine l’autre[3]. Cette paix-là peut camoufler une dangereuse marmite à pression. Cette paix-là s’apparente à la pax romana ou à la pax americana.
  • la paix intérieure, la sérénité intérieure, cet état qui reflète que je suis en accord avec moi-même et avec le Seigneur.
  • la paix biblique, appelée shalom, est à la fois extérieure et intérieure, elle induit des relations justes et une pacification personnelle, ajoute Nouis[4]. La paix shalom, que le psaume nous appelle à rechercher est une interaction entre la paix intérieure et extérieure. C’est quand l’absence de conflit reflète la paix intérieure.

Recherche la paix et poursuis-la. Poursuivre… c’est comme si la paix n’était jamais acquise… attrapée… saisie une bonne fois pour toute. La paix, elle est toujours à refaire. Ce verset nous invite, durant 2019, à relever le défi de la paix au niveau extérieur et intérieur. Voyons quels chemins David nous propose dans ce psaume.

Arrêtons-nous d’abord à la paix dans nos relations avec les autres.

David nous invite à faire confiance à l’œuvre de Dieu, au fait qu’Il œuvre dans les personnes et les situations, même que cela nous échappe.

Vous vous souvenez, David est pourchassé par Saül qui en veut à sa vie. Et lors de leur 1ère confrontation militaire, David épargne la vie de Saül pour lui prouver son innocence et sa loyauté. Il aurait pu le tuer. Il ne le fait pas, cherche même la paix, car il ne veut pas prendre la place de Dieu dans la vie de cet homme. Il veut laisser le Seigneur faire son œuvre en Saül. Il ne va pas non plus s’emparer de force de la royauté que Dieu lui a promise, car il croit qu’elle lui sera donnée de la manière juste au bon moment. Il nous arrive d’entrer en conflit avec autrui parce que nous  voulons à tous prix imposer notre moule à l’autre, notre idée du bien et du juste. Imposer notre justice à l’autre est souvent destructeur[5].

Paul le dit ainsi : 19  Ainsi donc, poursuivons ce qui contribue à la paix et ce qui est constructif pour autrui. 20  Ne va pas détruire l’œuvre de Dieu pour un aliment, pour une raison égoïste ou de fierté personnelle[6], pour une bêtise. Ou comme dit quelqu’un: Si le Seigneur n’a pas encore transformé telle personne, ne lui a pas encore enlevé telle ou telle imperfection, c’est qu’il la supporte comme elle est. Il attend avec patience le moment opportun. Alors je dois faire comme lui. Prier et patienter. Pourquoi être plus exigeant et plus pressé que Dieu[7]? Cet effort de paix s’appuie sur la confiance en la juste souveraineté de Dieu qui sait faire et obtenir ce qu’il veut au moment opportun ; cette confiance induit une sorte de bienveillance : Abbé Poemen, un père du désert dira que pour jouir de la paix divine le chemin est ne mépriser personne, ne condamner personne, ne dire du mal de personne[8], c-à-d être bienveillant.

Cette confiance en la juste souveraineté de Dieu va aussi contribuer à construire notre paix intérieure. Suivons David dans sa poursuite de la paix. La 1ère chose à relever c’est que David ne vise pas une vie sans problème, sans épreuve : il le dit clairement : Le fidèle endure de nombreux maux, mais le Seigneur le délivre de tous (Ps 34,19). Cela nous montre que David nous invite à rechercher la paix dans notre vie bien réelle, au milieu de tous les défis qu’elle nous présente, entre autre, les défis relationnels. Et pour ce faire, il nous invite à goûter et voir, éprouver et constater combien le Seigneur est bon (Ps 34,8) et peut-être cela passe-t-il aussi par la patience. Car, en voulant forcer les circonstances, nous menaçons et notre paix intérieure et la paix entre nous.

Pour nous aider, je vous propose un chemin face à ce qui menace notre paix intérieure, face aux difficultés qui suscitent notre anxiété, face à ce qui veut voler notre paix. Chemin en 5 étapes courtes et simples :

  1. Lorsque quelque chose veut nous enlever la paix, provoque en nous soucis, inquiétude, etc., osons marquer un arrêt. S’arrêter intérieurement. Se dire : attention, stop, inutile de m’emballer, de me laisser prendre par un tourbillon de pensées, hypothèses, élucubrations, imaginations, suppositions. Marquer un arrêt pour repérer et dire à Dieu ce qui menace de voler ma paix.
  2. Louer Dieu, le remercier pour tout ce qu’il a déjà fait dans notre vie et pour qui il est, le juste et bon Souverain, celui qui a promis que rien ne pourrait nous séparer de son amour, etc.
  3. Proclamer ensuite que Jésus est souverain sur notre vie. Il est celui qui a le dernier mot. N’a-t-il pas déjoué tous les pronostics de malheur au matin de Pâques ? Il est celui qui de la mort tire la vie. Dire haut et fort que Jésus est Seigneur sur ce qui veut m’enlever la paix.
  4. Rappeler en toute simplicité, sans grand discours, au Diable qu’il a été vaincu par Jésus à la Croix et qu’il n’a plus aucun droit sur notre vie, et que nous lui refusons donc le droit de nous voler la paix.
  5. Confier au Seigneur ce qui veut nous voler la paix, le remercier de ce qu’il s’en occupe et faire silence, écouter.

Recherche la paix, poursuis-la. Car elle n’est jamais acquise une fois pour toute. Elle est toujours menacée. Que cela soit entre nations ou que cela soit entre nous individus, en famille, ailleurs, et à l’intérieur de nous-mêmes. En effet, la colère, la vanité, l’égo et l’épée ne sont jamais loin, pour reprendre les mots du maître zen[9].

Recherche la paix, poursuis-la. Voilà ce à quoi le verset 2019 nous encourage. Et Jésus nous répond : Je vous donne ma paix…. vous aurez des difficultés dans le monde, mais prenez courage car j’ai vaincu le monde (Jn 14,27 et 16,33).

Amen.

 

[1] Le titre du psaume nous indique le contexte où David fait cette prière, qui n’est pas anodin, c’est un moment charnière de sa vie. David vient d’échapper à Saül, son roi, qu’il a servi fidèlement, mais qui veut sa mort par jalousie. Il s’est enfui à Gath, ville philistine ; il cherche donc refuge chez ses ennemis, ceux-là même qu’il a combattus et vaincus à plusieurs reprises pour Saül, mais il y va en se déguisant en fou. Vous imaginez le désespoir de David pour qu’il aille se réfugier chez ses ennemis. Au moment où il se rend compte que cette situation pourrait lui coûter la vie s’il était reconnu, il s’enfuit dans le désert de Judée et il est rejoint par une cohorte de mécontents, les gilets jaunes de l’époque, qui vont former une petite armée autour de lui. David devient donc chef d’un groupe paramilitaire.

[2] Pensez qu’en 1936, alors qu’Hitler rayonne comme un dieu et veut consacrer la race germanique avec les JO de Berlin, le verset fut : Personne ne peut poser un autre fondement que Jésus–Christ. Ou en 1939 alors que l’Europe va être plongée dans la tourmente, le verset fut : Ne crains pas, car je t’ai racheté, je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi. En 1990, année de la chute du Mur et du bloc de l’Est : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres. L’aveuglement de l’athéisme communiste fut malheureusement remplacé par l’aveuglement du capitalisme néo-libéral tout aussi athée.

En 2007, année du crash boursier suite à la crise des subprime : En effet, je vais faire quelque chose de nouveau, qui grandit déjà. Est-ce que vous ne le voyez pas ? Oui, je vais ouvrir un chemin dans le désert. Comme si Dieu nous disait alors : vous ne voyez donc pas que votre système financier fait fausse route. A l’époque, plutôt que de se réformer, le système a décidé de faire fondre les intérêts de l’épargne pour obliger les gens à consommer, donc à faire perdurer un système qui finira vouer à la faillite.

[3] Antoine Nouis Le Nouveau Testament, Commentaire intégrale, vol. 1, Olivétan, Lyon, 2018, p.37-38 : Une absence de conflit reposant sur la domination d’une autorité militaire, économique, juridique ou religieuse ; laquelle intègre ce qui peut être intégré et écrase ce qui ne peut pas l’être.

[4] Antoine Nouis, Le Nouveau Testament, Commentaire intégrale, vol. 1, Olivétan, Lyon, 2018, p.37-38.

[5] Cette confiance en la souveraine bonté de Dieu est aussi confiance en sa justice. Comme Paul le dit: Pour autant que cela dépende de vous, vivez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez pas vous–mêmes, mes bien–aimés, mais laissez agir la colère de Dieu (Ro 12,18-19). Juste après l’épisode de ce psaume, David est tenté de se venger face à l’ingratitude d’un certain Nabal dont lui et sa milice ont spontanément protégé les troupeaux. David va accepter de se laisser remettre en question par la femme de Nabal qui l’encourage à laisser Dieu faire justice plutôt que de se salir les mains. Voir aussi Héb 12 : 14  Poursuivez la paix avec tous, ainsi que la consécration sans laquelle personne ne verra le Seigneur. 15  Veillez à ce que personne ne se prive de la grâce de Dieu ; à ce qu’aucune racine d’amertume, en produisant des rejetons, ne cause des perturbations, et qu’une multitude n’en soit souillée.

[6] En l’occurrence, Paul dit pour un aliment, car il situe l’effort de paix dans une communauté divisée entre ceux qui pensent pouvoir manger de tout (les pagano-chrétiens) et ceux qui pense ne pouvoir manger que kasher (les juifs ayant reconnu en Jésus leur Sauveur).

[7] Jacques Philippe, Recherche la Paix et poursuis-la – Petit traité sur la Paix du Cœur, éd. des Béatitudes, 1991, p.59.

[8] Thomas Merton, La sagesse du désert, Albin Michel, 2006, p.71.

[9] Jean Vernette, Paraboles d’Orient et d’Occident, Droguet & Ardant, Paris 1993, p.202-203. Histoire racontée en ouverture du culte.

Le maître zen Hakuin était d’un grand jugement. Un jour, un Samouraï lui demanda

– Est-ce que l’enfer existe? Et le paradis? Et si oui, où se trouvent les portes? Comment entrer?

Le Samouraï avait un esprit simple comme tous les guerriers. Il ne s’embarrassait ni de philosophie ni d’arithmétique, seules la vie et la mort l’intéressaient. Il ne souhaitait pas assimiler une doctrine mais seulement savoir comment entrer au ciel et éviter l’enfer.

Pour répondre, Hakuin adopta un langage à portée du Samouraï.

– Qui es-tu? demanda-t-il.

– Je suis un Samouraï, répondit l’homme.

Au Japon, le Samouraï est le guerrier parfait qui n’hésite pas une seconde à donner sa vie.

– Je suis le premier des Samouraï, poursuivit fièrement le visiteur, même l’empereur me respecte.

Toi un Samouraï? se moqua Hakuin. Tu as plutôt l’air d’un gueux.

Blessé dans son amour propre, le Samouraï oublia le motif de sa venue et dégaina son sabre.

-Voilà une porte, fit Hakuin en souriant. L’épée, la colère, la vanité, l’ego sont les portes de l’enfer. 

Le Samouraï comprit et remit l’épée dans son fourreau.

-Et voilà l’autre porte, celle du paradis, commenta Hakuin.