L’histoire de Ruth se déroule pendant la période des Juges, période sombre caractérisée par la désobéissance, l’idolâtrie et la violence et pendant laquelle il nous est dit « que chacun vivait comme il lui semblait bon sans chercher à plaire à Dieu ». Elimelek et sa famille se rendent au pays de Moab pour fuir la famine. Certains disent que cette décision montrerait le manque de confiance en Dieu d’Elimelek qui a refusé d’écouter le Seigneur qui parlait dans la famine et qui appelait chacun à s’humilier devant Lui et non pas à fuir[1].

Le verbe employé montre que ce séjour devait être temporaire car abandonner définitivement sa patrie signifiait se couper de sa famille, de son clan et de sa divinité. Noémie rentrera 10 ans après chez elle puisque la situation s’est améliorée en Juda. Elle sait que Dieu est le père des orphelins et des veuves et qu’il a pris des dispositions dans sa loi en leur faveur. Ruth et Orpa sont très attachées à Noémie et veulent l’accompagner. Mais Noémie refuse. Pourquoi ?

Les 3 femmes s’aiment bcp et Noémie raisonne de façon rationnelle : pour vous il n’y a aucun avenir en Israël ! Ne vous attendez à y trouver le bonheur ! P?

-Elles sont étrangères et subiront le rejet car Moab est un pays hostile à Israël et qui adore un autre dieu. Donc rien n’est moins sûr qu’elle puisse faire partie du peuple d’Israël ;

-Noémie sait ce que signifie quitter son pays et elle ne veut pas obliger ces belles-filles à vivre ce qu’elle a elle-même déjà vécu. Elles ne pourront pas dépendre de Noémie mais elles devront subvenir à leurs besoins au prix d’un travail fatiguant, humiliant, ingrat (cf. ch. 2).

-Elles sont encore jeunes et belles mais rien n’est moins sûr qu’elles trouvent un mari en Israël. Elles trouveront plus facilement un mari ici ; le mariage était à l’époque la seule voie possible pour Ruth lui garantissant sécurité et stabilité.

Ruth insiste et lui dit : « ton Dieu… » Qu’est-ce qui a bien pu motiver Ruth à suivre Noémie ? L’histoire de Ruth tranche avec une société comme la nôtre marquée par l’individualisme. D’aucun dirait « mais sauve ta peau ! Laisse partir ta belle-mère et refais ta vie, pense à toi d’abord, tu es chez toi, c’est un lieu familier et confortable et puis jolie comme tu es, tu ne manqueras pas de prétendants. Assure-toi un avenir, recherche ton bien-être et ta sécurité… Si tu cherches une sécurité, tu ne la trouveras pas en suivant Noémie… »

Le livre de Ruth questionne cet individualisme. Ici chacune cherche à faire ce qui est le meilleur pour l’autre de façon complètement désintéressée. Leur relation n’est pas marquée par un intérêt quelconque. Pourtant cela aurait été plus simple pour Ruth de rester à Moab que de suivre Noémie. Pour Noémie, veuve et en grande précarité, elle avait même intérêt que ses belles filles restent pour s’entraider. Chacune dépendrait donc en fait de l’autre.

Ruth décide de suivre Noémie quand tous les signes lisibles disent que c’est la dernière chose à faire !  Elle est décidée à partager la vie de sa belle-mère : son chemin et son installation, son peuple et sa foi et finalement aussi son tombeau. La décision de Ruth n’est pas le fruit d’un engouement affectif passager ; ni inspirée par la circonstance présente. C’est une décision mûrement réfléchie. Alors pourquoi ? Par pitié pour elle ? Par solidarité dans le commun veuvage ? Par affection pour celle qui fut comme une mère pour elle ? Par sentiment de devoir auquel elle ne peut pas se dérober ?

Sa décision de suivre le dieu de Noémie va bien au-delà de la bonté ou de son admiration pour elle. En fait, Il faut bien comprendre que le choix de Ruth de s’attacher à Noémie va de pair avec celui de s’attacher à son Dieu. Cet attachement à Dieu se concrétise et se traduit dans un amour, une loyauté et une fidélité envers Noémie. Quand Ruth dit « ton Dieu sera mon Dieu », elle décide de mettre sa vie et sa destinée entre les mains d’un Dieu qu’elle a appris à connaître à travers la vie et le témoignage de son mari et de Noémie.

On peut imaginer en effet que leur style de vie a certainement interpellé Ruth. Elle a entendu parler de Dieu et de ses lois régulièrement à la maison. Les commandements étaient gravés dans leur cœur. Leur foi définissait leurs actions. L’amour de Noémie pour Dieu se voyait et se traduisait dans son comportement. Ruth a associé la bonté de Dieu à celle de Noémie. Cette bonté se manifestait dans les liens familiaux. Les rapports mutuels des membres du peuple de Dieu reflétaient la fidélité de son amour. Tout cela a sûrement attiré Ruth à Dieu et l’a sans doute encouragé à adopter cette foi.

La vie de Ruth est désormais liée à la vie de Noémie et de son Dieu. Le verbe « s’attacher » fait référence à l’attachement de l’homme à sa femme en Gn 2. Salomon s’est attaché à des femmes idolâtres qui l’ont éloigné de Dieu. Le roi Ezéchias s’est attaché à Dieu conformément à sa Parole. Nous sommes appelés à nous attacher à Christ et à la croix. C’est une démarche de fidélité absolue.

Mais il faut d’abord quitter pour s’attacher. Ruth suit les traces d’un certain Abraham, appelé lui aussi à tout quitter. Ruth opère ici un vrai détachement. Vis à vis de sa famille, de son clan, de son pays, de sa culture, de sa religion. Elle s’identifie désormais à un autre peuple et à un autre Dieu. Noémie ne lui a jamais rien imposé. Ruth se base sur ce qu’elle connait du Dieu de sa famille. Elle choisit l’Éternel et renonce à Kemoch le dieu moabite… Cette radicalité s’exprime dans son serment qu’elle fait non par le nom du dieu de Moab mais par celui de l’Eternel. Cela indique qu’elle s’est convertie à la foi au Dieu d’Israël et qu’elle veut s’identifier à jamais avec son peuple et qu’elle a d’ores et déjà pris confiance en lui. Et la formule d’imprécation sous-entend qu’elle ne plaisante pas et qu’elle ira jusqu’au bout.

En partant vers Juda, Ruth fait le choix inverse de celui d’Elimelek (mon Dieu est roi). Contrairement à lui (on peut discuter la motivation d’Elimelek) elle entame une marche par la foi. Parce qu’elle quitte tout sans même savoir si elle sera acceptée par ce nouveau peuple, sans savoir ce qui l’attend en Israël. Dans une période où le peuple s’éloigne de Dieu nous voyons que Ruth s’approche de l’Éternel. Rien n’est calculé. Humainement, rien de raisonnable. Mais elle reste fidèle à Dieu alors que rien ne l’y encourageait.

Ruth devient l’une de ces témoins discrets mais têtus qui nous redit ce que signifie s’attacher à Dieu : mettre toute notre vie entre ses mains, aimer de façon déraisonnable (aux yeux de la société), questionner le sens de nos priorités, remettre en questions nos fausses sécurités… Mais en franchissant la frontière Ruth confie sa vie au Dieu d’Israël. L’Eternel devient son roi. Elle fait ses premiers pas vers une vie nouvelle avec Dieu. Cette décision la met sur le même plan que tous ceux qui ont abandonné leur sécurité pour marcher avec le Seigneur vers un avenir incertain. Par cet amour et cet attachement, Ruth va jusqu’à dire : « ma vie ne m’appartient plus ». Mais cette vie donnée, ce renoncement à soi comme dirait Jésus, Dieu va l’honorer…

En effet plus tard (le lecteur ne le sait pas encore) Dieu va honorer la radicalité du choix de Ruth au travers de Booz son futur mari qui la traite avec bonté. Quand Ruth lui demande « pourquoi me traites-tu avec tant de bonté ? » Booz lui répond « on m’a raconté comment tu as agi à l’égard de ta belle-mère depuis que ton mari est mort je sais que tu as quitté ton père, ta mère et le pays où tu es né pour venir vivre au milieu d’un peuple que tu ne connaissais pas auparavant. Je souhaite que le Seigneur te récompense pour tout cela puisque c’est sous sa protection que tu es venu te placer » (Ruth 2,11).

Ainsi Ruth n’est plus la moabite. Elle devient une véritable fille d’Israël et ancêtre digne de David et de Jésus. Comme quoi la participation au royaume ne dépend pas du sang et de la naissance mais de l’obéissance à Dieu et de la foi en ses promesses.

Jésus nous invite aussi à le suivre et à nous attacher à lui parce qu’en lui se trouve la Vie. Et quand Pierre dira à Jésus « nous avons tout quitté pour te suivre », Jésus lui répond : « si quelqu’un quitte pour moi et pour la bonne nouvelle, sa maison, ou ses frères, ses sœurs, sa mère, son père, ses enfants, ses champs, il recevra cent fois plus dans le temps où nous vivons maintenant : des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants et des champs, avec des persécutions aussi ; et dans le monde futur il recevra la vie éternelle ».

Suivre Jésus est un choix radical. Il nous invite à quitter nos fausses sécurités (familiales, technologiques, identitaires, matérielles, nos idoles, nos faux dieux) pour trouver en lui la vraie source de bonté et de satisfaction. En effet suivre Jésus inclut des détachements, des renoncements. Mais cela s’accompagne de vraies bénédictions de nature spirituelle. En effet, et selon sa promesse (Jésus rajoute la persécution afin de s’assurer que nous ne le suivons pas pour des motifs égoïstes, en vue d’une récompense), quand nous choisissons de le suivre, que se passe-t-il ? Et je termine avec cela :

  • Nous trouvons d’autres maisons pour nous accueillir,
  • Une famille de frères et sœurs dans la foi pour nous soutenir.
  • Une communauté de croyants pour vivre ensemble l’amour de Dieu et du prochain.

Prière : Seigneur, merci car si Ruth a trouvé une famille grâce à Booz, Jésus notre rédempteur nous inclut dans son royaume. Aide-moi à m’attacher au Christ et à l’aimer d’une façon tout aussi désintéressée que Ruth t’a aimé. Aide-moi à vivre ma foi en manifestant la même bonté envers ceux que tu mets sur mon chemin.  Merci pour la famille que je trouve en venant à toi. Donne-moi le courage d’être témoin de toi en actes et en paroles auprès de ceux qui ne te connaissent pas. Que ma foi et mon amour pour toi ne soient pas le fruit d’un engouement affectif passager mais une décision joyeuse en réponse à ton amour. Je désire te suivre même si je ne sais pas ce qui est devant moi. Je te confie mes fausses sécurités. Car je sais une chose :  tu es là sur ce chemin, fidèle à tes promesses, sachant que j’ai déjà tout en toi et ma destinée est assurée. Amen 

 Questions :  Puis-je dire comme Ruth : ma vie ne m’appartient plus ? Quelles sont mes sécurités actuelles ? En quoi ma vie reflète-t-elle ma foi et pourrait influencer qqun à choisir Jésus ? Que représente la famille de Dieu pour moi ?

[1] L’auteur ne fait pas de lien entre la mort d’Elimelek et de ses fils et leur exil en Moab comme si cela en était la cause. Il insiste sur l’angoisse provoquée par ces deuils qui laissent Noémie sans ressources et sans espoir. Le Talmud voit ces morts comme punition pour avoir quitté le pays.

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