Prédication sur Ex 5-7 extraits
Quand pharaon et Moïse se rencontrent en nous.
Bien-aimés du Seigneur,
Notre désir de liberté, notre désir de plus d’authenticité dans notre vie de foi, notre désir d’une vie plus saine… se heurte souvent à un pharaon, à un obstacle. Il y a eu ce désir de millions de personnes d’en finir avec les mesures anti-covid, des personnes qui respirent de soulagement avec l’assouplissement des règles sanitaires. Dans un 1er temps, on a dit que l’irruption de ce covid allait changer durablement le monde, la société, car il mettait le doigt sur la fragilité du système en place. Alors oui, il y a eu des amorces de changement, mais il y a aussi eu les pharaons de ce monde pour bloquer tout changement profond.
Et cela fonctionne souvent de la même manière dans notre vie de disciple de Jésus-Christ.
Le récit de Moïse qui va trouver pharaon pour libérer Israël m’interpelle à ce sujet et je partage avec vous quelques points.
Pharaon est l’image de celui qui ou de ce qui en nous travaille à nous empêcher d’entrer dans la dimension de vie que Dieu a pour nous, d’entrer dans les projets que Dieu a pour nous[1]. Comment fonctionne-t-il ce pharaon qui agit tantôt de l’extérieur tantôt à l’intérieur de nous ? Quels sont ses tactiques ?
Une 1ère chose m’interpelle : quand Moïse se présente la 1ère fois devant Pharaon pour qu’il laisse les Israélites aller servir le Seigneur dans le désert, Pharaon réagit ainsi : Accablez ces gens de travail, qu’ils aient par là de quoi s’occuper et qu’ils ne prêtent plus attention à des paroles mensongères (Ex 5,9). Ce qui est intéressant c’est qu’en hébreu le mot utilisé pour servir Dieu est le même que celui que pharaon utilise pour travail. Le pharaon impose plus de travail pour détourner du service à rendre à Dieu. Il veut occuper ses esclaves pour qu’ils n’aient pas le temps de penser à la liberté, ni de considérer ce qui mériterait du changement dans leur vie. Il veut remplacer l’obéissance à Dieu par le travail.
N’est-ce pas aussi ce qui se passe parfois avec nous ? Nous aspirons à un changement dans notre façon de vivre et nous finissons par nous laisser avoir par tout ce qu’il y a à faire et laissons tomber. Il y a toujours quelque chose à faire plutôt que de se laisser remettre en question, que de se laisser consoler, encourager ou réorienter. Il y a toujours quelque chose à faire plutôt que de prendre le temps avec le Seigneur dans la prière ou la lecture biblique. N’est-ce pas ce que nous pouvons vérifier dans notre propre vie ? Et nous pouvons nous interroger : est-ce que l’activité sous une forme ou une autre serait-elle en train d’étouffer en nous un désir de vivre autrement, de servir le Seigneur dans une liberté nouvelle ? Le temps des vacances serait-il propice pour faire cette réflexion ?…
Une 2e chose attire mon attention : Pharaon ne prend pas à cœur ce qui arrive. Le pharaon s’en retourna chez lui et ne se soucia plus de cette affaire (Ex 7,23). Il voit, il entend, mais il ignore. Le pharaon ne prend pas à cœur ce qui arrive, jusqu’à ce qu’il soit personnellement touché et que les grenouilles envahissent sa chambre à coucher. On pourrait appeler cela la procrastination existentielle ou spirituelle.
A nous aussi, ça peut nous arriver. On pressent que nous avons besoin de quelque chose de plus, de différent dans notre vie OU simplement qu’il serait nécessaire d’établir d’autres priorités. Des événements, une rencontre, une parole, une nouvelle, un texte biblique réveille cela en nous. Et puis nous l’ignorons pour un tas de raisons. Jusqu’à ce que qqch nous bouscule et nous atteigne personnellement[2] : un problème de santé, une crise familiale, etc.
Une 3e chose m’interpelle : à un moment donné, face aux pressions exercées par les interventions de Dieu – vous savez, celles qu’on appelle les 10 plaies d’Egypte – le pharaon est presque disposé à céder. Il demande à Moïse de prier Dieu en sa faveur pour que les plaies s’arrêtent promettant de laisser aller le peuple. Dès que le calme revient, dès qu’un répit se fait, il change d’avis et son cœur s’alourdit, s’endurcit dit le texte. Mais l’hébreu parle de s’alourdir. Que se passe-t-il là derrière ? Pharaon a une attitude de négociation : il veut négocier avec Dieu. Si tu fais… je fais… Si tu me guéris, je te servirai… Si tu réponds à mes prières, je croirai en toi… Et bien sûr… une fois que Dieu a répondu… on oublie. Le cœur s’alourdit… en hébreu le même mot que glorifier. Le cœur se croit soudain plus fort que Dieu, d’où la traduction il s’endurcit.
N’en va-t-il pas de même avec nous. Les circonstances nous font comprendre que ça ne peut pas continuer ainsi… que nous devons prendre les choses au sérieux… que nous avons besoin d’un nouvel élan, d’une nouvelle dimension dans notre vie, de nouvelle manière de vivre. On l’a vu avec l’épidémie l’année passée. Puis quand les choses se calment… hop… retour à l’ancien… au connu… à l’habitude[3]…
Bien-aimés du Seigneur, nous ne savons que trop bien comment nous fonctionnons. Paul aussi le savait quand il écrivait aux Romains qu’il ne parvenait pas toujours à faire le bien qu’il aurait aimé faire ; ou quand il écrivait aux Galates que le Saint Esprit qui nous habite a des désirs opposés à ceux de notre propre nature[4]. Cela veut aussi dire qu’il y a en nous un Moïse. Un Moïse qui ose contrer le pharaon. Un Moïse qui ose persévérer à affronter pharaon. Un Moïse qui a l’appui de l’Eternel Dieu. Oui, en nous, sommeille aussi un Moïse. Et ce Moïse c’est le baptisé que nous sommes. C’est celui dont Dieu a prononcé le nom le jour de notre baptême pour nous dire « mon enfant bien-aimé ». Laissons parler ce Moïse. Ecoutons-le. Ce baptisé habité du Saint Esprit. Mu par le Saint Esprit. Et parfois quand le Moïse enfoui en nous ne sait pas se faire entendre, il y a d’autres Moïses autour de nous qui nous aide. En nous, il y a ce baptisé qui, comme Paul, a été saisi par Jésus et son amour[5] et qui sait au fond de lui-même qu’il est appelé à passer par une mort et une résurrection. C’est le sens de la marche des 3 jours dans le désert, 3 jours comme ceux entre la mort de Jésus et sa résurrection. Il y a en nous ce baptisé saisi par Jésus et appelé à ne pas attrister le Saint Esprit.
Nous sommes encouragés à laisser ce Moïse, ce baptisé que nous sommes s’exprimer, se déployer. Dans un 1er temps à simplement oser faire face à nos pharaons, oser les regarder en face, sans complaisance, sans crainte non plus. Et faire comme Moïse : parler à l’Eternel Dieu de ce que nos pharaons disent, de comment ils résistent et nous intimident.
Nous sommes encouragés à laisser ce baptisé que nous sommes nous conduire au désert, au lieu du rendez-vous avec l’Eternel Dieu, avec le Seigneur, là où c’est Lui qui nous dit et nous montre qui Il est… Là où c’est Lui qui déploie sa force, sa solidité, sa fidélité devant nous, pour alimenter notre foi.
Nous sommes encouragés à laisser le baptisé que nous sommes prendre l’autorité qui lui a été confiée par le Seigneur pour faire taire les voix de l’Adversaire.
Le baptisé que nous sommes est destiné à connaître la puissance de vie du Seigneur à l’œuvre en lui et autour de lui. Ainsi que la liberté dans laquelle le Seigneur veut l’introduire.
Amen.
[1] C’est l’interprétation qu’en fait Carlo Maria Martini dans son commentaire spirituel, Vie de Moïse.
[2] Par ex. : je peux dire que je n’aime pas l’injustice, mais tant que je ne suis pas touché par elle, je ne vois pas pourquoi je voudrais que ça change.
[3] On pourrait encore s’arrêter sur le fait que pharaon résiste au nom de la position qu’il occupe et que rendre la liberté aux Hébreux pourrait lui attirer les foudres des Egyptiens avec la perte de cette main d’œuvre bon marché. Nous aussi, nous sommes parfois arrêtés par la crainte du qu’en-dira-t-on ou par le fait de paraître original, irresponsable, voire foufou, si jamais nous prenions ce chemin vers plus d’authenticité.
[4] Ga 5,17 Car notre propre nature a des désirs contraires à ceux de l’Esprit, et l’Esprit a des désirs contraires à ceux de notre propre nature : ils sont complètement opposés l’un à l’autre, de sorte que vous ne pouvez pas faire ce que vous voudriez.
Ro 7 : 18 Je le sais, rien de bon n’habite en moi, c’est–à–dire dans ma chair. Car il est à ma portée de vouloir, mais non pas de produire le bien. 19 Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas. 20 Si je fais ce que, moi, je ne veux pas, ce n’est plus moi qui le produis, c’est le péché qui habite en moi.
[5] Philippiens 3:12 Je ne prétends pas avoir déjà atteint le but ou être déjà devenu parfait. Mais je poursuis ma course pour m’efforcer d’en saisir le prix, car j’ai été moi–même saisi par Jésus–Christ.