Prédication sur Ge 16,13 / Es 38,5bc / Mc 5,35-36

Tu es le Dieu qui me voit.

Bien-aimés du Christ,

Le verset choisi il y a environ 5 ans pour présider à l’année 2023 est : Tu es le Dieu qui me voit. Dieu qui me voit. Qu’est-ce que ça suscite en toi que Dieu te voie ? Si Dieu te voit une fois c’est qu’il te voit toujours. S’il te voit un peu c’est qu’il te voit sans rien pour barrer sa vue. Qu’est-ce que ça suscite en toi ?

Cela dépend beaucoup de l’intention derrière ce voir. On a eu utilisé le fait que Dieu nous voit pour faire peur, pour dire fais attention comment tu te comportes !

Pour Agar, cette découverte va lui rendre courage. Agar l’esclave égyptienne sans doute donnée à Abram par Pharaon lorsqu’il fit passer Sara pour sa sœur et que ce dernier le chassa de son pays ; Agar l’exilée, l’objet qu’on se passe ; Agar l’utilisée, sans droit de disposer de sa propre vie. Agar la manipulée, l’abusée. L’hébreu est violent : Sara la saisit comme on capture un animal et lui enlève le reste de liberté qu’elle a pour la donner à Abram comme épouse. Agar la violée. Puis… Agar la rejetée. Celle à qui on ne demande jamais son avis, mais dont sa maîtresse dispose. Le mot maîtresse désigne la personne qui sait détenir la force et s’en prévaut orgueilleusement pour dominer autrui. Agar enceinte fuit, préfère le désert à la maltraitance de Sara, à la passivité et à la lâcheté d’Abram. Pour fuir l’absurdité de sa situation, elle choisit le désert. Le désert, ce lieu de solitude, de néant, là où tu es mis face à la radicalité de ta fragilité, le désert de Shour, en hébreu le désert de muraille, comme pour dire, le lieu où tu es mis au pied du mur.

C’est là qu’Agar découvre Dieu-qui-la-voit. C’est là qu’Agar se découvre connue, reconnue de Dieu. C’est là qu’elle se découvre accompagnée, entendue de Dieu. C’est là que ce Dieu qui la voit devient son puit, sa source de vie, de force. Le puit en hébreu est le même mot qu’œil. C’est là que pour la 1ère fois, on lui donne la parole. Dieu lui donne la parole. Imagine : Dieu lui donne la parole. Agar servante de Sara d’où viens-tu ? Où vas-tu ? Agar expliquera alors à Dieu sa situation, mais ne sachant ni où elle va ni ce qui l’attend, c’est comme si elle laisse à Dieu le où vas-tu ?. Elle fait l’expérience de Dieu qui voit ce qu’elle a enduré.

Tu es le Dieu qui me voit. Et qu’est-ce que ça change pour Agar et pour toi et moi ? Dieu renvoie Agar chez Sara ! Et humilie-toi devant celle qui t’humilie. C’est le comble non ? Pourtant, Agar sait désormais qu’elle existe, qu’elle est connue, reconnue, accompagnée, aimée par Dieu, et surtout au bénéfice d’une promesse. On a voulu l’utiliser. Et bien qu’à cela ne tienne : Dieu insère cet abus dans son projet et le couvre d’une promesse. Agar tu n’es plus l’objet de tes maîtres, tu es porteuse des projets et d’une promesse de Dieu. Et cet enfant qu’on t’a imposée, c’est toi qui le nommera, sous-entendu, c’est toi qui lui donne une destinée et non tes maîtres. Ce ne sera pas facile. Mais Agar sait qu’elle est vue du Dieu Vivant, le Vivant-qui-me-voit.

Parfois, nous pouvons nous sentir comme Agar. Un objet secoué par les circonstances, au bon vouloir des grands de ce monde, mais parfois aussi utilisé et abusé par les autres, sur le lieu de travail, dans la famille, dans l’Eglise. Juste bon à être la bonne. Parfois on se sent même écrasé par l’absurdité de ce qui nous arrive. Parfois nous sommes confrontés à la radicalité de notre vulnérabilité, par les autres, par la maladie, par la perte d’un emploi, par une crise conjugale.

Et là Dieu nous attend pour nous dire : d’où viens-tu ? Je suis là pour écouter. Je sais déjà. Mais je veux écouter de toi, car tu es importante pour moi.

Tu es le Dieu qui me voit. Agar découvre que Dieu lui fait confiance et qu’il lui confie une promesse que ce qui a été absurde il lui donnera du sens, même si ça lui échappe pour l’instant. Agar découvre que désormais sa vie est sous le regard du Vivant et donc qu’il est avec elle.

C’est presque une constante dans la Bible. Quand Dieu voit, il a déjà une idée de ce qu’il va faire. Quand Dieu voit, le hasard et l’arbitraire sont soumis à son autorité, à sa maîtrise. Quand la situation est absurde, dépassant notre seuil de tolérance à la souffrance ou notre capacité mentale, il nous couvre d’une promesse et nous insère dans son projet comme il le fait avec Agar et Nathanaël. Quand il voit la femme qui a voulu lui arracher incognito sa guérison en le touchant par derrière, Jésus la rétablit aux yeux de tous en lui disant son amour. Car quand Dieu nous voit, il reconnaît notre existence. Quand il voit Pierre le renier, Jésus lui communique sa tendresse, sa grâce et le conduit au changement qui fera de lui l’apôtre chef. Quand Jésus voit les disciples pris dans la tempête sur le lac, il se met en route vers eux.

Tu es le Dieu qui me voit. Le regard de Dieu n’est jamais inquisiteur, ni curieux, voyeur. Il est de compassion. Il est confiance accordée, promesse de sens et de paix, il est promesse de dignité. Le regard de Dieu, un regard qui voit et aussitôt aime[1].

Où allons-nous en 2023 ? Nous ne le savons pas. Les guerres continueront. Nous continuerons à ne pas savoir qui croire en écoutant les médias et leur incapacité à prendre un peu de recul face aux idéologies dominantes. Nous aurons encore l’impression d’être les objets de jeux d’influences et de pouvoir nous dépassant.

Mais nous nous souviendrons que le Seigneur est Dieu qui nous voit. Qu’il nous connaît et parce qu’il nous connaît, nous ne sommes plus les pions du hasard, de l’absurde et des circonstances ou du bon vouloir des autres, car il nous insère dans son projet et il est au contrôle. Désormais, nous affronterons les circonstances avec cette assurance : une promesse de paix, une promesse de sens, et une présence y sont attachées par le Seigneur. Nous ne comprenons pas tout, mais il nous précède. Nous ne sommes pas abandonnés, il nous écoute, il entend, il agira, il aura le dernier mot. Agar va accepter de ne pas voir vers quoi elle va, mais se réjouira ou du moins sera assurée d’être vue par Dieu.

Parce que avoir conscience que Dieu est Dieu qui me voit, c’est l’antidote au sentiment d’être oublié et ignoré, c’est l’antidote au sentiment de solitude, c’est le remède au sentiment d’incompréhension, c’est le remède à cette impression que nous sommes seuls à ramer, à ce impression d’abandon, de découragement.

Dieu qui me voit c’est être assuré qu’il y a un chemin et un horizon préparé par Dieu derrière ce qui me semble absurde et insoutenable.

Agar retournera chez Sara et Abram, et Abram, contre toute attente, nommera le fils du nom qu’elle lui indiquera Ismaël : car Dieu non seulement est celui qui te voit, mais celui qui t’entend…

Puissions-nous en 2023 cultiver l’assurance que Dieu nous voit, il sait, il connaît, et il promet : je reste au contrôle… et ce qui te semble absurde, je saurai en faire quelque chose qui te surprendra.

Que Dieu-qui-te-voit soit ta source de force, de paix, de confiance. Amen.

 

[1] Marie-Claire Berthelin, La décision de vivre, Vie chrétienne, Paris 2013, p.23.

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