Prédication sur Mt 5,41 et Ge 37,23-27/39,1/50,19-21 et Est 4,14

L’exil : tout chemin qu’on t’impose peut devenir les Siens.

En cette période de vacances qui rime avec déplacement pour plusieurs d’entre nous, je vous propose de méditer sur ce thème du déplacement. La Bible est née au sein d’un peuple en marche : nomadisme des patriarches, Exode de 40 ans dans le désert, puis exil en Babylonie. Jésus lui-même a passé son ministère à marcher. Les apôtres ont arpenté l’empire romain. Nous avons déjà médité sur certains aspects du nomadisme d’Abraham.

L’actualité nous parle régulièrement du drame de l’exile de certaines populations. L’exil… Imagine un instant, ton environnement qui s’effondre, ta vie tranquille qui bascule, te voilà condamné à prendre une route inconnue pour un pays inconnu, sous une menace constante. Te voilà sur un chemin qui t’es imposé, que tu n’as pas choisi.

L’Exil, la grande catastrophe qu’a traversée l’Israël de l’Ancien Testament. L’exil, une réalité qu’a vécue Jacob devant fuir devant Esaü, Moïse devant pharaon ; une réalité vécue par David fuyant devant Saül puis devant son propre fils Absalom ; le drame de Jérémie emmené de force par les rebelles en Egypte ; par Ezéchiel déporté à Babylone, et Daniel. Et par Joseph vendu à des marchands d’esclaves par ses frères. Par Esther capturée lors d’une razzia organisée par le roi Assuérus pour alimenter son harem en nouvelles femmes, et qui finit reine.

L’exil, ou se retrouver sur un chemin qu’on n’a pas choisi, qu’on nous impose. Avec la perte de nos repères habituels, de nos habitudes, de nos prévisions, de notre tranquillité considérée comme allant de soi. Nous vivons parfois cela dans nos histoires de vie suite à une maladie, un accident, un deuil, une crise conjugale qui se finit mal, la perte de notre emploi, etc. Autant de circonstances qui  nous propulsent sur un chemin que nous n’avons pas choisi.

Nous chantons parfois ce cantique : Confie à Dieu ta route : Dieu sait ce qu’il te faut. Tout chemin qu’on t’impose peut devenir le sien. Chaque jour il dispose de quelque autre moyen. Il vient, tout est lumière. Consens à lui remettre le poids de ton souci, Il règne, Il est le maître. Chaque fois que nous chantons ce cantique, cette phrase m’interpelle : Tout chemin qu’on t’impose peut devenir le sien.

Joseph, Esther, Jésus et les autres auraient pu prononcer cette phrase. En tout cas après coup. D’ailleurs l’auteur de ces paroles est un pasteur français qui résista au nazisme[1].

Que pouvons-nous apprendre de la vie de Joseph, Esther ou Jésus ? Comment les chemins imposés peuvent-ils devenir ceux de Dieu dans notre vie ?

J’aimerais m’arrêter sur 2 points avec vous.

Souvent, quand nous sommes mis dans pareilles situations, notre 1ère réaction va être quelque chose du style :

  • qu’ai-je fait pour le mériter?
  • ou bien, nous nous tournons vers Dieu pour questionner sa souveraineté : pourquoi permets-tu cela ? Comment est-ce possible ? Ce qui est naturel. Ces 2 réactions sont l’expression d’une fausse image de Dieu qui habite bon nombre d’entre nous : une fausse image de sa souveraineté et une fausse image de sa justice. On pense que si Dieu est tout-puissant et amour, il doit nous épargner les difficultés OU alors il n’est pas dieu. OU on croit que si malgré tout c’est comme ça, c’est que nous devons être corrigés/punis sur un point ou un autre.

A l’époque de l’exil d’Israël en Babylonie, de nombreux juifs ont adopté le dieu des vainqueurs, Mardouk. Et dans ma pratique pastorale, j’observe que nombre de chrétiens se tournent vers l’ésotérisme pour faire face aux difficultés de la vie.

La Bible nous invite à passer de l’image d’un dieu de force magique à celle du Dieu d’alliance, l’Eternel Yahvé[2]. Une alliance scellée au prix fort, au prix de la vie de Jésus lui-même. Je crois que Joseph a été habité par cette conscience que son Dieu était Dieu d’alliance. Durant les environs 15 ans qu’a duré son exil loin de son père, on lit plusieurs fois que Dieu était avec lui, on l’entend aussi dire que ses capacités à expliquer les rêves ne sont pas les siennes, mais celles du Seigneur. Et à la fin, il a cette magnifique déclaration : Suis-je à la place de Dieu ? Vous aviez le projet de me faire du mal et Dieu l’a transformé en bien pour sauver votre vie.

Joseph avait été élevé par son père Jacob dans cette foi au Seigneur qui est Dieu d’alliance, Dieu qui ne se renie pas, Dieu qui ne retire pas sa bienveillance, Dieu fidèle et aimant. Dieu qui mène pour chacun tout à bonne fin comme dit le psaume 57[3].

Mon Dieu, notre Dieu est Dieu d’alliance. Il s’est lié à nous en Jésus son Fils et ce lien est plus fort que tout.

Et cela peut nous conduire, si vous me passez l’expression, à pardonner à la vie qui me malmène à un moment donné de mon existence. A cesser de l’accuser. Joseph pardonne à ses frères et aux circonstances.

Cela ouvre la porte à une autre démarche qui permet à Dieu de faire sien et d’habiter les chemins que la vie nous impose. C’est la démarche que fait Esther.

Il s’agit de prendre conscience de l’unicité de ce que je suis en train de vivre. Ce que je vis est unique. C’est un moment unique dans le sens que Dieu veut l’habiter et y réaliser quelque chose, même si ce n’est pas Lui qui m’envoie l’épreuve. Dieu prend ce que  je lui donne, ce chemin qui m’est imposé pour en faire quelque chose avec moi. Esther, victime d’un mariage forcé, va prendre conscience que Dieu peut habiter cette situation et l’utiliser, elle Esther, pour un dessein qui l’a dépasse : en l’occurrence sauver le peuple juif dont le roi avait décrété l’extermination[4].

Les chemins que la vie nous impose peuvent devenir ceux de Dieu quand nous le laissons les habiter. Victor Frankl, psychiatre juif ayant survécu à Auschwitz, dit que trouver un sens à sa vie, c-à-d une cause pour laquelle se battre, permet à l’homme de traverser l’épreuve[5]. Esther fait ce chemin. Et nous sommes invités à faire ce chemin… ce qui peut prendre du temps. Découvrir que dans ce qui nous est imposé, nous pouvons trouver un but, un sens, quelque chose à exploiter pour grandir et faire grandir.

C’est aussi ce qui se cache dans l’appel de Jésus à faire 2 km avec celui qui nous oblige à en faire 1 avec lui. Dans le km supplémentaire que je fais, il y a ce qui n’est pas imposé, mais ce qui fait sens pour nous. Comme le paysan chinois qui, à un moment donné de sa contrariété, décide de puiser l’eau pour son voisin malhonnête[6]. Comme cet homme qui a perdu les bras dans un accident et qui traverse le Léman à la nage de St.Gingolphe à Genève pour une cause humanitaire – c’était il y a 2 semaine[7].

Tout chemin qu’on t’impose peut devenir celui de Dieu. Car il est Dieu d’alliance, fidèle, qui ne se laisse pas impressionner par les exiles que la vie nous impose et peut même les transformer en son lieu d’action.

Le cantique dont j’ai parlé au début et que nous chanterons dans un instant se termine ainsi :

  1. Mais peut-être une crainte

Te fait gémir encor,

Te serre en son étreinte :

« Néglige-t-il mon sort ! »

Non ! garde l’espérance :

Dieu prépare en secret

La seule délivrance

A quoi tu n’es pas prêt !

  1. Bénis, ô Dieu nos routes,

Nous les suivrons heureux,

Car, toi qui nous écoutes,

Tu les sais, tu les veux.

Chemins riants ou sombres,

J’y marche par la foi :

Même au travers des ombres

Ils conduisent à toi !

Amen.

Les textes bibliques:

Ge 37 – 39 – 50

37 : 23 Dès que Joseph arriva près de ses frères, ils se saisirent de lui, le dépouillèrent de sa belle tunique 24  et le jetèrent dans la citerne. – Cette citerne était à sec, complètement vide. – 25  Puis ils s’assirent pour manger. Ils virent passer une caravane d’Ismaélites, qui venaient du pays de Galaad et se dirigeaient vers l’Égypte. Leurs chameaux transportaient diverses résines odoriférantes : gomme adragante, baume et ladanum.

26  Juda dit à ses frères : Quel intérêt avons-nous à tuer notre frère et à cacher sa mort ? 27  Vendons–le plutôt à ces Ismaélites, mais ne touchons pas à sa vie. Malgré tout, il est de notre famille, il est notre frère. Ils donnèrent leur accord. 39 : 1 Les Ismaélites qui avaient emmené Joseph en Égypte le vendirent à un Égyptien nommé Potifar. Ce Potifar était l’homme de confiance du Pharaon et le chef de la garde royale.

50 : 15 Les frères de Joseph se dirent : Maintenant que notre père est mort, Joseph pourrait bien se tourner contre nous et nous rendre tout le mal que nous lui avons fait. 16  Ils firent donc parvenir à Joseph ce message : Avant de mourir, ton père a exprimé cette dernière volonté : 17  Dites de ma part à Joseph : Par pitié, pardonne à tes frères la terrible faute qu’ils ont commise, tout le mal qu’ils t’ont fait. Eh bien, veuille nous pardonner cette faute, à nous qui adorons le même Dieu que ton père. Joseph se mit à pleurer lorsqu’on lui rapporta ce message.

18  Puis ses frères vinrent eux–mêmes le trouver, se jetèrent à ses pieds et lui dirent : Nous sommes tes esclaves.

19  Mais Joseph leur répondit : N’ayez pas peur. Je n’ai pas à me mettre à la place de Dieu. 20  Vous aviez voulu me faire du mal, mais Dieu a voulu changer ce mal en bien, il a voulu sauver la vie d’un grand nombre de gens, comme vous le voyez aujourd’hui. 21  N’ayez donc aucune crainte : je prendrai soin de vous et de vos familles. Par ces paroles affectueuses il les réconforta.

Est 4,14

13 Mardochée fit répondre à Esther: Ne t’imagine pas, Majesté, que tu échapperas seule d’entre tous les Juifs. 14  Car si tu continues à te taire en cette occasion, le soulagement et la libération des Juifs surgiront d’un autre côté, alors que toi et la maison de ton père, vous périrez. D’ailleurs qui sait si ce n’est pas pour une occasion comme celle–ci que tu es parvenue à la royauté ?

15  Esther fit répondre à Mardochée : 16  Va rassembler tous les Juifs qui se trouvent à Suse. Jeûnez à mon intention, sans manger ni boire pendant trois jours, vingt–quatre heures sur vingt–quatre. Moi aussi je jeûnerai de même avec mes jeunes servantes. Dans ces conditions, j’irai chez le roi malgré la loi. Si c’est pour ma perte, je périrai !

Mt 5,41-45

41  Si quelqu’un t’oblige à faire mille pas, fais–en deux mille avec lui. 42  Donne à celui qui te demande quelque chose ; ne refuse pas de prêter à celui qui veut t’emprunter. 43 Vous avez entendu qu’il a été dit : Tu dois aimer ton prochain et haïr ton ennemi. 44  Eh bien, moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. 45  Ainsi vous deviendrez les fils de votre Père qui est dans les cieux. Car il fait lever son soleil aussi bien sur les méchants que sur les bons, il fait pleuvoir sur ceux qui lui sont fidèles comme sur ceux qui ne le sont pas.

[1] Charles Dombres.

[2] Cf. Jacques Nieuviarts, La marche dans la Bible, Bayard, 2018, p.144.

[3] Ps 57 : 1 Hymne de David. Lorsqu’il s’enfuit devant Saül dans la caverne. Fais–moi grâce, ô Dieu, fais–moi grâce ! Car en toi mon âme se réfugie ; Je me réfugie à l’ombre de tes ailes, Jusqu’à ce que les calamités soient passées. 2 Je crie au Dieu Très–Haut, Au Dieu qui mène tout à bonne fin pour moi. 3 Il m’enverra du ciel le salut, tandis que mon persécuteur me harcèle. Dieu enverra sa bienveillance et sa vérité.

Ps 138 : 6 L’Éternel est élevé : il voit ce qui est abaissé Et reconnaît de loin les arrogants. 7  Si je marche au milieu de la détresse, tu me fais vivre, Tu étends ta main sur la colère de mes ennemis, Et ta droite me sauve. 8  L’Éternel mène tout à bonne fin pour moi. Éternel, ta bienveillance dure à toujours, N’abandonne pas les oeuvres de tes mains !

[4] Le jeûne qu’elle fait et demande est le signe qu’elle se rend compte que pour entrer dans ce dessein divin, pour laisser Dieu habiter et agir dans sa situation, elle doit renoncer à jouer la victime, renoncer à son droit au bonheur sans les autres, renoncer à ne faire confiance qu’en ses propres forces.

[5] Viktor Frankl, Découvrir un sens à sa vie, Les éditions de l’homme, 2012, p.124-125.

[6] Histoire racontée en début de culte et tirée de Andachten, dans les notes de la Bible Online.

W.Nee Wer dich nötigt, eine Meile weit zu gehen, mit dem gehe zwei. Matthäus 5,41

Ein Bruder in Südchina hatte auf halber Höhe eines Berghanges ein Reisfeld. Während der Trockenheit benutzte er ein Tretrad, um Wasser aus dem Bewässerungsgraben auf sein Feld hinaufzupumpen. Unterhalb davon lagen die zwei Felder seines Nachbarn, und eines Nachts durchstach dieser den trennenden Erdwall und ließ das ganze Wasser auf seine Felder fließen. Als der Bruder den Wall wieder flickte und neues Wasser heraufpumpte, machte der Nachbar wieder das gleiche, und so ging es drei- oder viermal. Darauf besprach sich der Bruder mit den anderen Christen. “Ich habe versucht, geduldig zu sein und keine Vergeltung zu üben”, sagte er, “aber ist das richtig?” Nachdem sie gemeinsam darüber gebetet hatten, meinte einer von ihnen: “Wenn wir bloß immer versuchen, das Richtige zu tun, sind wir sehr armselige Christen. Wir müssen mehr tun als nur das, was recht ist.” Der Bruder war sehr beeindruckt. Am nächsten Morgen pumpte er Wasser für die beiden unteren Felder und am Nachmittag für sein eigenes Feld. Der Nachbar war über diese Tat so erstaunt, daß er begann, nach dem Beweggrund zu forschen, bis schließlich auch er Christus fand.

[7] Un nageur français amputé des deux bras a bouclé samedi la traversée du Léman dans le sens de la longueur. Equipé d’une monopalme, il a relié St-Gingolph à Genève en 21 heures à la seule force de ses jambes.

Thierry Corbalan, un Corse d’adoption de 60 ans, a perdu ses deux bras en 1988, à la suite d’une électrocution. Depuis, il transcende son handicap dans le sport et la réalisation d’exploits au bénéfice d’associations de soutien pour les personnes malades ou handicapées. Celui que l’on surnomme “le dauphin Corse” s’est lancé dans la traversée du Léman, cette fois pour la défense des personnes atteintes de sclérose en plaques. “Si je n’avais pas ce but associatif, je ne le ferais pas”, a-t-il confié au micro de la RTS peu avant son départ. Parti de St-Gingolph vendredi à 16 heures, il a vu apparaître le jet d’eau de Genève samedi en tout début d’après-midi, après 21 heures passées dans l’eau et une nuit dantesque au milieu des orages, avec beaucoup de vent et de vagues. Son exploit s’est malgré tout déroulé sans accroc, si ce n’est un rapide contrôle à l’hôpital peu après sa performance pour un malaise vagal.

Joël Boissard/vic – RTSinfo 27 juillet 2019.

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