Prédication sur Joseph D sur Ge 41 extraits et 1Pi 4,7-10

Les circonstances : une préparation au but que nous ignorons encore

Vous souvenez-vous de l’amerrissage du vol US Airways dans l’Hudson à New York, un des très rares amerrissage qui s’est bien déroulé, dans l’histoire de l’aviation. Je me souviens d’une interview du capitaine Sullenberger qui disait que tout ce qu’il avait appris en tant que pilote, depuis sa carrière de pilote de chasse, puis dans sa vie de pilote de ligne avec tous les entrainements possibles et imaginables n’avait eu comme seul but que de le préparer à faire face à sa panne moteur de ce jour-là et à lui permettre de poser son avion sans encombre dans la rivière. Une carrière soumise à un entrainement constant. Sur le moment tu ne sais pas forcément à quoi tout cela sert. Je ne pense pas que Sullenberger imaginait se préparer à cet amerrissage quand il était soumis au test de la centrifugeuse, ou aux semaines de survie dans l’armée de l’air, etc. Par après, oui.

Parfois, nous ne voyons aucun sens à ce qui nous arrive, à ce que la vie nous impose de façon plus ou moins douloureuse, plus ou moins consentie. Et on aimerait s’écrier : Encore ?… Quel cirque ? Ça mène à quoi ?

Plusieurs des grandes figures bibliques ont des vies qui ressemblent à des camps d’entrainements pour les préparer à un but précis, dont elles ne savent pas grand-chose à l’avance.

Par ex. Moïse. A peine sevré par sa nourrice de mère, il est adopté par la fille de Pharaon et élevé comme prince d’Egypte, pour devenir dirigeant d’un peuple ; il vit à la cour 40 ans. Puis s’y prenant mal, il s’exile et passe 40 ans comme berger de moutons au désert. Avant de devenir libérateur des Hébreux et leur guide dans le désert. Un parcours préparatoire de 80 ans.

Ou David. Petit dernier parmi des frères qui en imposent, oublié de son père, cantonné à garder les brebis de la famille. Il passe sa jeunesse au champ, apprenant à manier la fronde et le bâton pour protéger son troupeau contre les prédateurs. A-t-il seulement imaginé qu’avec l’habileté acquise, il vaincrait Goliath ?

Ou Néhémie. Grand sommelier d’Artaxerxés, en Perse. Descendant de Juifs déporté, servant à la table du roi. A-t-il seulement imaginé qu’un jour, sa tristesse remarquée par le roi lui ouvrirait le chemin pour rentrer à Jérusalem et superviser avec la bénédiction du roi la reconstruction de la ville.

Et Joseph vit quelque chose de semblable. Notre Joseph a beau avoir eu un rêve lui faisant penser qu’il allait régner sur ses frères, une fois vendu comme esclave par ces derniers, et avoir été emmené en Egypte, que restait-il de ce rêve en lui ? Quand les circonstances se font difficiles, quand elles mettent à l’épreuve notre patience, les questions arrivent en nous, avec parfois le découragement ou l’envie d’abandonner.

Nous connaissons la fin de l’histoire de Joseph : sa venue en Egypte contre son gré, son emprisonnement suite à une fausse accusation de viol, tout ça le conduit à devenir administrateur général d’Egypte et, au moment de la famine, sauveur de ses frères et de son père. Mais ça, il ne le savait pas. Alors, oui, Dieu utilise magistralement le mal qu’on veut faire à Joseph pour en tirer du bien. Joseph le reconnaîtra. Mais en attendant, il a appris les rudiments de l’économie d’un clan avec son père, puis vendu comme esclave s’est retrouvé en bas de l’échelle et a mis au service de son maître ce qu’il a appris à la maison, puis en prison de nouveau au bas de l’échelle, continue de même. Idem une fois second de pharaon. D’où lui vient cette stabilité et que peut-il nous enseigner ?

Joseph est habité par un don : le sens de la justice et l’attention aux autres. Depuis petit, il ne supporte pas les médisances de ses frères contre son papa et il en parle. Rapporteur ! dira-t-on. Joseph est ouvert à ceux qui sont autour de lui, alors que ses frères forment une sorte de clan replié sur ses propres intérêts. L’attitude de Joseph, sa sensibilité restent les mêmes chez Potiphar qui l’a acheté comme esclave, et en prison. Cette attitude remarquée lui vaut confiance et responsabilité.

Quelques soient les circonstances, à chaque étape de sa vie, il assume son sens de la justice et de l’autre avec intégrité. Il ne change pas. Fils, esclave, prisonnier ou élu de pharaon, il ne change pas : il reste intègre, il reste le Joseph désirant le bien de l’autre, désireux de bien faire.

Et si Joseph agit ainsi c’est parce qu’il a conscience d’une chose : être le dépositaire des dons que Dieu lui a donné. Sa vie, il l’a reçue. Ses dons, interpréter les rêves, être juste, administrer… tout ça il l’a reçu de Dieu.

Cette conscience que tout cela est cadeau de Dieu le remplit d’humilité, de la responsabilité d’utiliser cela au mieux. Tout en dépendant de Dieu.

Nous aussi, Dieu nous gratifie de dons, celui de la vie en 1er. Sommes-nous conscients d’en être les dépositaires pour les mettre en valeur ? Avec humilité et reconnaissance. J’ai plusieurs fois comparé Nelson Mandela à Joseph. Joseph aurait sans doute signé ces paroles du leader sud-africain :

Pour survivre en prison, il faut développer des façons de tirer des satisfactions de la vie quotidienne. On peut être ravi en nettoyant ses vêtements pour qu’ils soient impeccables, en balayant un couloir pour qu’il n’y ait plus la moindre trace de poussière, en organisant sa cellule pour gagner le plus d’espace possible. La fierté que l’on éprouve en réalisant des tâches plus importantes hors de prison, on la retrouve dans des petites choses à l’intérieur de la prison[1].

Joseph a été fidèle dans les petites comme dans les grandes choses. Quand il était loin d’imaginer le pouvoir que pharaon allait lui confier, il était fidèle dans l’exercice des dons que Dieu lui avait donné, dans l’anonymat de sa situation et malgré le côté ingrat.

Pourrions-nous résumer cela en disant que Joseph a gardé la foi en toute circonstance ? Chez Joseph, sa foi ne se traduit pas dans une pratique religieuse – je l’ai déjà il y a 6 semaines.

Sa foi se traduit par trouver un sens à sa vie dans la volonté de bien faire ce qui lui est confié. Aujourd’hui on parlerait d’excellence. Simplement honorer la vie que Dieu me donne et ses dons en les utilisant au mieux.

Sa foi se traduit par la reconnaissance explicite que ce qu’il est et a c’est cadeau de Dieu. Et ça, c’est ce qui, je crois, le maintient debout. C’est là qu’on discerne l’intériorité de Joseph, sa confiance en Dieu, son ancrage dans le Seigneur. C’est Dieu qui révèle, c’est Dieu qui répond, c’est Dieu qui donne l’explication, dit Joseph à Pharaon.

Parce que le Seigneur nous gratifie de la vie et de certains dons, nous avons la responsabilité de les faire briller là où nous sommes, sans trop nous préoccuper du lendemain, sans trop nous demander si ça en vaut vraiment la peine. Y compris quand la vie nous contrarie. C’est le témoignage 1er de notre foi.

Je pense que Joseph aurait pu dire avec Mandela : Pour juger nos progrès en tant qu’individus, nous avons tendance à nous concentrer sur des facteurs externes tels que la position sociale, l’influence et la popularité, la richesse et le niveau d’éducation. Ce sont bien entendu des éléments importants pour mesurer la réussite en termes matériels et il est parfaitement compréhensible que ce soit là ce qui pousse la plupart des gens à s’épuiser. Mais certains facteurs internes sont encore plus cruciaux pour affirmer notre épanouissement en tant qu’êtres humains. L’honnêteté, la sincérité, la simplicité, l’humilité, la générosité pure, l’absence de vanité, la volonté de servir les autres : des qualités qui sont à la portée de toute âme -, tels sont les fondements de la vie spirituelle[2].

Laissons à Dieu le soin d’écrire l’épilogue de notre histoire personnelle. Faisons-lui confiance qu’il le connaît déjà. En attendant, vivons notre vie avec intégrité, utilisons nos dons avec humilité et gratitude. Et quand la vie semble ne rimer à rien ou que nous avons envie de dire : mais quel cirque !, rappelons-nous qu’il y a peut-être à tout cela une raison qui nous échappe et surtout une occasion pour être celui et celle que Dieu a placé là pour apprendre quelque chose et pour servir. Il y a peut-être quelque chose qui nous prépare à une prochaine étape que Dieu connaît

déjà, à être la personne de la situation pour qqch que nous sommes loin d’imaginer.

Peut-être qu’un jour nous aurons la clairvoyance de pouvoir dire avec le commandant Sullenberger : Tiens… aujourd’hui je comprends à quoi m’ont préparé toutes ces circonstances que j’ai traversées.

Car à celui qui est fidèle dans les petites choses, Dieu en confiera de plus grande. Et c’est Lui qui nous exerce au combat (cf. Ps 18).

Amen.

 

[1] Nelson Mandela, Pensées pour moi-même, éd. de La Martinière, 2011, p.369.

[2] Nelson Mandela, Pensées pour moi-même, éd. de La Martinière, 2011, p.197.

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