Prédication sur Josué 14,6-14 / Ap 2,18-19+25-26 / Ap 3,7-11

Nous voici parvenus à la fin de l’année, d’une année bien chamboulée. Il a fallu revoir nos projets, les renvoyer parfois aux calendes grecques ; il a fallu renoncer à des rencontres, à des fêtes de familles, des anniversaires ; il a fallu s’adapter à de nouvelles méthodes pour se former, vivre l’école. Il a fallu peut-être aussi revoir notre train de vie. Avec certitude, pour tous, il a fallu faire face à nombre de frustrations. On pourrait se demander : finalement que reste-il de cette année 2020 ?

Qu’en gardons-nous, à part le souvenir de l’omniprésence du covid ? En gardons-nous des regrets, de l’amertume ? Qu’a-t-elle produit en nous ? Du découragement, de l’incrédulité, du cynisme ? Un grand ras-le-bol ? Ou un nouvel élan plein d’énergie ?

Caleb, lui, n’est pas à la fin de l’année, mais plutôt à la fin de sa vie. Et ça fait 45 ans qu’il s’adapte, renonce, et fait courageusement face à sa grande frustration. Voyons cela plus en détails.

Qui est Caleb ? Il apparaît pour la 1ère fois dans le livre des Nombres au chap. 13. Il est l’un des 12 espions que Moïse envoie en reconnaissance dans le pays de Canaan avant de le conquérir. A leur retour, 10 espions sont découragés par les villes fortifiées et la force et grandeurs des habitants et découragent les Israélites de se lancer dans la conquête de la Terre Promise. Seuls 2 espions, Caleb et Josué encouragent le peuple à faire confiance au Seigneur et à y aller. Face à l’incrédulité des Israélites, Dieu décide que le peuple reprendra le chemin du désert et cela pour 40 ans et que de cette génération seuls Caleb et Josué entreront en Terre Promise. Caleb avait alors 40 ans, il en a maintenant 85, et depuis 5 ans il seconde Josué dans la conquête de Canaan.

Cela fait donc 45 ans que Caleb attend la réalisation de la promesse que Dieu lui a faite de lui donner un lieu, son lieu, pour s’installer. Cela fait 45 ans qu’il attend de pouvoir prendre possession du lieu qu’il a exploré.

45 ans à attendre. La conquête de Canaan ne s’est pas passée comme prévu : les Cananéens sont encore bien présents. Les projets initiaux, les objectifs fixés n’ont pas été réalisés. Frustration et adaptation.

De plus, les tribus israélites avaient chacune reçue leur part. Et Caleb a attend toujours la sienne. Incompréhension, sentiment d’injustice.

Cela fait aussi 45 ans que Caleb sert Israël aux côtés de Josué son compagnon d’exploration. Loyalement. En lisant le texte, on l’impression que Josué, ayant succédé à Moïse, a perdu de vue Caleb. Faire ce qu’on peut, le mieux qu’on peut, servir, et être oublié. Peut-être certains se sentent comme ça à la fin de cette année. Je pense en particulier aux personnes luttant pour leur survie économique ou existentielle et qui ont toujours obéi aux directives de l’Etat. Déception et sentiment d’être oublié.

Que retire Caleb de ces années ? A lire ce petit passage, on ne décèle pas de découragement, pas de cynisme, pas d’amertume, pas de regret. Par contre ce qui frappe c’est : Pourtant, je suis toujours aussi vigoureux que lorsque Moïse m’a envoyé en exploration. J’ai autant de forces qu’alors, que ce soit pour la guerre ou pour toute autre activité (Jos 14,11). Que veut-il dire par là ? Peut-être pas qu’il a encore le physique d’un jeune de 25 ans. Mais que son désir est intact. Caleb montre que sa motivation, sa raison de vie est intacte. Il est encore prêt, motivé pour conquérir sa part de la Terre Promise. Il a encore l’énergie pour s’occuper de sa part après s’être occupé de celle des autres par solidarité. Son désir de voir l’accomplissement de la promesse de Dieu pour lui est intact, après 45 ans d’attente. Pas mal, hein ?…

Quel est son secret ? Que pourrions-nous en tirer pour nous ? La vie des personnages bibliques ne se résume pas à des recettes. Comme nous, ce qui leur permet de tenir, c’est un ensemble d’éléments différents que l’on discerne en filigrane dans leur parcours. Pour Caleb, je discerne ceci.

Caleb a un sens de sa destinée. Il s’appuie sur une conviction, sur une intime certitude du pourquoi il est sur terre. Il croit qu’il est vivant pour une raison précise. Sa raison de vivre c’est de voir la promesse de Dieu pour lui s’accomplir. Sa vie ne relève pas du hasard. Ce qui lui permet de résister au sein de l’épreuve, des contrariétés, des oppositions. On retrouve cela chez de nombreux personnages bibliques ; chez Jésus c’est ce qui lui permet d’affronter la Croix par amour pour nous. C’est ce qui permet à David de ne pas désespérer de devenir roi, à Paul de ne pas baisser les bras, même durant sa garde-à-vue de 2 ans à Césarée. C’est ce qui a permis à des gens comme Mandela de résister. Il y a 45 ans, Dieu m’a promis… et si je suis encore en vie… ce n’est pas par hasard. Ta vie a une raison d’être divine. A toi de la découvrir.

Etty Hillesum, déportée au camps de concentration de Westerbork, découvrit que sa raison d’être était de ne pas laisser la présence de Dieu s’éteindre en elle et de pouvoir rayonner d’elle.

Le sens de sa destinée donne à Caleb un sens de la gratitude : s’il est en vie c’est que Dieu l’a voulu et il en est reconnaissant. On retrouve cela chez Etty Hillesum qui reflète une joie de vivre alors même qu’elle sait que sa destination finale est la chambre à gaz. La gratitude nourrit notre sens de de notre destinée. En remerciant le Seigneur pour sa fidélité, nous nous rendons compte que rien n’est par hasard.

Cette gratitude donne à Caleb un sens de l’humilité. Il sait que sans le Seigneur, il n’accomplira pas sa destinée. Si le Seigneur est avec moi, je prendrai possession de ma terre promise. Et comme le relevait aussi un conseiller de paroisse quand j’ai partagé ce texte avec eux : Caleb a reçu la promesse de Dieu que la région d’Hébron lui serait accordée, et pourtant il demande à Josué : Maintenant donc, attribue-moi la région montagneuse d’Hébron. Ensemble, pas tout seul, nous y arriverons. L’humilité de savoir avoir besoin de l’autre et de sa bénédiction, et sans doute aussi de ses prières.

Nous pouvons nous interroger comme individu, comme chrétien, et comme Eglise : l’année 2020 nous révélerait quelque chose de notre destinée, de la raison pour laquelle le Seigneur nous a gardé en vie ? Malgré tout, avons-nous des raisons de dire merci ? En quoi 2020 pourrait-elle nous parler d’humilité ?

Parce que Caleb a le sens de sa destinée qui nourrit sa gratitude et son humilité, il reste fidèle à Dieu, à Josué et surtout, il reste intègre, c’est-à-dire fidèle à lui-même.

Reste encore un point que je souhaite soulever en conclusion, celui qui ressort des lettres de l’Apocalypse. Dans ces lettres, Jésus appelle ces Eglises à retrouver le sens de leur destinée au milieu des dures persécutions dont elles sont l’objet. Et il les encourage en disant : Je connais ton activité, ton amour, ta fidélité, ton esprit de service et ta persévérance. Je connais ton activité ; je sais que tu n’as que peu de force, et pourtant tu as été fidèle à ma parole et tu ne m’as pas renié (Ap 2,19 et 3,8) ; tiens ferme ce que tu as, ne baisse pas les bras.

Jésus nous dit, te dit : Je connais tes luttes, je connais tes peurs, je connais ton esprit de service, je sais que tu as essayé de faire au mieux et que tu fais au mieux. Je sais que tu essaies de m’être fidèle. Je sais l’amour que tu as essayé de montrer. Je connais les obstacles qui sont devant toi et je sais bien tout ce qui travaille à te décourager ou à t’enlever la paix et l’espérance. Et si je connais c’est que je suis avec toi. Tiens bon. Je te donnerai ma force, tiens bon. Je renouvèlerai ton courage, tiens bon. Je te garderai au creux de ma main et de mon amour, tiens bon. Regarde et tu trouveras les raisons de me dire merci. Regarde et vois ceux et celles que j’ai placés sur ton chemin pour te bénir et pour que tu sois en bénédiction pour eux. Je suis avec toi. Je sais ce que tu vis et je t’aime.

Amen.

 

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