Prédication sur Psaume 23 / Luc 22,35-36 / Philip. 4.11b-14.

Nouveau regard sur le psaume 23.

Bien-aimés du Christ,

L’Eternel est mon berger, je ne manquerai de rien. Voilà un verset que nous aimons, un verset que de très nombreux chrétiens connaissent par cœur. Un verset qui nous dit qu’avec Dieu, nous ne manquerons de rien, comme si Dieu avec nous était la porte ouverte vers une vie sans problème. Un Dieu qui résout nos manques. Il y a risque à proclamer un peu vite ce genre de verset… et puis d’être éprouvé pour voir si vraiment on y croit. Il y a aussi le risque de faire du Seigneur un garant d’une promesse future : je ne manquerai de rien… Promesse de lendemains meilleurs pour nous aider à porter un présent difficile. En conjugaison, l’hébreu ne fait pas de différence entre le futur et le présent. D’où les Bibles qui disent : L’Eternel est mon berger, je ne manque de rien.

Voilà que l’affirmation prend une autre dimension ! Essayons d’aller au-delà de ce que nous croyons déjà savoir de ce psaume.

Il arrive que la Bible nous disent dans quelle circonstance un psaume a été écrit, comme au psaume 18 où on lit : David adressa ces paroles au Seigneur quand celui–ci l’eut délivré de tous ses ennemis, en particulier de Saül. Ici au psaume 23, pas d’indication. Juste la mention qu’il est de David. J’aimerais faire l’hypothèse que David a écrit ce psaume plutôt dans la 2e moitié de sa vie, une fois devenu roi, comme une sorte de rétrospective de sa vie avec Dieu, de sa relation au Seigneur[1], comme une rétrospective de sa longue expérience de croyant.

David affirme sa conviction et sa confiance : le Seigneur est mon berger. Celui qui prend soin de lui. Celui qui le guide. Celui qui pourvoit à ses besoins. Celui qui veille sur lui. Celui qui le défend. Celui qui est sa force.

Celui qui le dirige vers des eaux paisibles et des verts pâturages, symbole de paix et plénitude. Celui qui le bénit de toutes ses bénédictions. Celui qui veille à ce que rien lui manque. Dans sa jeunesse de berger, David a acquis ces expériences : avec l’aide du Seigneur, il protégeait ses brebis et faisait face aux prédateurs pour les défendre ; avec l’aide du Seigneur, il abattit Goliath le géant. Dieu avec qui tout est possible.

Et puis, le psaume marque une sorte de tournant. Le Seigneur restaure mon âme. Là il y a quelque chose qui m’interpelle, car en hébreu le verbe peut aussi se traduire ainsi : le Seigneur convertit mon âme. Et l’ambiance du psaume change. David découvre qu’avec Dieu dans sa vie il y a quand même des épreuves à traverser où l’on se sent dépourvu de force, de sagesse, sans rien sur quoi s’appuyer en nous-mêmes. Il y a des temps de désert, de sécheresse, de désolation. Il y a des temps où la mort et la précarité se font sentir, des temps où l’on est menacé dans notre intégrité économique, dans notre santé, dans notre sécurité. Temps d’insécurité.

Temps où les verts pâturages et les eaux calmes ne sont plus qu’un lointain souvenir. David a vaincu Goliath, il rentre en vainqueur chez le roi Saül, il est acclamé par la foule… il est nommé proche collaborateur du roi, se lie d’amitié avec le prince Jonathan et soudain… la folie jalouse de Saül s’en prend à lui et veut sa mort. Il doit fuir : son monde s’écroule. Plus tard, il est roi et c’est son fils Absalom qui organise un coup d’Etat contre lui et il doit fuir. David découvre à chaque fois que l’Eternel est son berger aussi dans la vallée de l’ombre et de la désolation, quand toutes bénédictions se sont évanouies.

Parfois, nous aurions tendance à penser que Dieu est Dieu seulement quand la vie nous sourit ; que Dieu est maître, qu’il tient dans sa main notre vie seulement quand il y met l’harmonie et qu’il nous épargne la difficulté, bref quand il nous conduit où il fait bon être. David fait l’expérience qu’il n’en est rien et que Dieu est aussi présent quand la vie ne nous sourit pas.

Parfois, nous traversons des temps de désolation et de sécheresse à cause de mauvais choix que nous avons faits, à cause de fautes que nous avons commises. David découvre que Dieu reste fidèle malgré tout : Dieu le conduit non pas parce qu’il le mérite et qu’il fait tout juste et obéit attentivement à ses commandements, mais parce qu’il est le berger, d’où la traduction de la TOB, pour l’honneur de son nom. Dieu va conduire David malgré lui, par exemple, quand ce dernier décide de tuer Nabal qui ne l’a pas payé pour la protection accordée à ses bergers et que la femme de Nabal intervient habilement pour l’en dissuader. Dieu n’abandonne pas David quand ce dernier ordonne le meurtre d’Urie pour lui voler sa femme. Il découvre que Dieu exerce sa fidélité.

David découvre qu’en tout temps, en toute circonstance, Dieu, son berger, est avec lui. Tu es avec moi. Et parce que Dieu est avec lui, il découvre qu’il ne manque de rien. Et là… on dira… minute… comment ça ? En creusant, je découvre que le mot traduit par manquer signifie aussi diminuer. L’Eternel est mon berger, je ne diminuerai en rien. Cela me fait penser au Ps 18,35 pdv : Seigneur, ta main puissante me soutient, ta bonté me grandit, me rend fort.

Dans ce psaume, de façon indirecte, David nous dit qu’il a laissé Dieu convertir son âme, son être tout entier pour découvrir qu’il est son berger pas seulement dans les beaux temps de la vie, mais aussi dans les difficultés de la vie, y compris dans celles où nos faux pas nous conduisent. La fidélité de Dieu à lui-même est notre bien le plus précieux, sa fidélité à nous aimer, à nous guider, à vouloir notre bien, à vouloir nous voir grandir, nous faire grandir, sa fidélité à nous faire découvrir qui il est et ce qu’est son amour pour nous. Bien sûr, à la base, il y a cette décision de notre part de vouloir le Seigneur comme berger, c’est-à-dire de faire de lui notre référence, notre point de référence. Comme l’est un berger pour ses moutons. Mais au-delà de cela, c’est sa fidélité à lui-même qui fait notre confiance.

Cette fidélité du bon berger qui s’exprime de façon maximal par le don de sa vie à la Croix que nous célébrons à la Ste Cène. Cette table que Dieu dresse entre nous et nos adversaires. Ce mot adversaire, en hébreu, contient l’idée de ceux qui nous enferment, nous lient, nous assiègent, nous oppriment. Et le mot table vient d’une racine qui signifie laisser aller, envoyer au loin. N’est-ce pas impressionnant d’observer que David prophétise ici ce que nous vivons lors de la Cène : Jésus, le bon berger, a donné sa vie pour nous libérer par son amour de cet adversaire, qu’il soit une personne ou des circonstances, qui veulent nous diminuer, nous enfermer, nous rabaisser, nous enlever notre dignité. Oui l’Eternel est mon berger, je ne serai diminué en rien. Parce qu’il est là pour nous rendre plus forts au travers de ce nous vivons.

Ce psaume pourrait être une invitation à profiter des temps d’accalmies dans nos vies pour rendre grâces pour tout ce que Dieu est et fait pour nous, de façon que cette gratitude puisse devenir une sorte de carburant pour notre confiance à l’heure de la difficulté et des turbulences, sachant que ces turbulences n’auront pas le dernier mot. David nous encourage à repasser dans notre mémoire le chemin que nous avons parcouru avec le bon berger, il nous encourage à nous redire à nous-mêmes notre histoire avec le bon berger, ainsi que les conversions que nous avons vécues, en particulier celles qui concernent notre manière de voir le Seigneur et de nous laisser surprendre par lui. Car l’Eternel est le bon berger qui nous accompagne dans l’épaisseur de notre existence, pour nous conduire jusqu’au céleste séjour où nous le verrons face-à-face.

Amen.

 

[1] Je m’inspire des lectures de ce psaume qu’en font le pasteur Ed René Kivitz de São Paulo et le rabbin Harold Kushner, When bad things happen to good people, Pan Books, Londres, 2002.

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