Que nous dit Genèse sur la place et la valeur des animaux ? Si les animaux ont été créés le même 6ème jour et même avant les hommes, cela ne signifie-t-il que nous sommes de même valeur que les animaux ? Que nous ne serions que des animaux évolués ? Et donc qu’ils auraient les mêmes droits que nous ?
1° Dieu et les animaux.
Les animaux ont une grande valeur aux yeux de Dieu. Ils sont bénis et reçoivent un commandement. Par la parole qu’il leur adresse Dieu leur accorde un statut de sujet et non de simple objet. Dans Gn 9 le monde animal est au bénéfice de l’alliance que Dieu conclut avec Noé. En Jonas 4,10 nous voyons qu’ils sont aussi l’objet de sa miséricorde. Et surtout dans les 10 commandements le repos est non seulement adressé à l’humain mais il concerne aussi les animaux domestiques qui vivent avec lui. C’est dire que le monde animal a aussi droit au repos et à un minimum de respect. Chez le prophète Habacuc Dieu condamne tous ceux qui massacrent les animaux, détruisent la forêt ou le pays. Ps 36,7 : « Seigneur, tu viens au secours des êtres humains et des bêtes ». Considérés comme sujets de préoccupation !
Puis Dieu enseigne les hommes au travers d’eux. A la fin du livre de Job, Dieu se sert du monde animal pour répondre aux questions existentielles de Job et pour soigner sa déprime ! Ailleurs il a recours aux animaux pour parler aux hommes et pour lui venir en aide : pensons à Balaam (et l’ânesse), à Elie (et les corbeaux). Au quotidien, on peut le dire : les animaux sont des agents de la grâce de Dieu. Il les a créés tellement intelligents que des chiens peuvent guider des aveugles ; en Israël les médecins utilisent des dauphins pour communiquer avec les enfants autistes. Il paraît que caresser un chat ou un chien abaisse la tension nerveuse. Les animaux de compagnie apportent réconfort et joie à certaines personnes seules. Et rien que pour cela nous pouvons y voir un signe de la tendresse et de la bienveillance de Dieu.
Mais les animaux restent créatures. Ils ne doivent être ni chosifiés (pas objet) ni idolâtrés. Certaines pratiques, philosophies, attitudes, demandes particulières en lien avec les animaux se rapprochent de la zoolâtrie. Par exemple l’anthropomorphisation excessive des animaux de compagnie (traités comme des êtres humains – on leur accorde une place disproportionnée dans nos vies) ; le véganisme (religion où la vie animale est sacrée et égale voire supérieure à la vie humaine) ; obsession pour des animaux qui seraient doués de pouvoirs mystiques. Des personnes disent aimer les animaux plus que les humains (à cause de leur méchanceté). Mais nous sommes appelés à développer des relations fécondes avec notre prochain avant tout. Cela ne nous empêche pas de pleurer nos compagnons à 4 pattes quand ils s’en vont !
2° Différence animaux/humains.
Si les religions orientales professent une unité profonde entre tous les vivants la Bible pose une différence fondamentale entre l’humain et l’animal. S’ils ont été créés le même jour, l‘Homme reste plus important que les animaux. En lisant Gn 1-2 on se rend compte du saut qualitatif dans le domaine du vivant entre l’EH et l’animal. 5 Raisons :
- Dieu crée les animaux (pluriel) selon leur espèce tandis que Dieu crée l’humain qui se conjugue au singulier. Il ne se répartit pas en espères différentes. Il y a donc une individualisation de la personne qui n’existe pas chez l’animal.
- Contrairement aux animaux, Dieu entre en relation directe avec l’EH par la parole qu’il lui adresse. Il est son vis-à-vis unique.
- Il est bien de la même pâte c’est-à-dire tirée de la poussière du sol. Mais Dieu a répandu sur l’EH seul son souffle (haleine) de vie, qui fait de lui un être vivant. Il est donc le fruit de la terre ET du souffle : en même temps terrestre et céleste, humain et divin, cendre et fils de roi.
- C’est en cela qu’on dit de l’EH qu’il est lui seul créé à l’image de Dieu (13/10).
- C’est lui qui les nomme = cocréateur avec Dieu ; L’utilisation du langage le distingue des autres créatures et justifie sa position particulière dans la création. Le fait de dominer sur les animaux accentue le lien qui unit l’humanité au règne animal mais le rapport n’est pas symétrique du tout. Cela marque son droit sur eux et lui accorde une supériorité hiérarchique sur toute autre créature.
Si les animaux sont agents de sa grâce, nous devons rappeler ceci : en Gn 2,18 Dieu dit qu’il n’est pas bon pour l’être humain d’être seul. Dieu créé les animaux. L’Homme les nomme. Mais il ne trouve pas en eux le partenaire capable de le « secourir ». Gn 2,20 dit que c’est la polarité sexuelle homme/femme qui met fin à la solitude de l’être humain. Avant, rien ne pouvait remplir ce rôle. L’animal, même qu’il tient compagnie aux personnes seules, n’a pas pour vocation à être le vrai vis-à-vis attendu de l’être humain. L’animal est trop éloigné de l’Homme pour lui servir de répondant. Face à l’animal le discours d’Adam resterait un monologue ! Jusqu’à maintenant sa parole était utilitaire et servait à nommer les animaux. Désormais elle est constitutive de notre relation avec autrui.
3° Respect du monde animal.
Le théologien alsacien Albert Schweitzer, pasteur, organiste, médecin, Prix Nobel de la paix en 1952 a une philosophie qui se résume en une phrase : le respect de la vie. Lui n’établira pas de hiérarchie entre homme et animal. Cela ne veut pas dire que toutes les vies se valent selon lui. Dans la pratique le respect de la vie n’est pas toujours applicable mais il doit rester posé comme un principe fondamental de l’éthique.
Nous formons avec les animaux une communauté de création. Sans être leurs égaux ni devant Dieu ni sur un plan juridique nous avons une responsabilité envers eux en raison de la mission d’intendance qui nous est confiée (cf. message 22/09). Le Ps 24 dit : « la terre avec tout ce qu’elle contient appartient au seigneur » = nous ne pouvons pas faire un usage de la terre dans un mépris total de son propriétaire légitime. Nous ne pouvons pas réduire les espèces animales à des machines vivantes. Le prof. Henri Blocher écrit (Révélation des origines) : « Cette capacité royale (d’intendance) n’autorise aucune tyrannie car l’homme est un prince vassal qui suit les directives du souverain et lui rendra compte. L’homme est comme un Berger qui domine les animaux en vue de leurs biens comme du sien propre ». Tel un bon berger, il doit refléter la façon dont Dieu prend soin de la création : avec bienveillance, respect, compassion et souci du bien-être de ses créatures.
La façon de prendre soin doit se manifester par exemple dans la façon d’élever et de tuer les animaux qui doit respecter le fait qu’ils sont des êtres doués de sensibilité. Un bon gérant ne ferait pas manger à des herbivores des farines industrielles comportant de la viande… connaissant les conséquences que cela peut avoir et a eu par le passé sur notre santé. Un bon gérant doit aussi organiser les opérations de capture, de détention, de transport et d’abattage des animaux dans des conditions qui doivent limiter leur souffrance en plus d’assurer la sécurité des travailleurs. Il n’est pas juste non plus par sélection génétique d’obtenir des porcs de plus de 100 kg à l’âge de 5 ou 6 mois alors qu’ils disposent d’un squelette et d’articulation trop fragiles causant ainsi de polyarthrites douloureuses. Le naturaliste protestant Théodore Monod lors d’un culte a prié ainsi : « pour mes frères les animaux victimes trop souvent de la stupidité et de la cruauté des humains ».
On ne peut pas vraiment parler du droit des animaux parce qu’ils ne sont pas des sujets de droit et de devoirs. C’est pourquoi nous ne pouvons pas humaniser l’animal. (Débat qu’on ne peut pas développer ici). Mais ce refus de l’humaniser ne veut pas dire qu’on le ramène au rang d’un objet. Il faut lui trouver sa juste place dans la création. Nous pouvons en revanche parler des devoirs de l’homme face au monde animal. A ce titre, saviez-vous que ce sont des pasteurs qui ont créé en Suisse et en Allemagne la société protectrice des animaux ?
4° Y aura-t-il des animaux dans la nouvelle création et dans le royaume ? Cf. Esaïe 11 et 65 : dépeignent une harmonie totale entre prédateurs et proie = une image pour illustrer la paix qui caractérisera les relations interhumaines dans le royaume. Mais ce texte ne dit rien quant à la situation concrète des animaux dans le royaume de Dieu. Les animaux ont aussi une âme (intelligence, volonté, émotions) mais rappelons que l’EH seul a un esprit et que c’est l’esprit qui retourne auprès de Dieu. Je doute donc qu’il soit prévu qu’ils ressuscitent. Si les Ecritures montrent que notre existence consciente continue après notre mort aucun texte n’affirme la même chose pour les animaux.
Certains théologiens développent l’idée d’une rédemption divine qui inclut l’ensemble de la réalité physique du cosmos à savoir animaux, plantes, toute créature amenée à connaître la mort. Paul (Rm 8,21ss) parle de l’espérance de la création qui sera délivrée de la puissance de la corruption. Toute la création soumise au péché sera restaurée. Question : cela concerne-t-il donc aussi le monde animal ? Comme nous sommes attachés à eux par une affection particulière, nous aimerions bien les y retrouver. Mais la Bible ne traite pas vraiment cette question. Il nous faut accepter qu’elle n’ait pas réponse à tout et qu’il nous reste une marge de réflexion et… d’imagination ! Soyons sûrs que la présence de Dieu sera pleinement satisfaisante et suffisante. Intéressons-nous d’abord au sort des hommes…
Conclusion : Gandhi disait que « le degré de civilisation d’une société se mesure à la manière dont elle traite les animaux ». Nous sommes appelés à avoir une attitude équilibrée envers eux et à leur donner leur juste place. Ils ne doivent être ni idolâtrés ni chosifiés. Ils ne sont pas semblables aux humains puisque nous sommes supérieurs à eux. S’ils n’ont pas les mêmes droits, notre façon de les traiter doit refléter la valeur qu’ils ont aux yeux de Dieu et doit être à la hauteur de notre rôle d’intendant bienveillant. Amen