Prédication sur Ps 140-142 / Mt 5,21-22 / 1Thess 5,8-9.

Prier nos envies de vengeance – un chemin de croissance.

Bien-aimés du Christ.

Après la guerre en Ukraine, voici celle en Israël. Et cette dernière a entraîné des actes haineux antisémites ici en Europe. On assiste à cela et on secoue la tête d’incompréhension. Si on se donne la peine de réfléchir, il se peut qu’on se rende compte que ces conflits sont juste l’expression à une échelle bien plus grande de la violence qui se cache en nous. Par exemple, lorsqu’on se sent victime d’une injustice et que notre colère nous dit : Venge-toi. C’est facile pour nos médias de tirer à boulet rouge sur Israël et de ne pas se pencher sur la violence larvée chez nous. Chez nous, on saupoudre nos violences de bonnes manières, de politesse feintes. On se taira devant qui suscite en nous colère et on parlera par derrière. Le pire c’est parmi les chrétiens : au nom d’un amour du prochain superficiel, on s’interdit la colère, on n’ose à peine reconnaître que nous avons nos listes de personnes à abattre, bien cachées au fond de notre cœur. Il y a une manière perverse de vivre notre foi chrétienne qui nous empêche d’oser regarder au fond de nous-mêmes. En plus pour ne pas regarder en nous, on s’occupe alors de ce qui ne va pas chez les autres.

N’as-tu jamais eu envie de te venger, de régler son compte à quelqu’un qui t’a fait du mal, qui t’a infligé une injustice ? Ne me dis pas que non. Parce que soit tu es saint, soit tu es menteur, soit tu n’oses pas regarder au fond de toi.

De nombreux psaumes semblent ne pas condamner l’envie de se venger. Les psaumes que nous avons lus nous invite à dire la violence que certaines personnes et leurs actes suscitent en nous. L’autre jour je jouais avec mon fils et je lui disais : j’ai envie de taper et j’ai commencé à lui donner des petites tapes sur le bras. Et lui de me dire : Trouve toi un punching-ball. Et notre Dieu, qui nous a créés avec nos émotions, qui lui-même s’est fait homme en Jésus… notre Dieu nous invite à exprimer notre colère… et il nous montre comment le faire dans les psaumes. Il nous montre le chemin du punching-ball.

J’aime beaucoup les Psaumes. Ils font partie de la Parole de Dieu, ils ont été prié par Jésus et ils expriment tellement bien ce qu’on peut ressentir. En plus, le St. Esprit a inspiré leur agencement. C’est pour ça que nous en avons lui 3 d’affilée ce matin. Ces 3 psaumes nous disent l’importance de ne pas pousser sous le tapis du chrétiennement correct la colère et l’envie de vengeance qui nous habitent, mais à les regarder en face, à les dire, à en faire des prières. Refouler nos colères nous rendra malade ou nous conduira à exploser tôt ou tard, la psychologie[1] le rappelle assez.

Arrêtons-nous un instant sur ce que nous disent ces 3 psaumes.

Tout d’abord, on pourrait se dire que souhaiter à nos ennemis le mal qu’ils nous souhaitent, c’est ne pas obéir à Jésus. Intéressant de voir que Jésus, dans le Sermon sur la Montagne, dit de ne pas rendre le mal pour le mal, en terme de violence il va même plus loin vu qu’il dit qu’insulter son prochain c’est déjà le tuer. Ici, dans ces psaumes, David n’insulte pas ses ennemis, il en parle à Dieu. Il se défoule sur sa punching-ball. Il nous est demandé de venir dire à Dieu, de venir nous ouvrir au Seigneur de nos envies de violence, de vengeance, de justice, d’en découdre. Parce que nos colères issues d’une injustice vécue ou ressentie sont aussi le fruit d’une soif de justice. Ça vous rappelle : Heureux ceux qui ont faim et soif de justice… car ils seront rassasiés. Exposer cette violence qui est en nous au Seigneur c’est Lui faire confiance, faire confiance à son Amour pour nous, faire confiance à son accueil de notre personne et de notre prière, faire confiance qu’il est le juste justicier, et qu’au final, la vengeance lui appartient. Je reconnais au Seigneur sa compétence[2] de justicier. Je dis à l’Eternel : Tu es mon Dieu, la force de mon salut, tu fais justice (Ps 142,6-7 + 12).

Venir parler de cela à Dieu implique de mettre des mots sur ce qu’on ressent, décrire le mal subi, décrire comment je vois mon ennemi, décrire mes émotions. Et ce simple fait permet déjà de prendre distance. Pas du 1er coup. Parfois notre prière va se prolonger des jours, des semaines, avant que nous puissions prendre distance, décanter[3] le mal subi ou ressenti. Petit à petit, mon attention va se déplacer du mal subi au Seigneur de justice, à mon Sauveur bienveillant, juste et gracieux.

Parler de cela à Dieu, présenter à Dieu mes violences dans une prière authentique implique aussi de faire une pause pour me mettre à l’écoute du Seigneur, de ce qu’il a à me dire. Et sans doute de me mettre à l’écoute de ce qui se passe en moi, au-delà du bouillonnement. On le voit bien dans ces 3 psaumes : dans le Ps 140, David est totalement pris par ses émotions et sa colère et son envie de vengeance ; dans le Ps 141, il demande secours au Seigneur et tiens… tiens… il lui demande de veiller sur sa bouche et de ne pas incliner son cœur au mal (141,3-4). Il y a chez David une prise de conscience progressive que le mal n’est pas que chez l’autre, mais en lui aussi. Et ça c’est le travail du St.Esprit en lui.

Nous avons un Dieu extraordinaire, nous ne mesurons pas tjs notre privilège. Notre Dieu s’offre à nous comme punshing-ball pour nous éviter de semer autour de nous plus de souffrance qu’il n’y en a déjà, pour nous aider à grandir, à mieux nous connaître et à lui permettre de nous guérir du mal commis contre nous et du mal enfoui en nous. Défoule-toi sur moi… mais s’il te plaît, après, écoute-moi. C’est pour ça que dans vos Bible, dans les psaumes, il y a ce mot Selah, qu’on traduit parfois par pause. Faire une pause dans ma prière pour écouter ce que l’Esprit Saint veut me répondre. Dieu humble qui m’invite à l’humilité. Dieu de grâce qui m’invite à cesser de jouer au bon chrétien. Jouer au bon chrétien ne va pas nous sauver, mais nous perdre.

Le chemin proposé par ces psaumes ne s’arrête pas là. David prend conscience que le mal, la colère, l’envie de vengeance c’est comme un filet dans lequel on se prend : plus on s’y débat, plus on en est prisonnier[4]. Et que finalement, vraiment, il n’y a que le Seigneur, juste juge pour nous en libérer, pour tirer vengeance de façon juste. Il prend conscience que cette violence ne peut que conduire à une sorte d’auto-emprisonnement qui s’apparente à la mort.

Le psaume 142 nous montre l’issue de ce combat dans la prière : David ne cherche plus la vengeance, mais la liberté pour pouvoir à nouveau louer Dieu de tout son cœur. Je retrouve là cette parole de Paul aux Thessaloniciens : Revêtons la cuirasse de la foi et de l’amour, ainsi que le casque de l’espérance du salut. Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à la possession du salut par notre Seigneur Jésus–Christ (1Thess 5,9). L’espérance du salut c’est ce qui me tourne vers Dieu dans la prière lorsque je subis une injustice. L’espérance du salut c’est ce qui me pousse dans les bras du Seigneur lorsque je réalise la violence qui peut m’habiter. L’espérance du salut c’est qui m’invite à m’offrir au Christ et à son travail de guérison et de conversion. Mon espérance du salut se fonde sur la mort et la résurrection de Jésus qui a affronté la violence du monde, des hommes pour la vaincre au matin de Pâques.

Parce que Dieu nous destine à posséder le salut, à vivre la restauration de notre être, la guérison de notre cœur et de notre âme… ne poussons pas sous le tapis nos envies de justice et de vengeance. Apportons-les au Seigneur.

Parce que Dieu veut la guérison de notre âme, ne nous braquons pas si une personne vient nous dire sa colère contre nous. Pour elle c’est salutaire. Et peut-être que ça nous aidera, nous, à avancer sur notre propre chemin, en vérité avec nous-mêmes et avec notre Seigneur.

Parce que Dieu nous destine au salut, nos colères… apportons-les d’abord sous le regard du Seigneur, laissons-le les purifier avant de les jeter à la face d’autrui.

Amen.

 

[1] A. Nouis, Un catéchisme protestant, Réveil Publications, Lyon, 1997, p.40-41.

[2] A. Vénin, Le livre des louanges, Lumen Vitae, Bruxelles, 2001, p.34

[3] A. Vénin, op. cit. p.118.

[4] A. Vénin, op. cit. p.40.

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