Prédication sur Ps 142

Quand je suis à bout de souffle, toi, tu connais mon sentier.

Chers amis,

Ce psaume 142 représente pour moi un des textes de la Bible les plus encourageant. Petit psaume de 8 versets qui débute par un titre étonnant : instruction de David[1]. Il y a effectivement quelques psaumes qui ont ce titre : instruction. Chouraqui traduit par Perspicace. En effet, le mot hébreu comporte l’idée d’avoir une compréhension de la réalité, qui va au-delà des apparences.

Pourtant, ce psaume 142 est plus une prière qu’une instruction. Mais parfois la prière des uns peut instruire les autres. Qu’est-ce que David nous dit de si précieux pour que ce psaume porte ce titre ?

Arrêtons-nous sur le reste du titre du psaume. Ces titres qu’on saute volontiers, mais qui nous disent les circonstances où ils ont été dits : Lorsqu’il était dans la caverne.

David a effectivement séjourné 2 fois dans une caverne.

Après avoir tué Goliath, David devient l’objet de la féroce jalousie du roi Saül au vu de sa cote de popularité dépassant celle du roi[2]. Le jeune homme doit donc se cacher. Quand on lit le livre de Samuel, on se rend compte de la situation précaire de David. Entre 1Samuel 21 et 24, en l’espace de 4 chapitre, on voit David parcourir des dizaines et dizaines de kilomètres, à pieds bien sûr, pour fuir la colère la jalousie du roi : il échappe à 2 tentatives de meurtres, fuis à Nob, puis en Philistie, puis dans le désert, puis en Moab (la Jordanie actuelle) puis de nouveau dans le désert de Judée où il se cache dans une caverne. Il est comme un animal traqué, sans repos. Au fil de ses trajets, se constitue autour de lui un groupe de partisans.

Dans le psaume 142 apparaît la solitude de David. Abandonné, incompris, soumis aux pressions de Saül et de ses amis, en particulier, quand il refuse de tuer Saül venu se reposer à l’entrée de la grotte où il se cache.

David déverse alors devant Dieu sa plainte, nous dit le v.2. Ce mot plainte ne contient pas l’idée d’apitoiement sur soi, mais celle de pensées qui se bousculent dans sa tête. Il ne sait plus où il en est, ni ce qu’il doit penser. Oint par le prophète Samuel pour être successeur de Saül, victorieux de Goliath, ayant reçu de Saül sa fille comme épouse, et maintenant dans cette situation.

Alors, il expose à Dieu sa confusion, son désarroi. Et le psaume insiste 5x sur le fait que David s’adresse à Dieu. Il déverse son cœur devant Dieu, dans la présence de Dieu, à un moment où très certainement, il ne sent pas cette présence. Sa prière n’est pas un murmure, elle est un cri de douleur. Il se décharge. Il n’informe pas Dieu de sa situation… Dieu sait déjà toute chose. Mais, il se décharge sur Lui. Il répand devant le Seigneur ce qui l’atteint, ce qui l’habite, pour ne pas s’y noyer… pour ne pas s’y laisser engloutir… pour ne pas s’y perdre. Avec cette conscience de parler au Seigneur. Parfois, je me demande si quand nous prions nous ne nous parlons pas à nous-mêmes… Prier en étant conscient de nous adresser à Dieu. Alors, comme le dit un commentaire[3] : La prière est l’attitude la plus subversive que l’on peut avoir devant l’oppresseur, devant l’épreuve. Prier c’est conspirer avec Dieu contre elle. Car prier c’est comme une déloyauté face à ce qui nous atteint et nous fait souffrir.

David prie avec cette conviction : Toi, ô Dieu, tu connais mon sentier.

Quand je perds courage, toi, tu sais où je vais (BFC).

Quand je suis à bout de souffle, tu sais où je vais (TOB).

Quand mon esprit défaille, toi, tu connais mon sentier (NBS).

Quand mon esprit est abattu au–dedans de moi, Toi, tu connais mon sentier (Colombe).

Et c’est là qu’il va puiser sa force. Il détourne son regard de sa propre situation vers Dieu omniscient et omni vigilant. Oui, il est bon de se souvenir que Dieu sait et connaît ce que nous ne voyons pas. (…) Notre capacité d’évaluer les situations peut perdre équilibre, mais l’Esprit éternel, lui, est toujours clair[4].

David va prier avec cette conviction que Dieu sait ; sait ce que lui ne peut pas voir. Que Dieu connaît son chemin qui semble maintenant noir ou plein d’embûches.

Jésus aussi va puiser sa force dans cette conviction quand il sera en croix et qu’il dira : Père, je remets ma vie entre tes mains.

Pierre aussi va puiser sa force dans cette conviction quand Jésus mettra à l’épreuve son amour et qu’il répondra : Seigneur tu sais toute chose, tu sais que je t’aime.

La difficulté pour nous, dans certaines situations de la vie, c’est que nous avons l’impression que nous sommes dans un brouillard le plus total. Et pas seulement l’impression, mais nous y sommes. Et parfois, on voit la situation arriver et cela nous fait peur. Et parfois, on a l’impression qu’on ne peut rien faire d’autre que de suivre la piste.

Répandre alors notre désarroi devant sa face, sous son regard et non devant nous-mêmes. Prier est l’attitude la plus subversive que l’on peut avoir devant l’épreuve ; c’est conspirer avec Dieu contre elle ; prier c’est comme un déloyauté face à ce qui nous atteint et nous fait souffrir. Car par la prière nous nous élevons au-dessus de la difficulté, dans et par la foi. Par elle, je répands mon désarroi devant Dieu et je me laisse remplir de confiance. La prière me conduit dans cette perspective-ci : Dieu tu es mon refuge, mieux ma part, ma sécurité, mon assurance, ma garantie[5].

Je ne vois pas tout mon chemin… je ne sais pas ce qui est devant moi. Je suis pris dans une situation que je n’aime pas, qui m’effraie… à mon courage vient de succéder la peur… mais je crois que tu es là… que toi tu sais… que toi tu tiens mon chemin dans tes mains comme les piliers de ce pont suspendu tiennent le tablier du pont et garantissent aux automobilistes l’empruntant qu’ils arriveront de l’autre côté, même quand eux ne voient que brouillard.

Quand véritablement tu te poses devant Dieu en prière, quand tu viens avec ta douleur devant Dieu, avec ton désarroi, tes questions, tes angoisses, tu peux te laisser conduire à la perspicacité de voir au-delà du brouillard, de l’échec, de la chute, de la tourmente du moment, de l’inconnue angoissante bouchant ton horizon… à voir au-delà… ou plutôt à faire confiance que Dieu sait toute chose et saura te conduire. C’est se montrer déloyal envers l’évidence du moment. C’est s’appuyer sur le peu que tu sais de la bonté et de la souveraineté de Dieu. Voilà une des raisons qui fait de ce psaume une instruction perspicace.

Ce psaume nous invite aussi à nous demander si quand nous prions, nous prions Dieu, nous nous déchargeons devant lui ou est-ce que nous nous parlons nous-mêmes. Sommes-nous conscients qu’il est là et qu’il entend, qu’il écoute, et surtout qu’il sait déjà ?

Il y a, dans le NT, cet épisode magnifique[6] où Jésus prie sur la montagne pendant que ses disciples se débattent avec les fortes vagues sur le lac de Tibériade. Il est dit que Jésus vit, de son lieu de prière, la difficulté de ses amis et se mit en route pour les rejoindre. Jésus nous voit dans sa prière pour nous depuis son trône à la droite du Père et il vient nous rejoindre par son St.Esprit Consolateur, Son Esprit qui va nous guider dans la vérité. Le St.Esprit nous accompagne dans la traversée folle de ce pont de vie, de ces périodes de vie instables et désécurisantes sans savoir ce qui nous attend devant, mais en sachant que nous arriverons de l’autre côté.

Quand mon souffle s’évanouit en moi, traduit Chouraqui, Toi tu pénètres mon chemin.

Amen.

 

[1] Dans la version TOB. NBS dans sa note explique le pourquoi de cette traduction, s’appuyant sur la racine hébraïque du mot utilisé. D’autres traductions disent poème.

[2] Pensez donc, le peuple chantait la popularité de David : Saül a frappé ses mille, et David ses dix mille (1S 18,7).

[3] Caio Fábio d’Araújo Filho, No divã de Deus, uma análise psicoteológica dos salmos, Vicom, Niterói, 1993, p.91.

[4] Spurgeon sur le Ps 142

[5] Dieu, ma part, fait allusion à la terre que chaque famille israélite avait reçu comme bien propre pour faire sa vie lors de la conquête de Canaan.

[6] Marc 6,46-48.

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