Prédication sur Ac 1,4-14 / Ex 24,1-3 + 31,18- 32,1 / Ps 31,5+22-24.

Temps morts : Dieu nous fait mûrir pour la réalisation de sa promesse.

Chers amis en Christ.

Il y a des moments dans notre vie où nous attendons la réalisation ou la vérification d’une conviction, d’une intuition qui nous a amenés à prendre une décision. Et là soudain, nous nous demandons : Mais qu’est-ce que tu fais là ? As-tu pris la bonne décision ? Ta confiance était-elle justifiée ? Es-tu sûr que tu ne t’es pas trompé ? On ne sait plus trop où on en est. Notre démarche de foi, de confiance se trouve devant une sorte d’entre-deux, de temps mort, de vide. Ces moments ne sont pas forcément des tempêtes.

Un peu comme les disciples dans le récit des Actes : ils ont vu leur foi en Jésus confirmée par sa résurrection, ils l’ont entendu dire que toute autorité lui a été donné sur la terre comme aux cieux, Jésus leur a promis son Esprit Saint et demandé d’attendre sagement la réalisation de cette promesse à Jérusalem. Et ils l’ont vu monter au ciel !!!  Et les voilà qui se retrouvent pour attendre… et prier.

Je me suis demandé comment ils ont vécu ce temps, ce temps d’attente, de patience. Quel questionnement a été le leur ?

  • Pourquoi suis-je ici ? Qu’est-ce que je fais ici à prier ? Jusqu’à quand ça va durer ?
  • Ai-je eu raison de croire ? Ai-je raison de croire dans cette promesse ? Ai-je raison d’attendre ?
  • Je crois que Jésus est souverain, Seigneur. Mais ai-je raison ? Et si ce n’était pas vrai ? Est-ce que je fais bien de faire confiance et d’attendre la réalisation de cette promesse ? Ou est-ce une illusion ?

J’imagine que de nombreuses personnes sont à se questionner en ces temps difficiles : Vais-je perdre mon emploi ? Vais-je en retrouver un ? Que vais-je devenir avec la faillite de mon commerce ? Que va devenir ma santé ? Et mes études ? Et la 2e vague éventuelle ? Etc. Attente de jours meilleurs. S’accrocher à sa foi en Christ… tout en s’interrogeant.

Les personnages bibliques vivent ces temps d’entre-deux différemment. Un peu selon la phrase de ce commentaire: Les temps d’attente sont des temps bénis, mais aussi pleins de dangers[1].

Par exemple, les Israélites qui ont vu la manifestation de Dieu sur le mont Horeb, qui ont entendu sa voix, ne veulent plus attendre le retour de Moïse avec les lois de Dieu. Ils se découragent, ils oublient ce qu’ils ont vécu jusqu’ici avec Dieu. Ils veulent du concret et pas attendre. Alors ils se font une idole. Ils renoncent à leur foi au Seigneur. Ils ont trop attendu, Dieu ne s’est pas bougé, alors c’est qu’ils ont eu tort de croire en ces balivernes.

Les disciples d’Emmaüs ont été tentés, eux, de revenir à leur vie d’avant, avec un certain fatalisme. Notre confiance en Jésus n’a rien donné… alors on va se débrouiller tout seul.

Danger du découragement, de l’abandon, du fatalisme, et de la fuite en avant ou du retour en arrière.

Ce n’est pas forcément facile de vivre ces temps de vide, où il semble ne rien se passer, où il semble que Dieu est passif. Mais ils peuvent aussi devenir bénédictions. C’est ça qui nous intéresse.

La 1ère chose à dire c’est que la persévérance dans la prière est le moyen que Dieu utilise pour faire de ce temps d’attente une bénédiction. Prière dans la chambre haute où Jésus a célébré la Sainte Cène avec ses disciples. Ce lieu où Jésus a scellé son alliance nouvelle avec nous. Persévérer dans la prière sans forcément savoir quoi demander au Seigneur. Cette prière qui peut simplement être : Seigneur, je ne sais plus quoi te dire, je ne sais plus quoi te demander, je ne sais pas où j’en suis, ni où je vais, mais toi tu es avec moi. Seigneur, si j’ai pris telle ou telle mauvaise décision, tu demeures avec moi. Je ne te vois pas, j’ai de la peine à le croire. Mais tu demeures avec moi et tu m’aimes. Dieu honore cette simple confiance. La prière nous garde reliés au Seigneur alors que les démons du découragement, de l’abattement, voire du désespoir rodent.

La prière va permettre à Dieu de faire le travail de te bénir. Il va le faire.

Par la prière, tu montres que tu as conscience de ne pas te suffire à toi-même. Le cardinal Newman disait : Le chrétien est celui qui attend le Christ[2].

Le travail du Seigneur c’est qu’avec l’ouverture que tu lui donnes, il agit en toi. Il te prépare à recevoir ce qu’il a préparé pour toi. Il t’y prépare en travaillant le regard que tu poses sur les circonstances. Il t’y prépare en travaillant le regard que tu poses sur tes propres convictions. Il te prépare à recevoir et à expérimenter son action qui va dépasser le cadre que tu lui as fixé. Jésus va venir, agir mais, très probablement, hors du cadre que tu lui as fixé.

La prière te dispose à laisser Dieu te montrer que tu as besoin de Lui, et de Lui laisser liberté d’action. Ce n’est plus seulement ma propre intelligence des choses qui va me sauver. C’est la sienne. Ce n’est plus seulement mes propres forces. C’est les siennes.

Paul dit : Laissez Dieu vous transformer et vous donner une intelligence nouvelle. Vous pourrez alors discerner ce que Dieu veut : ce qui est bien, ce qui lui est agréable et ce qui est parfait (Ro 12,2). Derrière le mot parfait[3], il y a l’idée de mûr, arrivé à maturité ; l’idée de là où Dieu voulait en venir. Paul va vivre cela lui-même durant un temps de retrait de 3 ans dans le désert d’Arabie[4]. Entre sa conversion et son entrée dans le ministère d’apôtre.

Le travail de Dieu c’est de faire mûrir en nous ce qu’il y a à faire mûrir pour que nous puissions accueillir sa volonté, sa direction et son intervention dans notre vie.

Alors, je t’encourage, je nous encourage : quand notre foi fait face à un temps d’attente, un temps mort, un entre-deux, voire une sorte de terrain vague où nous ne savons pas où nous en sommes ni ce qui pourrait encore arriver, crochons dans la prière, persévérons-y même si c’est sans avoir les mots pour. Par notre prière, le Seigneur accomplit un travail de mûrissement en nous.

En conclusion, je te laisse ces mots de Elihou à Job qui a tout perdu : femme, enfants, richesse et santé et qui a longuement exprimé son incompréhension au Seigneur. Bien que tu dises que tu ne le vois pas, Ta cause est devant le Seigneur: attends-le, fais-Lui confiance (Job 35,14 version Louis Segond 1910).

Amen.

 

 

[1] Théophile Hammann dans son blog esperertoujours.

[2] Enzo Bianchi, Les mots de la vie intérieure, Cerf, Paris 2002, p.42.

[3] teleios, amené à ses fins, accompli, parfait, complet, adulte, fait, mûr.

[4] Cf. Galates 1,18. Après sa conversion, il doit fuir de nuit Damas car on en veut à sa vie. Il a dû se demander : Mais à quoi ça rime… je donne ma foi à Christ Ressuscité, et les ennuis commencent ? Après sa fuite de Damas, Paul disparaît de la circulation durant 3 ans ; il passe 3 ans dans le désert d’Arabie, avant de réapparaître et de prendre contact avec les apôtres. Dans ces 3 ans il a dû vivre bien des choses pour faire de lui l’apôtre que l’on sait.