Prédication sur Mt 25,1-13

Se laisser user par le temps ou saisir le moment opportun.

Bien-aimés du Christ,

Notre retour de vacances en octobre s’est bien déroulé jusqu’à notre arrivée à Genève où tous les trains étaient supprimés suite à un dérangement technique. Soudain, le trajet en train préenregistré sur mon téléphone n’était plus valable. Nous avons dû attendre que l’incident soit résolu et, durant cette attente, nous avons consulté régulièrement le tableau d’information pour ne pas louper le nouveau départ dont nous ne connaissions pas l’heure. Mais, à aucun moment, nous avons pensé que ce nouveau départ n’aurait pas lieu. Il y a eu ce temps d’attente, incertain quant à sa durée ET au sein de ce temps d’attente il y avait une attention portée au moindre signe annonçant le rétablissement de la situation.

Quand nous attendons quelque chose dont nous sommes sûrs que ça arrivera, ça nous aide à attendre et surtout ça nous aide à être prêt à recevoir ce qu’on attend. Quand nous attendons en sachant qu’est-ce que nous attendons, même que nous ne savons pas quand ça arrivera, cela nous aide à rester attentifs aux signes annonçant l’arrivée de ce quelque chose. Tu es malade : tu attends ton rétablissement en scrutant les signes te disant que tu vas mieux ; tu es au chômage, en recherche d’emploi, tu attends une réponse, tu es attentif à ta boîte mail ; quand je fréquentais avec Ivete, j’étais le 1er à consulter le paquet de courriers que le facteur déposait chez mes parents pour voir s’il y avait une lettre d’elle.

Dans Matthieu 24-25, Jésus parle de la fin des temps et de son retour et il instruit ses disciples sur comment attendre son retour. Le temps de l’Avent nous rappelle que Jésus a promis de revenir et que nous sommes dans l’attente de sa venue. Mais nous pouvons aussi lire les paraboles de ces chapitres sous l’angle de notre présent. Ce sera mon approche.

Les 10 jeunes filles de la parabole de Jésus se sont toutes mise en route pour aller à la rencontre de l’époux, mais avec des postures différentes. 5 ont pris leurs lampes à huile, mais sans prendre d’huile, les lampes sans le combustible… il y a quelque chose qui ne joue pas. Elles ont pris leurs lampes avec quelle idée en tête ? Que le marié arriverait forcément de jour ? Qu’elles en auraient pas besoin ? Ou sans conviction aucune ? Comme le relevait un commentaire, un marié qui arrive à minuit, ça ne tient pas la route non plus. Jésus relève juste le fait que le marié tarde, et tarde vraiment beaucoup. Et que lui aussi donnera l’impression de tarder.

Les 5 qui ont pris leurs lampes avec de l’huile semblent avoir anticipé le

fait qu’il y aurait peut-être une attente et une attente plus longue que prévue, et elles veulent être prête au moment de son arrivée. Le problème n’est pas que les jeunes filles s’endorment pendant leur attente, mais que certaines ne se soient pas préparé pour le moment où l’époux serait annoncé.

J’ai l’impression que Jésus essaie de nous dire 2 choses, à nous ses disciples.

La 1ère c’est que notre vie chrétienne, notre foi, notre confiance en Lui se vit dans la durée, et souvent dans une durée qui éprouve notre patience. Nos prières ne sont pas toutes exaucées instantanément, ça prend parfois du temps, beaucoup de temps. Nos questions ne reçoivent de réponse qu’avec le temps. Notre expérience et compréhension de l’amour que Dieu a pour nous prend du temps. Notre progression spirituelle prend du temps. Le grec utilise pour cette idée du temps qui dure le mot chronos. Le chronos c’est le temps qui nous fait attendre, c’est le temps qui tourne sur notre montre. C’est aussi le temps qui nous use, qui nous fatigue, qui nous vieillit. C’est le temps qui nous démotive, qui nous rend fataliste, qui nous fait démissionner. Le chronos c’est le temps qui met à l’épreuve notre foi. C’est les 25 ans qu’Abraham attend avant de voir la promesse de Dieu se réaliser dans sa vie. C’est les 14 ans que Joseph attend avant de voir son rêve se réaliser. C’est les années que David passe à fuir devant Saül en attendant de devenir roi. C’est les 40 ans que Moïse passe en Madian à oublier son appel de libérateur. C’est les 40 ans que le peuple d’Israël passe dans le désert avant d’entrer en terre promise. C’est ce temps que tu passes à attendre une guérison, un emploi, une éclaircie dans le ciel de ta vie, une réponse. C’est cette durée qui nous semble éternelle. Et qui peut avoir raison de notre espérance, de notre confiance, de notre joie. Et Jésus, conscient de cela, nous invite à ne pas oublier l’autre dimension du temps.

La 2e chose que Jésus nous dit, c’est que, dans cette attente, ce temps qui dure, nous sommes invités à nous tenir prêts au moment où nous entendrons le signal de l’arrivée de l’époux. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire être prêt à répondre au signal qui nous dit qu’il vient, qu’il arrive, qu’il est proche, que notre attente est fondée, que notre prière n’est pas vaine, que notre persévérance n’est pas inutile. Ce signal, ce moment particulier, cette occasion, le grec l’appelle le kairos. C’est le moment favorable à ne pas louper. C’est scruter dans notre attente les signaux que ça s’approche. Comme l’aveugle Bartimée qui entend dire que Jésus arrive à Jéricho et qui se met à crier pour attirer son attention, même s’il ne sait pas quand Jésus passera par sa rue. Comme Zachée qui se dit qu’il ne peut pas laisser l’occasion passer. Comme Joseph qui dans sa prison saisit l’occasion d’interpréter les rêves de 2 codétenus, sûr que ce sera le chemin vers sa libération. Comme Esther qui se rend compte que si elle devenue reine contre son gré, enlevée aux siens pour devenir une de plus dans le harem chargé d’assouvir les désirs du roi, ce n’est pas par hasard, c’est pour délivrer son peuple d’un malheur.

Jésus nous dit : Sois prêt, sois prête disponible pour discerner dans la durée de ta vie les moments où je te réponds, où je suis à ta porte, les signes que je suis là, les signes de mon Règne. Sois prêt/e à accueillir ma venue, mon règne… plus encore soit intéressée à y participer.

C’est déprimant de dire : ça fait 2000 ans que nous attendons le retour de Jésus et le monde va de mal en pis et il n’est toujours pas revenu…

C’est autre chose de dire : nous attendons le retour de Jésus et nous avons déjà vu et voyons encore de si nombreux signes qui nous disent qu’il est avec nous et qu’il pourrait ne plus tarder autant. Dans l’Apocalypse, Jésus conclut au chap. 21 en disant : Je viens bientôt. A l’Eglise de Laodicée il dit au chap. 3 : Je me tiens à la porte et je frappe, ouvrez s’il vous plait.

Si je reste rivé au temps qui passe et use, le chronos, je suis menacé par la tentation de la désillusion, du cynisme ou de perdre la foi. Comme Zacharie le papa de Jean-Baptise qui ne croit plus à l’exaucement de sa prière à force d’avoir attendu. Comme le malade de Bethesda qui après 38 ans a abandonné la perspective de guérir – on peut le comprendre. Comme le malade de Guedara qui s’est reclus dans le cimetière.

Si je suis vigilant au kairos, aux signes que Dieu me fait de sa proximité dans la durée de mon attente, je suis menacé d’espérance, de confiance, d’ouverture, de vie. Comme Néhémie qui se souvient que Jérémie a prophétisé que l’exile des Juifs en Babylonie durerait 70 ans et qui au terme de ces 70 ans, saisit l’occasion que le roi de Perse lui tend pour lui parler du projet de restaurer Jérusalem. Comme Marie qui attendait la venue du Messie et qui saisit la visite de l’ange comme l’occasion de participer à cette venue. Comme Nelson Mandela qui, durant sa longue captivité sur Robben Island, n’a jamais perdu l’espoir d’être libéré un jour, ce qui l’a aidé à rester fidèle, attentif à sa lutte en faveur des droits de tous[1]. Comme le peintre allemand Wilhelm Steinhausen qui, suite à une attaque cérébrale perdit l’usage des mains, et dit : Jusqu’ici j’ai peint pour glorifier Dieu. Maintenant Dieu a retiré le pinceau de mes mains, afin qu’il puisse faire de moi une image qui le glorifie[2]. Dans son épreuve, il discerne l’action de Dieu. Dans son épreuve, il discerne l’occasion, le temps de Dieu.

L’action de Dieu dans notre vie peut sembler tarder, mais elle viendra et elle s’est déjà manifestée. L’action de Dieu dans l’histoire de ce monde peut sembler lointaine, mais elle s’est déjà souvent manifestée. Se réjouir de tous les instants et signes divins qui ont marqué et qui marquent notre attente nourrit notre espérance. Scruter les signes qui nous disent la proximité et la fidélité de Dieu dans notre vie… pour ne pas louper l’occasion d’accompagner la venue de Christ dans notre vie.

Je m’arrête encore brièvement sur un aspect de la parabole. Remarquez que le cri disant l’arrivée de l’époux a lieu à minuit, au plus fort de la nuit. Comme pour dire : c’est dans les moments difficiles, sombres, que notre vigilance est appelée à discernée la venue de Dieu. Et que font alors les 5 demoiselles prudentes : elles allument leurs lampes. Elles deviennent lumières dans la nuit. L’attente qui dure ne les a pas usées. C’est aussi une image pour nous : vivons nos temps d’attente en étant prêt à briller le moment venu. Allumer la lampe, cet état de vigilance et de bon sens est expliqué autrement dans les autres paraboles du Mt 24-25 : il s’agit de la disponibilité à prendre soin de mon prochain, de la disposition à investir mes talents, à m’engager dans ce monde.

Le temps qui use me pousse au repli sur moi-même, au retrait. L’attention aux moments favorables de Dieu me pousse à l’ouverture, à la vie, à une expectative confiante et heureuse. L’attention aux occasions divines me pousse à tendre l’oreille pour entendre le cri de l’arrivée de l’époux. Ce cri se fait-il entendre au fond de toi, par un élan à agir pour ceci ou cela ? Ce cri se fait-il entendre dans les besoins d’un prochain ou de ta communauté ?

Je conclus en paraphrasant des paroles de Mandela[3] : Je ne pense pas au temps que j’ai perdu, le chronos, mais je suis attentif aux occasions divines pour en être partie prenante, parce qu’elles sont porteuses de promesses et de changements, de lumière et de guérisons.

Amen.

 

[1] N. Mandela, Pensées pour moi-même, La Martinière, Paris, 2011, p.199.

[2] Heinz Schäfer (éd), Hört ein Gleichnis, Christliches Verlagshaus, Stuttgart, 1990, p.233.

[3] N. Mandela, op. cit. p.463.

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