Prédication sur Luc 2,41-52 et Eph 4,10-14 bfc

Etre disciple de Jésus-Christ ou assumer pleinement notre humanité.

Bien-aimés du Seigneur,

Vous vous souvenez du frère visitant abba Sylvain, dont j’ai raconté l’histoire au début du culte[1] ? Il pensait que son engagement à la suite du Christ le mettait au-dessus de la crasse réalité de notre humanité.

Ce frère est aux antipodes de Jésus, qui était connu des gens de Nazareth connaissent comme étant le charpentier du village, l’artisan qui gagnent sa croute en travaillant. Jésus, en tant que fils de Marie, n’a pas brûlé les étapes de son humanité. Ce verset nous le rappelle aussi : 52 Et Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes.

Arrêtons-nous ce verset.

La 1ère chose que nous voyons est que Jésus n’échappait pas à sa condition humaine. Dieu devenu homme, le plus grand des mystères de la foi, n’échappait pas à sa condition humaine. Il y a des manières de voir la foi chrétienne en contradiction avec cela. Le fait d’être chrétien ne m’épargne ni la tentation, ni la souffrance, ni la nécessité d’avancer et grandir sur mon chemin d’humanité. Comme dit Jésus à ses disciples, vous n’êtes pas du monde, mais vous êtes bien dans le monde et ma prière pour vous n’est pas que vous soyez retirés du monde, mais témoin de moi dans le monde. Etant dans le monde… nous n’échappons pas aux tensions de notre condition humaine. J’y reviendrai en conclusion, dans un instant.

2°. Arrêtons-nous sur le contexte de ce verset : Jésus a célébré sa bar-mitsva, sa majorité religieuse. Il y a 2 choses ici : d’une part il est devenu adulte ET désormais responsable devant Dieu de sa vie, de ses actes et paroles. Etre adulte c’est pour certains croire qu’on sait, qu’on ne doit plus apprendre des autres, c’est croire qu’on est maître de sa vie et de sa destinée. Ce qui m’interpelle c’est que, devenu adulte, majeur, responsable, il nous est dit Jésus est encore en chemin, en croissance. Et l’imparfait relève la durée du processus, l’habitude. Alors, quand j’entends dire que la foi chrétienne est une manière un peu facile de nous dédouaner de nos erreurs, de nos péchés comme on dit à l’Eglise… c’est faux. Jésus, Dieu-qui-sauve, s’est incarné dans notre humanité, nous demande d’assumer de manière responsable notre vie, responsable càd aussi en choisissant de grandir et donc d’être remis en question. Ce n’est pas parce que je suis grand, que j’ai déjà vécu, que j’ai de l’expérience, que je suis libéré de devoir grandir. Lui-même est passé par là.

3°. Jésus croissait. Le verbe grec est aussi utiliser pour désigner le processus d’allonger un bout de métal par martelage, travail du forgeron. Cela me parle plus que croître. Il y a tout un processus. Jésus ne grandit pas d’abord physiquement, mais il grandit humainement, comme au travers des difficultés de la vie qui l’étire, l’affine, l’aiguise. Jésus ton Sauveur, notre Sauveur, plus je médite sa vie plus je l’aime. Dieu devenu homme, laminé au feu de la vie, par amour pour notre humanité. Poli au contact de ses contemporains. Si Jésus se met dans cette situation c’est pour nous enseigner quelque chose. Que nous ne pouvons pas nous dire que nous sommes au-dessus de cette nécessité. Lui il n’en avait pas besoin.  Vous remarquez que la remarque que Jésus croissait suit le fait qu’il est l’objet de l’incompréhension de Marie et Joseph.

L’incompréhension comme facteur de croissance. On se sent incompris quand les autres ne voient pas les choses comme nous ou quand les autres ne perçoivent pas qui nous sommes vraiment, quand nous avons l’impression que les autres veulent nous faire entrer dans leur moule, dans leur façon de voir, de penser, de réagir. Jésus vit cela. Marie et Joseph ont oublié qui il est, le Fils de Dieu le Père.  Jésus se retrouve en décalage avec ce que pensent Marie et Joseph. Il va devoir gérer cela et c’est ce qui va le faire grandir en tant qu’humain. Je précise que cela ne veut pas dire que Jésus était pécheur, mais qu’il était soumis au risque de le devenir en tant qu’être humain.

Jésus va régulièrement se retrouver en décalage avec ses disciples. Quand ses disciples font preuve d’incompréhension que se passe-t-il ?

  • Ils veulent éliminer par le feu un village qui refuse de les recevoir : intolérance.
  • Ils veulent empêcher des disciples de Jésus qui ne sont pas de leur groupe d’agir : exclusion.
  • Ils jugent et condamnent qui ne réagit pas comme eux : par ex. la femme qui verse du parfum sur Jésus.
  • Ils ne supportent pas la souffrance d’autrui et veulent la faire taire.

Le fait de se savoir incompris peut réveiller en nous colère, animosité, jalousie, susceptibilité, volonté de se justifier, d’avoir raison à tout prix, l’amertume, la critique par derrière, une agressivité blessante, etc. Nous aussi nous connaissons cela : soit pour le faire soit pour le subir. L’incompréhension réveille en nous l’orgueil, ou un manque profond d’assurance en soi, lesquels génère en nous des attitudes malsaines. Quand l’incompréhension réveille en nous ces attitudes, c’est le signe que quelque chose en nous a besoin d’être travaillé, laminé, afin que nous grandissions.

4°. Le texte nous dit que Jésus croissait devant Dieu et devant les hommes. Au contact de Dieu et des hommes. En compagnie de Dieu et de hommes. Il grandit sur 3 plans. Il grandit en sagesse, c’est-à-dire en savoir-être et en savoir-faire, dans l’art de vivre selon la thora. Il grandit en stature : ce mot stature peut aussi désigner la maturité. Paul l’utilise pour dire que lorsque nous atteignons la stature parfaite de Christ, nous ne sommes plus entrainés au gré de nos humeurs et des modes de pensées humaines[2]. Jésus grandit finalement en grâce, c’est-à-dire en bienveillance, générosité, bonté, faveur. Ce que nous pouvons retenir, c’est que Jésus ne grandit pas seulement en passant par ce cheminement de laminage au contact de ceux et celles qui l’entourent, mais dans la présence de Dieu. Le contact avec les autres est parfois blessant, déstabilisant, douloureux et suscite en nous la volonté de nous défendre, si nous n’y ajoutons pas le contact avec le Seigneur qui nous dit et redit qui nous sommes : ses enfants bien-aimés, nous tous, chacun, chacune. Ce qui remet les choses dans une saine perspective. Ce contact avec Dieu nous aidera à façonner nos réactions aux autres, le regard que nous posons sur les autres.

Jésus était de la même pâte que nous, mais il faisait face à la vie et aux autres autrement parce que décidé à vivre son chemin de laminage humain sous le regard de Dieu son Père. Ce qui fait que :

  • il n’a jamais piqué une colère suite à un rejet de sa personne. Il a piqué des colères, mais pas motivée par une susceptibilité personnelle.
  • il a été un homme qui osait montré ses émotions sainement : tristesse et joie. Ainsi que ses vulnérabilités.
  • il était sûr de lui, mais pas arrogant dans le sens d’orgueilleux superbe. Il pouvait remettre les gens en place parfois durement, mais sans orgueil.
  • il n’avait pas peur de laisser les autres faire à sa place, il était humble, il n’avait pas besoin de se justifier, ni de garder coûte que coûte la faveur et l’adhésion des siens.

Il grandit en compagnie de Dieu et des humains, au contact de Dieu et des hommes. Et nous donnons parfois l’impression que nous n’avons pas besoin de grandir dans ces 3 domaines, Grandir c’est-à-dire passer par des remises en question et avancer.

Parce que nous sommes bel et bien chrétiens et humains, nous n’échappons pas aux tensions et contradictions de notre humanité. Mais nous sommes appelés à nous laisser travailler. Jésus grandissait en compagnie de Dieu et des autres. Nous aussi sommes invités à mettre devant Dieu ce que nous vivons au milieu des autres pour qu’il puisse nous aider à avancer, à vivre ce travail de sain laminage.

J’aimerais conclure. Nous avons lu : Et Jésus croissait en sagesse, en stature et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. Si tu fais un retour sur toi-même, que peux-tu dire de ton parcours de croissance ou de laminage ? Quelle place occupe dans ta vie le soin apporté à ta santé psychologique, à ta santé relationnelle ? En quoi le regard que tu poses sur les autres, sur toi-même, sur Dieu a changé, s’est affiné ces 20 dernières années ? Et… est-ce que ça a changé pour mieux ? Parce que si tu ne peux pas faire cet exercice, c’est peut-être le signe que tu es tombé en panne dans ton humanité, en panne devant Dieu aussi.

Pourquoi être invité à ces démarches ? Parce que Jésus s’est fait homme avec une mission très précise, une mission qu’il nous demande de poursuivre en tant que ses disciples : L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour guérir ceux qui ont le cœur brisé ; pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres ; pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés (Luc 4,18). Cette mission, une paroisse ne peut la vivre que si elle est saine, c’est-à-dire que si la majorité de ses membres actifs sont prêts à vivre ce processus de laminage en présence du Seigneur. Cette mission magnifique ne peut se vivre que si nous-mêmes veillons à traiter nos disfonctionnements afin de ne pas être balloté au gré de nos humeurs et des circonstances ou de l’opinion des autres.

Amen.

 

[1] Un jour, un frère vint rendre visite à abba Sylvain au Mont Sinaï. Abba Sylvain y vivait avec d’autres ermites. Le frère, voyant les ermites occupés à des tâches manuelles, les interpella : Pourquoi travaillez-vous pour du pain périssable ? Marie n’a-t-elle pas choisie la bonne part en s’asseyant pour écouter Jésus sans rien faire ? Abba Sylvain demanda à à abba Zacharie de donner un livre au frère et de l’envoyer lire dans une cellule. Aux alentours de 15h, le frère se mit à observer abba Sylvain dans l’attente qu’on l’appelle pour le repas. A 17h, n’y tenant plus, il interpelle abba Sylvain : les frères ne mangent-ils pas ? – Oui, nous avons mangé. – Pourquoi ne pas m’avoir appelé ? – Bien… frère, vous êtes un homme spirituel, vous n’avez pas besoin de cette nourriture périssable. Nous, nous sommes obligés de travailler ; mais vous avez choisi la bonne part. Alors lisez… Apparemment vous pouvez vous passer de manger. Le frère confus s’humilia et demanda pardon pour sa méprise.  Raconté par Th. Merton, La sagesse du désert, Albin Michel, 2006, p.57

[2] Eph 4,12-15  12 C’est ainsi qu’il a rendu le peuple de Dieu apte à accomplir son service, pour faire croître le corps du Christ. 13  De cette façon, nous parviendrons tous ensemble à l’unité de la foi dans la connaissance du Fils de Dieu ; nous deviendrons des adultes dont le développement atteindra à la stature  parfaite du Christ. 14  Alors, nous ne serons plus des enfants, emportés par les vagues ou le tourbillon de toutes sortes de doctrines, trompés par des hommes recourant à la ruse pour entraîner les autres dans l’erreur. 15  Au contraire, en proclamant la vérité avec amour, nous grandirons en tout vers le Christ, qui est la tête.

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